Il y avait quelque chose de pathétique, le soir du 26 mars dernier, à entendre les militants, réunis au Club Soda à Montréal, scander «On veut un pays!» devant un André Boisclair complètement sonné par la pire défaite du PQ depuis 1970.
Ce réflexe quelque peu déconnecté, compte tenu du déroulement et du résultat de la campagne, en disait long sur l'état de santé du parti.
Faut-il pour autant sonner le glas d'une des deux grandes formations qui ont dominé le paysage politique depuis près de 40 ans? Ou encore, est-ce l'option souverainiste qui doit sortir de l'écran radar?
La condescendance affichée par certains observateurs à l'endroit de Mario Dumont, jusqu'à six mois seulement avant le déclenchement des dernières élections, devrait pourtant freiner toute envie d'entonner trop tôt le requiem de circonstance. Malgré son score décevant de mars dernier, le Parti québécois possède encore de puissants atouts qui lui permettent d'être solidement présent dans la plupart des grandes régions du Québec.
Mauvaise lecture
Cela dit, il ne faut pas se le cacher, le PQ paie aujourd'hui le prix de son incapacité à lire correctement les signaux qui se sont accumulés depuis le milieu des années 90 et qui ont provoqué la désaffection progressive d'une bonne partie de son électorat traditionnel, y compris aujourd'hui celle d'électeurs figurant sur sa propre liste de membres.
Le parti n'a pas à s'excuser d'avoir connu l'expérience du pouvoir et d'avoir ainsi perdu une bonne partie de sa fraîcheur initiale. Pour les jeunes d'aujourd'hui, malgré son option constitutionnelle, le PQ est un vieux parti au même titre que le Parti libéral. En revanche, il faut bien voir que les leçons de deux échecs référendaires et de leurs conséquences n'ont pas été tirées.
Aussi longtemps qu'il est resté la seule alternative sérieuse de gouvernement et que la polarisation s'est fermement maintenue entre souverainistes et fédéralistes, le PQ n'a pas été trop ébranlé. Mais depuis 1995, la situation a complètement changé, avec la montée en puissance d'un parti résolu à briser le monopole péquiste du nationalisme québécois.
L'ADQ n'a pas seulement provoqué un nouveau type de fractionnement du vote francophone, ce qui complique déjà singulièrement la vie des deux autres formations, mais elle a aussi mis sur la table une «proposition» autonomiste susceptible de rallier les fédéralistes et souverainistes «mous» ou fatigués. Et il y en a beaucoup.
Que cela plaise ou non, ce nouveau contexte impose au PQ des révisions fondamentales, à commencer par cet invraisemblable chapitre un de son programme qui oblige le chef du parti et son gouvernement à faire suivre immédiatement une élection gagnante d'une démarche référendaire aux détails soigneusement ficelés, alors même que l'environnement politique commande la plus grande prudence. Il est en effet manifeste que la population québécoise ne veut pas de référendum à court terme sur la souveraineté.
Cause minée
Loin de servir la cause, le «programme de pays» est donc en train de la miner inexorablement et de lui faire perdre tout son sens.
Le PQ doit-il pour autant renoncer à ses convictions fondamentales? Sûrement pas. Mais il doit bien y avoir moyen d'être souverainiste sans s'imposer des contraintes absurdes de calendrier. Comme il y a aujourd'hui moyen de croire en la souveraineté et de voter pour d'autres partis que le PQ.
Ce dernier doit toutefois se remettre sérieusement à l'écoute et trouver le moyen de rebrancher ses convictions sur les attentes et les besoins des citoyens, pour lesquels l'option est encore loin d'avoir le caractère incontournable que certains lui ont prêté depuis le début.
En même temps, plutôt que d'ironiser sur les «prétentions» adéquistes, le parti doit appuyer de bonne foi tout projet visant à redonner au Québec un rapport de force face à Ottawa et à le faire avancer sur la voie de l'émancipation, y compris par des discussions constitutionnelles à l'intérieur du régime fédéral.
Une telle opération suppose un changement radical d'attitude pour plusieurs de ses dirigeants et «militants exemplaires» installés depuis longtemps dans de confortables certitudes. Un tel changement est-il possible? Le débat à ouvrir va inévitablement provoquer des déchirements, compte tenu de l'impatience, compréhensible mais nuisible et dangereuse, de ceux et celles qui ne veulent pas «mourir» avant le grand soir. Mais il doit absolument avoir lieu.
Le Parti québécois pourra peut-être éviter le déclin. Il ne pourra certainement pas faire l'économie d'une crise, voire d'un schisme. Et le plus tôt sera le mieux.
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Martine Tremblay
Autrefois directrice de cabinet du premier ministre René Lévesque, puis haute fonctionnaire, l'auteure est conseillère spéciale affaires publiques et analyse stratégique chez HKDP et membre du conseil du Centre d'études et de recherches internationales.
Le PQ est-il en crise ou en déclin?
Le Parti québécois pourra peut-être éviter le déclin. Il ne pourra certainement pas faire l'économie d'une crise, voire d'un schisme. Et le plus tôt sera le mieux.
PQ - état des lieux et refondation
Martine Tremblay12 articles
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