Le syndicaliste Michel Chartrand nous quitte à l'âge de 93 ans

2010 - nos disparus

«Tout le monde doit faire de la politique. En démocratie, c'est un devoir: assumer ses responsabilités à son niveau, voir à ce que le monde s'épanouisse»
Michel Chartrand sur Wikipedia
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La Presse canadienne - Un fort en gueule, un insurgé, un combattant de toutes les causes politiques et sociales qui ne se sera jamais résigné jusqu'à son dernier souffle. Michel Chartrand aura marqué plusieurs décennies de l'histoire syndicale et sociale du Québec.
Caricaturé pour son bagout, son langage inspiré du marxisme, Michel Chartrand savait aussi rire de lui-même. Il s'est déjà décrit comme «pessimiste intellectuellement et optimiste volontairement».
Famille nombreuse
Né à Outremont le 20 décembre 1916, Michel Chartrand est le 13e d'une famille de 14 enfants.

En 1929, il entre au Collège Brébeuf, puis devient pensionnaire au collège Sainte-Thérèse. De 1933 à 1935, il est moine à la Trappe d'Oka, y médite et y prie. Il travaille ensuite bénévolement pour les jeunesses catholiques et nationalistes.

Michel Chartrand a déjà dit être devenu indépendantiste à l'âge de 18 ans, en lisant l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Il commence à s'engager politiquement en adhérant à l'Action libérale nationale et en devient organisateur, aux élections provinciales en 1939. C'était l'époque de Maurice Duplessis.
Simone Chartrand
En 1940, il suit des cours d'histoire donnés par l'abbé Lionel Groulx à l'Université de Montréal, l'homme qui, devenu chanoine, l'unira à Simonne Monet le 17 février 1942, à la chapelle de l'église Notre-Dame, et qui baptisera tous ses enfants.

En 1941, il suit un entraînement militaire et est renvoyé pour avoir refusé de remplir des formulaires qui étaient seulement en anglais. Il était aussi un défenseur du fait français.

Cette année-là, il milite à la Ligue de défense du Canada, travaille contre la conscription en vue de la Deuxième Guerre mondiale et devient membre fondateur du Bloc populaire.

Il a son premier enfant en 1943, Marie-Mance-Micheline. Suivront six autres: Hélène, Marie-Andrée, Louis-Lionel-Alain, Suzanne-Geneviève, Madeleine et Dominique.
Bloc populaire
Son action politique se précise: en juin 1945, il devient candidat du Bloc populaire aux élections fédérales dans Chambly-Rouville. Il est battu mais récolte tout de même 2333 voix.
En 1949, lors d'une des plus célèbres grèves de l'histoire du Québec, celle d'Asbestos aussi appelée grève de l'amiante, il s'engage dans le syndicalisme et y trouve la voie pour canaliser ses idéaux d'égalité et de solidarité.

Son engagement syndical se poursuit: il devient organisateur pour la Fédération nationale du vêtement de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC), l'ancêtre de la CSN, en 1950.

En 1953, il est engagé à la CTCC, mais se confronte vite au secrétaire général Jean Marchand, qui ne veut pas reconduire son contrat. Le dossier se rend en arbitrage, où le président du tribunal, nul autre que Pierre Elliott Trudeau, le rétablit dans ses fonctions.
Durant ces années-là, Chartrand sera arrêté à plusieurs reprises pour s'être retrouvé aux abords des piquets de grève.

En 1954, il se présente contre Jean Marchand au poste de secrétaire général de la CTCC et est battu.

En 1956, il flirte avec la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), où il travaille à l'information pour le syndicat des Métallos.

La même année, il adhère au CCF (Cooperative Commonweath Federation). Le CCF devient, au Québec, le Parti social-démocratique et Michel Chartrand en devient le chef au Québec.
Murdochville
Chartrand va soutenir les grévistes lors de la célèbre grève de Murdochville, à la Gaspé Copper Mines de Noranda.

Connu pour ses talents d'orateur, en 1958, il anime des soirées dans le cadre de la grève des réalisateurs de Radio-Canada.

À compter de 1959, il prend une pause dans son action syndicale et se lance dans l'imprimerie. Il publie alors les Gilles Vigneault et Pierre Vadeboncoeur.

En novembre 1963, il devient président du Parti socialiste du Québec et assiste au congrès du Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN).

En 1967, il participe aux Etats généraux du Canada français, puis revient au syndicalisme en 1968, à la Confédération des syndicats nationaux (CSN).
Loi sur les mesures de guerre
En 1970, comme bien d'autres, il est arrêté en pleine nuit et emprisonné dans le cadre de la Loi sur les mesures de guerre. Il passera quatre mois en prison, au cours desquels il redécouvrira la poésie.

Suivent plusieurs années au cours desquelles il est conférencier, à l'invitation de groupes populaires et de syndicats.

Il s'intéresse ensuite à la cause des travailleurs accidentés. Avec une quarantaine de personnes, il fonde en février 1983 la Fondation pour l'aide aux travailleurs accidentés, plus connue sous son acronyme de FATA.

Il devient collaborateur de L'aut'journal en 1992, un «journal indépendant, ouvrier et populaire».

Son épouse décède en janvier 1993 à la suite d'un cancer. Michel Chartrand la louangera alors pour avoir enduré «un mari insupportable comme moi».
Référendum
Lors du référendum sur la souveraineté de 1995, même âgé de 78 ans, il s'engage comme bénévole pour le camp du Oui. «Tout le monde doit faire de la politique. En démocratie, c'est un devoir: assumer ses responsabilités à son niveau, voir à ce que le monde s'épanouisse», justifiait-il en entrevue.

Il dit à l'époque, en posant un regard sur sa propre vie: «Je n'ai pas beaucoup changé. J'ai fait mon règne. Je ne juge pas mes contemporains. Je juge les hommes politiques sur les actes politiques.»

Il tente de nouveau de se faire élire en novembre 1998, lorsqu'il se présente comme candidat indépendant contre le premier ministre péquiste d'alors, Lucien Bouchard, dans Jonquière, pour y défendre ses idées de gauche. Ce n'est pas parce qu'il est souverainiste qu'il est péquiste. Il arrive tout de même en troisième place, récoltant 15 % du suffrage exprimé, soit 5023 voix, alors que le gagnant Lucien Bouchard en récolte 60 % ou 20 475 voix.
Chartrand s'élève alors contre l'objectif du déficit zéro, disant y préférer un objectif de pauvreté zéro.

Toujours réputé pour son langage coloré, Michel Chartrand admettait dans le cadre d'un rassemblement de la gauche à Québec, en mars 2003: «J'ai peut-être un pied dans la tombe, mais l'autre, je suis encore capable de le lever assez haut pour botter le cul d'un ministre».
Il a fêté ses 90 ans dans la mythique salle de spectacle Le Lion d'Or, à Montréal, en janvier 2007, le mois suivant son anniversaire, aux côtés des Séguin, de Louise Forestier et d'autres artistes.

En janvier 2008, on l'a aussi vu assister aux funérailles de l'ancien avocat des felquistes, Me Robert Lemieux.

Encore au printemps 2008, toujours actif, il assistait aux «Journées Michel Chartrand», des journées de réflexion organisées par le parti de gauche, Québec solidaire. Ces journées sont justement dédiées à l'éducation populaire sur le monde du travail et sur les politiques sociales.


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