Le Québec, cible de prédilection de Wong

Affaire Jan Wong et The Globe and Mail


par Mathieu Perreault

Juste avant les élections québécoises de 1998, Jan Wong a affirmé que son père de 80 ans, Bill Wong, ne pouvait prendre sa retraite parce qu'il ne parvenait pas à vendre son célèbre restaurant à cause de l'hostilité des Québécois envers les riches et les membres des communautés culturelles.
Dans un texte sur l'affichage en français chez Eaton, elle comparait Lucien Bouchard aux leaders chinois "qui écrasent ceux qui se réclament des droits de l'homme". Et pour expliquer en quelques mots où en est rendue la société québécoise, elle écrivait qu'une de ses connaissances, un chauffeur de taxi montréalais d'origine éthiopienne, ne recevait jamais de pourboire de ses clients "séparatistes".
Bref, la chroniqueuse du Globe and Mail a parfois été très dure envers sa province natale. Au fil de deux entrevues avec La Presse, elle a exposé comment sa vie a influencé ses convictions personnelles et professionnelles.
Jan Wong revient souvent à Montréal, une ville plus "européenne" et "à la mode" que Toronto, croit-elle. Son père y habite encore, ainsi que ses frères et soeur. Ses deux fils, âgés de 13 et 16 ans, fréquentent un lycée français de Toronto.
Loi 101
Et pourtant, elle croit que l'obligation de fréquenter une école française prévue par la loi 101 est une erreur. "Je pense sincèrement que chaque enfant devrait aller à une école dont la langue n'est pas celle de ses parents, explique Mme Wong. Ce qui est important, c'est que les enfants aient la liberté de devenir ce qu'ils veulent. La préservation de la culture, c'est bon pour les musées."
Pense-t-elle sérieusement que les Ontariens enverraient leurs enfants à l'école française si Ottawa les y encourageait? "Probablement pas, reconnaît-elle. Mais justement, le Québec devrait profiter de cette chance que l'anglais soit si attrayant."
Les Québécois ont certainement été opprimés pendant longtemps, mais cela ne leur donne pas le droit d'opprimer à leur tour, selon Mme Wong. "À l'école, la prof de français venait d'Algérie. Quand j'ai travaillé à Expo 67, je ne comprenais pas l'accent québécois parce qu'on m'avait enseigné le parisien. Maintenant, je comprends pourquoi les Québécois étaient si fâchés. "
Née à Montréal en 1953, elle a fréquenté un high school de Notre-Dame-de-Grâce. Elle a totalement ignoré la crise d'Octobre, mais elle se souvient d'une peur confuse des boîtes aux lettres. Puis, en 1972, elle est l'une des premières étudiantes canadiennes admises dans une université chinoise, en pleine Révolution culturelle. "Adolescente, je me suis rebellée contre la politique, mes parents, le capitalisme, dit-elle. Je ne pensais pas être canadienne, mais plutôt chinoise."
Ses convictions politiques sont alors coulées dans le béton. Dans son livre Red China Blues, Jan Wong a admis avoir dénoncé une camarade de dortoir qui avait exprimé des doutes sur le maoïsme.
De retour au Canada à la fin des années 70, elle a travaillé à The Gazette à Montréal, puis au Boston Globe à Boston et au Wall Street Journal à New York, avant de revenir au Canada quand le quotidien financier new-yorkais a fermé son bureau à Pékin, faisant ainsi disparaître ses chances de partir comme correspondante là-bas pour le WSJ. En 1988, elle réussit finalement à s'y rendre à titre de correspondante du Globe and Mail. Durant ce séjour, elle couvrira notamment le massacre de Tiananmen.
À son troisième retour au Canada, en 1994, elle est affectée aux arts au Globe. Elle inaugure alors sa décapante chronique Lunch With, où elle démasque les travers des stars comme Margaret Atwood, John Hurt ou Susanne Somers.


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