Au bout de la nuit minoritaire

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« Pas de pays mais un programme «humain» de fin de vie, le legs de Véronique Hivon, version moderne de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. »


En face le pire,


Jusqu’à ce qu’il fasse rire...


                                          - Becket 



Avertissement : ceux qui aiment croire que tout va bien, que le modèle québécois est , que la Révolution tranquille est un interminable succès et qu’on est en droit de se péter les bretelles, eh bien, ceux-là ne devraient pas lire Christian Saint-Germain.


Surtout pas son dernier bouquin, Québec Circus, dernier de quatre coups de pied au cul du national-syndicalisme.  


D’un livre à l’autre, l’aquamation de quelque chose comme un grand peuple, bouche bée devant le néant : 1) L’avenir du bluff québécois, 2) Le Mal du Québec, 3) Naître colonisé en Amérique, autant de brûlots corrosifs suscitant tantôt la rage, souvent le fou rire et surtout le désespoir... 


Québec Circus boucle la boucle d’une fresque mettant en vedette les héros d’hier, une brochette de politiciens au destin dramatique et risible.


Saint-Germain manie une plume irrévérencieuse qui procure un plaisir proche du malaise, comme une envie de rire au salon funéraire. Son humour radical est si politiquement incorrect, hostile au soi-disant progressisme local qu’on a peine à croire que ce prof de l’UQÀM n’ait pas encore été kidnappé par le Black Bloc...


On ne s’attend pas à ça d’un prof de l’Université As-tu-du-change, là où on paiera cette année 40 000 $ pour mesurer«les effets de la pratique musicale sur le stress et le système immunitaire de musiciens amateurs de 50 ans et plus».


Les nationalistes ont droit, d’un livre à l’autre, de Bluff à Circus, à une telle volée de bois vert qu’il est impossible de rendre justice à leurs tourments ici...



Au bout de la nuit minoritaire

MARIE CHRISTINE TROTTIER/24 HEURES/AGENCE QMI




Saint-Germain estime que, depuis longtemps, les Québécois sont dirigés par des perdants et des égocentriques. La plupart de ceux qui croyaient réinventer le monde après Duplessis ont plutôt érigé en système un État confiscatoire dont la mission est de produire des cohortes d'analphabètes et d’accueillir aux urgences, en janvier comme en juillet, la traditionnelle cohue des réfugiésgrippés, enrhumés, cancéreux ou diarrhéiques... 


Tous, dans ce modèle «conçu pour boucher l’à-venir», doivent payer le stationnement à des soustraitants...


Des routes lézardées comme les murs des écoles, des hôpitaux encombrés de bureaucrates et de malades errants où les coccinelles font leur petit bonhomme de chemin jusqu’au bloc opératoire; «Docteur, ça me chatouille, là»...


Saint-Germain, c’est le voyage au bout de la nuit minoritaire. Le terminus du Didace. Le cimentière des bonnes âmes. Le columbarium des jovialistes. Le règne du fonctonnaire mais la fin du pays.


«La Révolution tranquille n’a préparé que des démissionnaires», écrit-il, et l’indépendantisme ne pouvait que mourir, pétrifié dans le «permafrost de la fonction publique». On se consolera avec des garderies syndiquées et du vin indexé au fonds de pension de la caissière...


Dans Québec Circus, le PQ en prend plein la gueule... Et dix fois plutôt qu’une. De Pauline la pas-fine et son Gaston Lepage de la finance, à PKP, Bernard Landry, Jacques Parizeau, Lucien Bouchard, Lévesque, et, surtout Lisée, le pauvre Lisée, réduit en bouillie, apparemment choisi pour la défaite...


Le nationalisme s’est écrasé comme une vieille pâte feuilletée, au soleil, dans la vitrine du pâtissier... 


Pas de pays mais un programme «humain» de fin de vie, le legs de Véronique Hivon, version moderne de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs.


«Pur produit du système politique canadien, verrue plantaire du fédéralisme, le PQ fit fortune de la petite fierté québécoise pétrifiée par sa disparition programmée», écrit Saint-Germain avec la lucidité du bourreau...


Québec solidaire, la chicorée uqamienne qui se croit expresso, passe aussi à la moulinette : «Canelle et Pruneau, un tandem de piste cyclable composé d’un Trotski de collège et d’un Ricardo de la crise des casseroles»...


Saint-Germain fait comprendre, ici et là, qu'il devine d'emblée les reproches qu’on lui adressera. Qu’il est trop sombre, trop pessimiste, pas assez reconnaissant, pas assez compréhensif, etc. Antithèse de la bonne humeur, il abhorre cet «art de la planque», qui a fait le succès de ceux qui savent ce qu'il ne faut pas écrire ou ce qu'il ne faut pas dire pour avoir du succès...


Avec un humour noir, il estime que les Québécois, «sursitaires» épris mais souvent privés de soins de fin de vie, méritent ce qu'il appelle la «politesse du désespoir». Christian Saint-Germain écrit, avec un plaisir évident, pour «faire la toilette aux morts»...