Le racolage

Plus rien ne surprend de la part des libéraux. Il a été plus étonnant de voir le PQ s'empresser d'emboîter le pas au gouvernement.

Quand le sport devient politique



Même Régis Labeaume a été renversé de la rapidité avec laquelle le premier ministre Charest a engagé le gouvernement du Québec à financer 45 % des coûts de construction d'un nouvel amphithéâtre à Québec. De toute évidence, il pensait devoir mener un siège beaucoup plus long.
On peut comprendre sa surprise. Pendant des mois, le gouvernement s'était employé à conditionner la population à la nécessité de ce que le ministre des Finances, Raymond Bachand, appelait une «révolution culturelle», sans laquelle la situation financière du Québec deviendrait tout simplement intenable.
M. Bachand avait invité les Québécois à réfléchir à ce qu'il était «juste» de faire payer individuellement par les utilisateurs de services publics et par l'ensemble de la collectivité. Tout le monde avait bien compris que cela signifiait des augmentations de taxes et de tarifs, mais personne n'avait imaginé qu'il puisse être «juste» que l'État assume les coûts de construction d'un amphithéâtre destiné principalement à accueillir une équipe professionnelle de hockey.
Plus rien ne surprend de la part des libéraux. Il a été plus étonnant de voir le PQ s'empresser d'emboîter le pas au gouvernement. Au printemps dernier, il pressait le ministre des Finances de comprimer les dépenses encore davantage pour épargner un peu le contribuable.
Contribuer d'une manière ou d'une autre au financement du futur amphithéâtre est une chose. Accepter que les divers ordres de gouvernement assument la plus grande partie des coûts, voire la totalité, en est une autre. La nouvelle «contribution pour la santé» était une ignominie, mais financer le sport professionnel serait acceptable. Est-ce là une manifestation de la social-démocratie revue et corrigée par Pauline Marois?
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Il est pour le moins inhabituel que le gouvernement et l'opposition aillent simultanément à l'encontre de l'opinion publique. Toutes régions confondues, 58 % des Québécois s'opposent à une aussi forte contribution du gouvernement québécois, selon le dernier sondage Léger Marketing-Le Devoir. Sans surprise, les Montréalais sont les plus réfractaires à l'idée, alors que les résidants de Québec y sont très majoritairement favorables.
Les opinions sont plus partagées dans les «autres régions», mais une analyse plus fine révélerait probablement que les régions où les amateurs de hockey appuyaient les anciens Nordiques sont plus favorables au financement public que celles qui étaient demeurées fidèles au Canadien.
Comme chaque fois qu'il est contrarié, le maire Labeaume a préféré tirer sur le messager, en critiquant la méthodologie pourtant éprouvée du sondage et la présentation qu'en a faite Le Devoir. Cette fois, il n'a pas crié au «journalisme de colonisé». C'est déjà un progrès.
Il est de bon ton de casser du sucre sur la métropole à Québec, mais M. Labeaume n'a pas à s'inquiéter: il y a longtemps que Montréal a cessé d'être un facteur sur l'échiquier politique québécois. Sauf dans une ou deux circonscriptions, il n'y a aucun suspense le soir des élections. Libéraux et péquistes sont confortablement installés dans leurs forteresses respectives, qui reflètent largement la composition démo-linguistique de la métropole.
C'est tout le contraire dans la très homogène ville de Québec où, d'une élection à l'autre, le paysage politique peut être complètement bouleversé. Entre 1976 et 1985, le PQ avait balayé la capitale, ne laissant que Jean-Talon aux libéraux. Inversement, depuis 2003, le PQ n'a réussi à s'accrocher que dans Taschereau.
Le dernier sondage Léger Marketing-Le Devoir indique clairement que Québec risque d'être le théâtre d'une lutte très serrée. Le PQ recueille présentement 34 % des intentions de vote, devant l'ADQ (28 %) et le PLQ (25 %). Une situation nettement plus favorable au racolage qu'aux affirmations de principe.
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Québec a toujours posé un problème et une énigme pour les souverainistes en général, et pour le PQ en particulier. En 1995, ils n'ont pas réussi à convaincre ses résidants des avantages d'habiter la capitale d'un État souverain. Peut-être qu'avec des bonbons...
La position du PQ sur l'amphithéâtre rappelle celle qu'il avait adoptée dans le débat sur la commémoration de la bataille des plaines d'Abraham, quand il avait tenté de ménager la chèvre et le chou pour ne pas déplaire à l'industrie touristique de la capitale.
Pierre Curzi a complètement dérapé avec son complot fédéraliste pour angliciser le Canadien. Cette incapacité à recruter des francophones relève plutôt de la même incompétence qui a produit une équipe médiocre depuis plus de quinze ans. En revanche, les souverainistes ont clairement intérêt à voir renaître à Québec une équipe de la LNH fortement identifiée aux francophones, vêtue d'un uniforme orné de fleurs de lys.
Dans l'esprit de certains, Pierre Karl Péladeau est également un des rares, pour ne pas dire le seul, grand capitaliste québécois qui peut sembler sympathique au projet souverainiste ou, du moins, qui ne le combattra pas.
Le seul qui a accordé son discours à ses principes est le chef de l'ADQ, Gérald Deltell, qui a insisté sur la nécessité d'une implication du secteur privé. C'est d'autant plus méritoire que Québec est sa dernière planche de salut.
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mdavid@ledevoir.com


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