Le Québec dos au mur

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« Ce fatalisme n’est peut-être pas étranger à l’absence de rapports de force que tous les gouvernements québécois passés ont entretenus à des degrés divers avec Ottawa »

Il y a une semaine, j’écrivais une chronique intitulée « Le fatalisme des Québécois ». Je cite : « La détérioration des institutions québécoises, jadis notre fierté, s’accentue inexorablement. Aujourd’hui, nous nous découvrons dans une société où règnent la gabegie, l’incompétence, une moralité publique douteuse et des politiciens dépassés par les événements. »


Des lecteurs avaient trouvé sévère cette description du Québec actuel. Or, un sondage publié hier dans La Presse+ confirme hélas ! l’analyse que j’ai proposée. Le désabusement des Québécois francophones est aussi général que la perception qui est mienne. Quatre-vingts pour cent des gens croient qu’il faut changer radicalement le système de partis au Québec.


Quiconque observe la scène politique depuis des décennies et s’intéresse passionnément à la dimension spirituelle, c’est-à-dire à l’âme québécoise, et c’est mon cas, ne s’étonne guère.


Désaffection


La désaffection radicale à l’endroit de la politique est d’autant plus inquiétante qu’elle correspond à celle que l’on observe ailleurs en Occident. Celle qui a mené au pouvoir des populistes qui apparaissent les seuls à être capables de remplacer les politiciens d’antan.


Le Canada, un pays sérieux, quasi austère et rigoureux dans le passé, est dirigé désormais par un garçon dont la légèreté personnelle, le génie du marketing, le talent qui consiste à surfer sur les tendances du jour et la séduction compensent l’absence de contenu. Ajoutons à cela la capacité de s’émouvoir et de se présenter comme l’incarnation de la morale multiculturaliste, la nouvelle religion triomphante au Canada.


Les Québécois francophones désabusés ont tout de même voté pour Justin Trudeau aux dernières élections, ce qui démontre jusqu’où leur fatalisme peut les amener.


Promesses électorales


Ils s’apprêteraient à appuyer la CAQ dont le chef François Legault n’est en aucun cas comparable à Justin Trudeau. Et de plus, son parti correspond au profil de la majorité des francophones tels que sondés. Or, notons que ces derniers n’ont plus foi dans les promesses électorales. François Legault est un politicien d’expérience, d’ailleurs un des seuls de son parti, qui connaît les rouages de la vie parlementaire. Or, dans un paysage politique aussi sombre, il doit impérativement faire preuve de retenue dans l’élaboration de ses engagements politiques.


Sa clientèle politique électorale est déprimée, morose et elle exprime des désirs contradictoires, refusant à la fois les débats sur les accommodements raisonnables et estimant qu’ils sont importants.


Ce fatalisme n’est peut-être pas étranger à l’absence de rapports de force que tous les gouvernements québécois passés ont entretenus à des degrés divers avec Ottawa. Le premier ministre Couillard en osmose avec Justin Trudeau, antinationaliste comme lui, ne demande rien. De là aussi peut-être le sentiment d’impuissance des francophones face à la capacité de la politique à changer leur vie. Seule la CAQ correspond présentement au dernier espoir d’une majorité d’électeurs francophones. Cet état d’esprit dans lequel se trouve le Québec fait donc de François Legault le dernier rempart contre une vague populiste qui pourrait nous emporter vers une transformation radicale, qui ferait émerger un sauveur narcissique du genre de celui qui sévit au sud du 45e parallèle.