Au moment où le projet de loi 62 des libéraux sur la neutralité religieuse de l'État est débattu en commission parlementaire à Québec, le Rassemblement pour la laïcité lance ce matin une nouvelle déclaration, qui est « en porte-à-faux avec le projet de loi 62 ».
Ainsi, le mouvement, qui déposera justement un mémoire demain en commission parlementaire, veut souligner l'importance pour la démocratie, la liberté et l'égalité de vivre dans un État qui adopte la laïcité au sein de son appareil.
Le projet de loi 62 renonce à interdire aux travailleurs de l'État le port de signes religieux, même pour les personnes en position d'autorité ayant un pouvoir contraignant, comme les juges, les gardiens de prison et les policiers, et encadre les demandes d'accommodement religieux.
Le Rassemblement pour la laïcité réclame l'interdiction du port de signes religieux chez tous les employés des secteurs publics et municipaux, ainsi que chez les élus.
Il voudrait également que la même interdiction soit valable pour tous les élèves du primaire au cégep, qui sont jusqu'à cet âge trop influençables, indique le porte-parole du mouvement et politologue André Lamoureux.
Le port du voile est une manifestation d'intégrisme. Les femmes musulmanes ne sont pas obligées de porter le voile
Le rassemblement voudrait aussi que l'on interdise le financement des écoles privées religieuses et demande le retrait du volet culture religieuse composant le cours Éthique et culture religieuse, et enseigné dans les écoles primaires et secondaires. « Ce cours se dit non confessionnel, mais en pratique, il crée l'obligation de croire chez les enfants, en parlant sans cesse de religion, précise M. Lamoureux.
Nous pensons que l'école est un espace de liberté.
Le regroupement milite également contre tout accommodement de type religieux. À ce sujet, il critique sévèrement le projet de loi 62, qui vise à encadrer de telles demandes, mais qui manque de clarté, selon M. Lamoureux. « Il faudrait qu'il y ait des balises extrêmement solides, et il n'y en a pas », dit-il.
Plusieurs membres du Rassemblement pour la laïcité étaient présents ce matin pour faire part de leur opinion aux médias. Le message qui revenait est celui d'une laïcité qui vise à atteindre l'égalité de tous les citoyens. Plusieurs ont aussi dénoncé la récente « stigmatisation » que subissent les gens qui se disent laïques, qui, souvent, disent-ils, sont maintenant taxés d'islamophobie.
Pervertir le message de paix et de tolérance que nous prônons, nous laïques [...] est dangereux. Cela ne sert pas les musulmans, la paix sociale, mais les islamistes. Ces derniers l'ont d'ailleurs compris, et c'est pour cela qu'ils jouent les victimes. Nous voulons la liberté de conscience, l'universalité des droits et l'égalité entre les citoyens, qu'ils soient croyants ou non.
La laïcité, « garante du bien commun »
Plus tôt ce matin au micro de l'animateur de Radio-Canada Alain Gravel, Djemila Benhabib, auteure de Ma vie à contre-Coran et membre du Rassemblement pour la laïcité, avait souligné l'importance de vivre dans un État laïque. « La laïcité est garante du bien commun, et les accommodements de type religieux n'ont pas leur place au sein de nos institutions », a-t-elle déclaré.
La laïcité est garante de nos libertés. Elle permet d'exprimer nos idées, nos options spirituelles et philosophiques, ce qui n'est pas le cas dans les pays où la laïcité est combattue.
Selon elle, les Québécois « sont attachés à la laïcité ». Elle admet toutefois que certains jeunes Québécois « voient la laïcité comme une contrainte », comme le suggère la forte proportion de jeunes qui s'opposent dans les sondages à imposer la laïcité aux employés du gouvernement.
Mme Benhabib considère que cette opposition résulte d'une mauvaise compréhension des enjeux entourant la question. « Il y a un effort pédagogique à faire à l'endroit de notre jeunesse », dit-elle.
La charte des valeurs « instrumentalisée »
Djemila Benhabib pense qu'il est essentiel de discuter de laïcité, un « élément positif » pour la société. Elle affirme qu'il est ridicule de penser que la charte des valeurs proposée par le gouvernement de Pauline Marois, et dont le projet de loi mettant de l'avant la laïcité de l'État avait été déposé en 2013, ait pu conduire à la radicalisation de jeunes, comme certains de ceux-ci en ont témoigné au cours de la Conférence de l'UNESCO sur la radicalisation qui s'est terminée hier à Québec.
« Ça me fait vraiment rire. Qui peut encore croire à de telles fables? On a un monde qui est défiguré par la montée de l'islam politique. Pas depuis quelques années. Depuis la révolution islamique iranienne. C'était en 1979 », rappelle-t-elle.
Mme Benhabib pense que le témoignage de ces jeunes « a été monté en épingle à des fins politiques ».
La charte des valeurs n'a jamais été un facteur de radicalisation. Elle est aujourd'hui utilisée et instrumentalisée pour construire un discours, pour discréditer la laïcité, pour discréditer l'égalité entre les femmes et les hommes et pour faire avancer le paradigme de l'islamophobie.
« Les coupables aujourd'hui ne sont plus ceux qui ont les mains tachées de sang, ne sont plus les prédicateurs islamistes, mais sont des gens qui critiquent l'islam politique », déplore-t-elle.
Par ailleurs, elle considère que le Centre de prévention de la radicalisation, créé il y a plus d'un an pour aider les proches et les personnes à risque d'être radicalisées, « est une marionnette au service d'une posture politique ».
Le premier ministre Philippe Couillard a annoncé hier le lancement d'une bande dessinée produite par le centre et rédigée par des jeunes qui s'étaient radicalisés et qui critiquent la charte des valeurs.
La radicalisation est un sujet suffisamment sérieux pour transcender les partis politiques, pour transcender la partisanerie. Or, on en fait un truc hyperpartisan, précisément pour discréditer la charte des valeurs, qui, je vous le rappelle, était populaire.
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