DES FAUTES PARTOUT

Le prix du français

17. Actualité archives 2007


par Hugo Meunier et Patrick Lagacé

Le français, mais à quel prix? Le projet de la compagnie Esso d'angliciser le nom de ses dépanneurs a provoqué une levée de boucliers, et la pétrolière a fait volte-face. Le français est peut-être la langue officielle au Québec, mais les vitrines commerciales sont nombreuses à l'écorcher, a observé La Presse lors d'une promenade en ville.
«Vente de meubles usager», «copies noir et couleur», «beouf-agneou-cheivre», «en affaire depuis 1965», «cuisseur de riz», «personnels demandés», «journeaux», «set de cuisine», «lounge de bronzage», «étiquettes rouge» ou «articles ménagés» : les trouvailles de La Presse ont de quoi faire grincer des dents. Et pas seulement aux puristes de la langue.
Pourquoi? D'abord parce qu'il n'est pas nécessaire de passer la ville au peigne fin ou de mettre le cap sur des secteurs densément peuplés d'anglophones ou d'allophones pour débusquer des fautes de français.
Au contraire, il a même été plus facile de trouver des commerces qui malmènent le français dans des quartiers tels que Rosemont, Hochelaga-Maisonneuve ou le Plateau-Mont-Royal.
Si la majorité des erreurs sont des fautes d'accord, comme «des appareils électroménagers neufs et usagées», les problèmes de formulation («commandes à apporter») et les anglicismes comme «set de chambre» sont aussi légion. «consulter un courtier prospectacle agréé», peut-on aussi lire sur une vitrine de la rue Masson.
Au Bazar Masson, tout près, on annonce une grande vente de meubles «usager». Garé en bordure de la rue, le camion de l'entreprise reprend pourtant les mêmes mots, cette fois bien orthographiés : «meubles usagés» (on devrait d'ailleurs dire «meubles d'occasion»).
Informé de l'erreur, le propriétaire, Claude Hébert, jure ne l'avoir jamais remarquée. «C'est la première fois qu'on me parle de ça en sept ans. Des fois, ce ne sont pas les commerçants, mais les compagnies de lettrage qui font des erreurs», justifie le propriétaire, qui déplore aussi le «set de cuisine» annoncé dans sa vitrine.
Sur l'avenue du Mont-Royal, le magasin Rocco ébéniste offre son «unitée murale» en grande pompe. Pour ceux qui ne sourcillent pas, unité, comme santé, ne prend pas d'e muet.
Un employé de l'établissement dit n'avoir jamais eu de plainte à ce sujet en 10 ans. «On va l'enlever», a-t-il laissé tomber sans trop de conviction.
À un jet de pierre de là, la boutique Bella propose ses savons et cosmétiques «fait» à la main, tandis qu'un magasin de chaussures se targue d'avoir des «étiquettes rouge».
Au magasin de sandwichs Cao Lauh, rue Ontario, le client peut passer une «commande à apporter» au lieu d'emporter. Sur la même artère, à l'intersection du boulevard Saint-Laurent, un petit marché-dépanneur vous propose une bonne «biére» froide. Sans doute que l'auteur est de mèche avec celui qui a écrit «Créve de faim» sur l'enseigne du restaurant du même nom, boulevard Saint-Laurent.
Une boutique de la rue Notre-Dame, dans le quartier Saint-Henri, consacre une place de choix à l'inscription «articles ménagés» (ménagers) dans sa large vitrine.
Rue Sainte-Catherine, près de la rue Guy, le restaurant Mr. Sub suggère quant à lui un «spécial» sur les «sauccise» (saucisses).
En toute bonne foi
C'est souvent en toute bonne foi que les commerçants passent le français dans le tordeur : ce n'est pas leur langue maternelle.
Rue de la Gauchetière, l'enseigne du magasin Centre On Kai annonce un «cuisseur de riz».
Dans le Quartier chinois, l'Association des restaurants chinois offre quant à elle des «conseil en herbes chinois».
Le Holiday Inn de la rue Saint-Urbain abrite pour sa part une clinique d'«accuponcture» (acupuncture) Pao Sheng.
À l'intersection des rues Jean-Talon et Bloomfield, il y a une boucherie halal qui annonce «Beouf Veau Agneou Cheivre Poulet».
L'Office québécois de la langue française (OQLF) n'a cependant pas le pouvoir d'obliger un commerçant à corriger ses fautes de français. «D'un point de vue légal, il n'y a pas d'infraction à la Charte de la langue française», explique le porte-parole de l'organisme, Gérald Paquette.
L'OQLF fait tout de même des pressions auprès des commerces pris en faute... de français. L'organisme reçoit régulièrement des plaintes de la population à ce sujet. «On essaie d'acheminer les plaintes vers l'entreprise et on lui offre des services linguistiques», explique M. Paquette, qui dit que l'OQLF fait appel au bon sens.
Selon lui, les affiches écrites à la main renferment plus de fautes que les bannières commerciales. Une offre d'emploi rédigée au stylo feutre et placardée dans la vitrine d'une rôtisserie italienne de la rue Sainte-Catherine lui donne raison. «Serveuse demandée. Se présenter au contoir», propose l'affiche.
Du côté d'Impératif français, on évoque la montée du «franglais». «L'omniprésence de la culture canado-américaine entraîne une anglicisation du français», croit le porte-parole de l'organisme, Jean-Paul Perreault.
Mais, dans l'ensemble, l'OQLF observe une amélioration de la situation depuis 10 ans.
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Faites-nous faire part d'autres exemples de mauvais français sur les adresses des commerces : redaction@cyberpresse.ca


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