Le retour

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C’est là que l’on se rend compte du poids de Duceppe

Le 2 mai 2011, c’était la consternation au Bloc québécois. En une seule élection, le parti qui avait dominé la scène politique québécoise était relégué au rôle de quatrième violon à Ottawa avec seulement quatre députés, 43 de moins qu’au moment de la dissolution. Même le chef, Gilles Duceppe, était défait. Une tonne de briques sur la tête aurait fait moins mal.

Le Bloc ne démissionne pas pour autant. Le mouvement indépendantiste a des raisons stratégiques de vouloir garder une tête de pont à Ottawa et les souverainistes, qui paient leurs impôts comme tout le monde, ont le droit de vouloir être représentés par des députés qui partagent leur point de vue.

Pour sa relance, les bloquistes comptent sur le retour de leur ancien chef, le travail de terrain fait depuis 2011 et sur l’intérêt suscité par la course au leadership du Parti québécois et l’élection de Pierre Karl Péladeau. On martèle encore le message d’unité des troupes, évidemment plus facile à faire à Ottawa qu’à Québec, où plus d’un parti défend l’option souverainiste. Le parti a recruté des candidats. Une cinquantaine devraient être choisis d’ici à la fin juin.

Une variable échappe toutefois au Bloc et elle a pris encore plus de valeur depuis quatre ans. Bien des électeurs voulaient déloger les conservateurs de Stephen Harper en 2011. Les bloquistes le savaient, puisqu’ils se présentaient comme les seuls capables de leur bloquer la route au Québec.

Mais voilà où était le problème pour le Bloc. Bon nombre de citoyens, dont bien des souverainistes, ne voulaient pas seulement freiner Stephen Harper, mais l’éjecter du pouvoir. Ils ont misé sur le NPD, le reste du pays a fait d’autres choix.


Aujourd’hui, Gilles Duceppe répète que voter pour le NPD n’a pas donné les résultats escomptés, puisque Stephen Harper a hérité d’un mandat majoritaire. Mais un nombre équivalent de députés bloquistes n’y aurait rien changé. Les conservateurs l’ont emporté sans le Québec et pourraient le faire encore si les autres partis divisent le vote ou ne font pas de percée suffisante.

Si les sondages ne se démentent pas, les probabilités de priver Stephen Harper d’une majorité, sinon du pouvoir, seront toutefois plus grandes en octobre prochain qu’en 2011. Tous ceux qui souhaitent un changement de gouvernement en tiendront évidemment compte.

Comme en 2011, ce ne sont pas les vertus du Bloc ni les qualités personnelles et professionnelles de ses candidats et députés qui scelleront leur sort. L’enjeu qui semble se dessiner se résume en une question : qui formera le gouvernement ?

En 2011, j’ai entendu je ne sais combien de souverainistes progressistes dire que leur priorité à court terme était de défaire les conservateurs et qu’ils songeaient à voter pour un parti capable de prendre le pouvoir. Ils se préparaient donc à voter pour le NPD. Pour eux, le charisme de Jack Layton était bien secondaire. Ce discours, on l’entend à nouveau et avec persistance.


En conférence de presse à Ottawa cette semaine, M. Duceppe a rappelé à ceux qui croient qu’un ministre québécois au cabinet fait une différence que cela n’a pas empêché le rapatriement de la Constitution sans le consentement du Québec. Le rôle du Bloc, répète-t-il, est de donner une voix plus forte au Québec.

Pourrait-il vivre alors avec n’importe quel autre parti au pouvoir ? « Je respecte toujours le choix des Canadiens et des Canadiennes. Je ne vote pas à leur place », a-t-il répondu.

Mais ce gouvernement que les Canadiens éliront le 19 octobre sera aussi celui des Québécois. Ses décisions les affecteront aussi. Faudrait-il que les Québécois se contentent de les subir ? Une forte proportion des citoyens estiment par conséquent devoir contribuer à le choisir en tentant de faire élire des députés qui reflètent davantage leurs valeurs que ceux actuellement au pouvoir.

La souveraineté n’est pas pour demain, mais les effets des politiques du prochain gouvernement fédéral seront souvent immédiats et pourraient se faire sentir longtemps. On pense aux changements climatiques, aux décisions en matière de justice, de lutte contre le terrorisme et ainsi de suite.

Peu importe le sens des responsabilités dont a fait preuve le Bloc tout au long de son histoire, qu’il ait été question d’assurance-emploi, de justice, de finances publiques, aucun parti fédéraliste ne voudra compter sur les bloquistes pour gouverner. Les protestations soulevées en 2008 par le projet avorté de coalition libérale-néodémocrate, soutenue par le BQ, ont laissé des traces. Les Québécois l’ont compris en 2011 et le comprennent toujours.

Il y aura des souverainistes et des électeurs déçus du NPD qui retourneront au bercail bloquiste lors de la prochaine élection, et le retour de M. Duceppe y contribuera. La soif de changement à court terme est cependant une donnée sur laquelle le Bloc a moins de prise que les autres partis.

En privé, les bloquistes en conviennent, mais ils affirment qu’ils sauront y répondre. On invoque des raisons stratégiques pour ne pas en discuter, mais cette réponse ne sera pas aisée à trouver. Le Bloc pourrait reprendre pied, mais de là à reprendre l’avant-scène, c’est une autre paire de manches.


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