Le Québec du PLC

Course à la chefferie du PLC


Avant qu'il ne se présente au leadership libéral, la contribution la plus connue du député fédéral John Godfrey au dossier de la place du Québec dans le Canada avait été d'avancer la thèse postréférendaire d'un Québec sous l'emprise d'un politicien atteint de carences psychologiques.
Au lendemain du référendum de 1995, M. Godfrey avait eu l'idée transcendante de commander une analyse psychiatrique de Lucien Bouchard, un dossier qu'il avait par la suite généreusement partagé avec le bureau de Jean Chrétien. À distance, le docteur Vivian Rakoff avait conclu que le premier ministre du Québec de l'époque souffrait d'un «désordre caractériel esthétique». Ce sont les mots que l'éminent psychiatre avait utilisés dans une entrevue publiée par la revue Maclean's. Je vous dispense des explications qui n'ont pas bien survécu à l'épreuve du temps.
Recruté par Jean Chrétien à la même époque, Stéphane Dion avait déclaré d'emblée qu'il était venu en politique pour changer les mentalités. Cela a donné la loi sur la clarté référendaire, une réalisation suffisamment prisée dans le reste du Canada pour permettre à son parrain d'avoir des ambitions au leadership. Mais M. Dion a eu considérablement moins de succès sur d'autres fronts. On sait par exemple qu'il ne souscrivait pas aux vertus d'un programme de commandites.
À l'époque des Bourses du Millénaire, il avait également argumenté en vain en faveur de l'adoption d'une approche plus respectueuse de la réalité distincte québécoise en matière d'éducation postsecondaire. À cet égard, il faut convenir qu'il a continué à prêcher dans le désert. Responsable presque dix ans plus tard de mettre en place un programme pancanadien de garde d'enfants, son collègue Ken Dryden - aspirant présumé au leadership aujourd'hui - n'a jamais semblé trouver incongrue l'idée de s'activer à encadrer de normes la seule province où l'accès à des services de garde abordables n'est pas une vue de l'esprit fédéral.
Le cas Ignatieff
Michael Ignatieff n'était pas au Canada au moment du dernier référendum ni pendant les années mouvementées qui ont suivi. Il fait actuellement du rattrapage accéléré. Sans doute, le chapitre consacré au fédéralisme «dominateur», dénoncé tout autant par le camp fédéraliste que le camp souverainiste québécois, lui a-t-il échappé.
Toujours est-il qu'à l'occasion du lancement de sa campagne au leadership, vendredi dernier, M. Ignatieff s'est fait l'apôtre d'un certain rayonnement du Québec à condition que son action soit tempérée par ce qu'il a appelé «l'autorité fédérale». Le choix des mots, s'ils traduisent réellement la pensée du candidat, a le mérite d'être plus limpide que la Constitution. En fait, elle n'établit pas explicitement d'ordre senior de gouvernement. (À moins bien sûr que l'éminent professeur ne songe à dépoussiérer le pouvoir fédéral de désaveu.)
Dans le même esprit, le candidat Ignatieff ne s'oppose pas à ce que le Québec se fasse entendre à l'UNESCO ou qu'il continue de le faire au sein de la Francophonie à condition de ne pas dire le contraire du Canada. Si le jour donc devait venir où un éventuel gouvernement fédéral épousait une vision de la diversité culturelle identique à celle de l'administration américaine actuelle, M. Ignatieff s'attendrait à ce que le Québec garde sa divergence sous le boisseau, afin, affirme-t-il, de ne pas exporter «nos querelles de juridiction à l'étranger». Comme quoi le rayonnement de la dualité nationale des uns est parfois la chicane de clôture des autres!
Contrairement à M. Ignatieff, le député Joe Volpe était au Canada pendant la dernière décennie, mais il faut convenir qu'il ne s'est guère distingué par sa présence au Québec. On le comprend mieux aujourd'hui. L'encre n'était pas encore sèche sur le discours du trône conservateur de la semaine dernière que l'ex-ministre de l'Immigration et aspirant présumé à la succession de Paul Martin le dénonçait comme une menace à l'unité canadienne parce son texte faisait une trop grande place au Québec...
Bob Rae
À la fin des années 80, les accords du Lac Meech n'avaient pas de défenseur plus passionné que Bob Rae, alors chef de l'opposition néo-démocrate de sa province. Parmi les politiciens du reste du Canada, peu ont donné une réplique aussi éloquente à Pierre Trudeau sur cette question que M. Rae.
Aujourd'hui, l'ancien premier ministre ontarien a changé de parti et s'est entouré de proches de Jean Chrétien pour explorer l'idée de briguer la direction du PLC. Les libéraux devaient espérer que cet apôtre de la société distincte ne se soit pas converti en cours de route à une vision plus conforme à l'orthodoxie de leur parti.
Car il ne suffit pas d'avoir de nombreux intellectuels dans une course au leadership pour qu'elle se transforme en débat d'idées. Encore faut-il pour cela qu'ils en aient de différentes à discuter. À écouter les candidats présumés ou officiels à la direction du PLC jusqu'à présent, on ne croirait pas qu'un quart de siècle, le rapatriement de la Constitution, l'échec de Meech et sept élections fédérales séparent les libéraux de leur belle époque québécoise. Ou que le Québec ne compte plus que pour 5 % des membres du parti.
À les entendre, on pourrait plutôt croire que la disparition du parti du Québec francophone est un phénomène passager qui tiendrait aux souvenirs encore trop frais du scandale des commandites ou encore à une contre-performance de Paul Martin. Si la tendance du discours qui a cours dans le cadre de la campagne au leadership libéral se maintient, le jour n'est peut-être pas loin où on entendra dire qu'après Lucien Bouchard les Québécois ont désormais succombé aux charmes de la personnalité envoûtante de Stephen Harper !
chebert@thestar.ca
Chantal Hébert est columnist politique au Toronto Star.


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