Indépendance et mondialisation

Le Québec contre Goliath

Bastien va à l'essentiel

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Tribune libre

Pour les véritables militants, l’indépendance n’est ni à gauche ni à droite. Pour plusieurs, prendre le pouvoir et gouverner, ce n’est pas nécessaire, c’est même un obstacle à la promotion de la cause. C’est vrai qu’une mobilisation citoyenne, menée par des militants convaincus, des artistes et des bons communicateurs, est nécessaire et qu’elle pourrait finir par susciter un mouvement de masse qui forcerait la main aux instances les plus timides du Parti Québécois.


Je crois pourtant que la prise du pouvoir par un parti indépendantiste est aussi une démarche essentielle pour gagner l’adhésion d’une majorité de Québécois. Il y a une partie de la population québécoise qui ne votera jamais pour l’indépendance mais il y a aussi beaucoup de Québécois qui hésitent parce qu’ils ont peur de l’inconnu, qu’ils doutent de notre capacité à nous gouverner nous-mêmes. Les grands gouvernements péquistes avaient bien vaincu ces craintes et ces doutes, ce qui avait conduit à un référendum qui peut être considéré comme gagnant, si on tient compte de la tricherie et des promesses hypocrites. Les faiblesses péquistes post-1995, et surtout, les quinze années de gouvernements libéraux dévastateurs, nous obligent à entreprendre un travail de réhabilitation. Le gouvernement de la CAQ a bien fait adopter la loi sur la laïcité mais ce n’est pas lui qui va livrer une bataille à finir au gouvernement des juges canadien, alors qu’il recule déjà sur les dossiers de la langue et de l’immigration.


Avec la mondialisation qui s’impose dans tous les domaines, la tâche de démontrer aux Québécois qu’ils peuvent décider de leur propre avenir est encore plus difficile. Le programme économique péquiste devra refléter sa compréhension des enjeux de la mondialisation et définir des propositions réalistes qui s’opposent aux décrets inacceptables des promoteurs de la mondialisation. Dans un premier mandat un gouvernement péquiste devra démontrer qu’en s’appuyant sur la volonté populaire il peut réaliser le programme proposé.


La mondialisation doit devenir un atout pour la promotion de l’indépendance. Les Québécois n’aiment les effets de la mondialisation, l’immigration massive, l’anglicisation et l’appauvrissement de la classe moyenne. Ils s’y résignent à cause de sa prétendue efficacité économique et parce qu’elle apparaît inévitable. La mondialisation ne respecte que l’argent, les humains sont des travailleurs et des consommateurs. La culture, la langue et tout ce qui est humain doivent s’imposer en résistant à la mondialisation. Si la mondialisation suit son cours le Québec comme société distincte va disparaître, mais aussi finalement toute la diversité culturelle du monde.


Il ne s’agit pas de se proclamer anti-mondialiste et d’élaborer un programme théorique en conséquence. Il faut plutôt s’attaquer aux conséquences concrètes de la mondialisation, en misant sur un soutien de la population.


Il faut d’abord annoncer une révision de la fiscalité pour les particuliers à hauts revenus et les grandes entreprises en priorisant la taxation des géants du Web et la lutte aux paradis fiscaux. On nous a fait accepter l’idée que certains particuliers et propriétaires d’entreprises méritent des revenus extrêmement  élevés en raison de leur travail ardu et de leur qualité personnelle. En réalité, ils font tous partie d’un système qui repose sur le travail de tout le monde et leurs revenus proviennent au bout du compte de la consommation de tout le monde. Les règles du système font qu’ils en tirent des revenus élevés mais ils doivent assumer leurs responsabilités. Des services publics de qualité pour tout le monde assurent une certaine redistribution des revenus et sont nécessaires au fonctionnement du système. Ceux qui profitent des meilleurs revenus doivent en payer une part proportionnelle à leurs revenus, sinon le système devient un système d’exploitation.


L’instauration d’un revenu minimum garanti et des augmentations marquées du salaire minimum ne peuvent être envisagées sans une réforme de la fiscalité parce que dans la situation actuelle c’est la classe moyenne seule, incluant les petits entrepreneurs, qui va payer pour les personnes défavorisées par le système.


Le programme péquiste devrait donc remettre à l’avant-plan des services publics de qualité et gratuits. Pour le nouveau capitalisme, les services publics devraient être privatisés au maximum pour devenir des opportunités de profits et pour diminuer les paiements d’impôt des plus riches.


Un gouvernement péquiste devrait aussi mettre en place une planification à long terme des dépenses en immobilisations. Dans la situation actuelle de la mondialisation, il y a une pression énorme sur les gouvernements pour qu’ils s’endettent et maintiennent la croissance mondiale par des dépenses dans des infrastructures qui ne sont souvent justifiables que par une immigration massive.


Finalement, afin de répondre aux pressions en faveur de l’immigration, le programme péquiste devrait annoncer des mesures qui permettront de réduire les pénuries de main-d’œuvre, notamment la fin du soutien aux activités économiques qui ne sont plus rentables.


Un tel programme, qui implique le retour à un capitalisme encadré par l’État, permettrait au Parti Québécois de confondre les autres partis qui se disent indépendantiste ou nationaliste. Québec solidaire ne peut accepter aucune forme de capitalisme mais il est surtout piégé par son utopie de sauver le monde en laissant entrer au Québec tous ceux qui espèrent y trouver une vie plus facile. Quant à la Coalition Avenir Québec, elle a un parti pris en faveur des entrepreneurs québécois mais pour satisfaire sa clientèle elle doit être mondialiste en ce qui a trait à la fiscalité, au rôle de l’État, aux privatisations, aux dépenses en infrastructures et à l’immigration.


Les candidats à la direction du PQ n’ont pas tous une compréhension claire des enjeux de la mondialisation.  Par exemple, dans un élan de populisme aveugle, St-Pierre Plamondon confond mondialisation et commerce international. Le seul problème avec le commerce international c’est que la plus grande partie de nos biens de consommation sont produits par des gens qui gagnent des salaires de misère. La solution humaine à cette situation serait qu’un organisme international décrète des normes minimales de travail pour l’ensemble de la planète. À l’inverse, la mondialisation vise à nous mettre en concurrence avec ces travailleurs du tiers-monde et à faire baisser les salaires dans les pays développés.


Les activités stratégiques au Québec sont les sièges sociaux et les industries qui peuvent payer des salaires élevés. Ce sont ces activités qui doivent être protégées et c’est là où la main-d’œuvre doit être dirigée. Alors que la main-d’œuvre locale est presque entièrement occupée pourquoi faudrait-il subventionner la fabrication de masques et autres produits standards qui peuvent facilement être importés à bas prix. Même du côté de l’agro-alimentaire, il n’y a pas beaucoup à gagner d’une plus grande autosuffisance. Pourquoi subventionner la production en serre et enlever le gagne-pain à des travailleurs qui ont déjà tout le soleil et la chaleur nécessaires à l’agriculture, et ensuite demander à ces travailleurs de venir nous aider pour la récolte?


Je ne connais pas les propositions économiques de Frédéric Bastien, il devra en présenter pour aspirer à gouverner le Québec dans une prochaine campagne électorale. Cependant, je ne lui demanderais pas de donner plus d’importance aux questions économiques. En proposant de protéger la langue et la culture et de réduire l’immigration, Bastien va à l’essentiel pour démontrer que l’État québécois peut résister à la mondialisation envahissante.


Éventuellement, il deviendra clair pour tous les Québécois que cette résistance à la mondialisation ne pourra réussir sans sortir du Canada, un pays qui au cœur du projet mondialiste.



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