Lors de la sortie de crise financière de 2009, les pays ont utilisé diverses stratégies pour favoriser une expansion économique. Toutefois, au travers de cette crise, le Québec a opté pour une stratégie d’intervention contraire à ce qu’il priorisait par le passé. En ce sens, l’État québécois a délaissé les stratégies d’investissements massifs ayant servi lors des crises de 1982 et de 1991, pour prôner les politiques de tarification et d’austérité que nous connaissons aujourd’hui.
Cette stratégie laisse supposer que l’expansion économique passerait par la hausse de la consommation des ménages. Effectivement, si ce n’est pas l’État qui dépense dans l’économie, ce seront les particuliers. D’ailleurs, la baisse des taux d’intérêt de la banque du Canada, qui sont passés de 4,25% en 2008 à 0,5 % en 2009 pour se maintenir sous les 1,25 %, tend aussi à faciliter l’augmentation de l’endettement et de la consommation des ménages.
Si ces politiques ont eu l’avantage de ne pas trop alourdir les finances publiques, elles ont eu un effet pervers sur les finances personnelles des québécois·es qui ont subi les conséquences de la hausse des tarifs et, par la suite, celles des coupes de services de l’austérité, sur leur niveau de vie.
Bien que sur le long terme, cette stratégie ait été bénéfique pour le Québec, il faut remettre certains éléments dans leurs contextes. D’une part, contrairement à d’autres économies, le Canada n’a été affecté que modérément par la crise de 2009. D’autre part, la baisse du prix du pétrole de 2015-2016 a eu un impact favorable sur les industries au Québec, puisqu’elles ont pu profiter de coûts de production moins élevés et de l’effet à la baisse du prix du baril de pétrole sur le dollar canadien.
Le graphique suivant montre l’évolution du PIB réel au Québec à la suite des trois plus récentes crises économiques, sur une base 100. On suppose, pour l’exercice, que les PIB de 1982, de 1991 et de 2009 seraient équivalents 1 an avant l’arrivée de leur crise économique respective. L’année « 0 » permet de voir l’impact de la crise sur le PIB. Les années « 1 » à « 4 » permettent de voir à quelle vitesse le PIB a connu une expansion suite aux crises économiques au Québec.
Évolution du PIB réel au Québec suite aux crises de 1982, de 1991 et de 2009
Source : Pineault, Éric et coll, Cette fois, est-ce différent ?: La reprise financiarisée au Canada et au Québec, IRIS, juin 2013, 36 p, en ligne, https://iris-recherche.qc.ca/publications/reprise-financiarisee.
On remarque que les politiques publiques d’investissements étatiques de 1982 et de 1991 ont permis une plus importante hausse de l’activité économique que la stratégie de la tarification de 2009, malgré une crise plus forte. Cette stratégie, basée sur la consommation, a eu d’autres effets négatifs sur les ménages, puisqu’elle a participé à l’augmentation de leur endettement. C’est un peu comme si l’État avait transféré sa responsabilité aux ménages.
En effet, lorsque l’on regarde le graphique ici-bas, on remarque que les dépenses des ménages ont connu une hausse de 33,1 % entre 2007 et 2016, alors que la rémunération a cru de seulement 19,2 % pendant la même période. En 10 ans, la consommation québécoise a donc augmenté à même l’épargne ou l’endettement des ménages. À noter, la démarcation entre ces montants se révèle à être plus importante suite à la crise de 2009.
Durant la même période, on observe aussi que la part de prêts non hypothécaires personnels détenus auprès des banques et de Desjardins a connu une hausse de 105 % en 10 ans. Considérant que ces prêts représentent l’ensemble des prêts personnels qui ne sont pas liés à l’achat d’une maison, on peut en comprendre que les ménages s’endettent pour maintenir leur niveau de vie. Notons ici que la progression de l’endettement est particulièrement plus élevée entre 2008 et 2011, soit au travers la période touchée par la crise québécoise de 2009.
Source : Statistique Canada, Tableau 281-0027, Banque de données des statistiques officielles sur le Québec, Dépense de consommation finale des ménages, Banque de données des statistiques officielles sur le Québec, Prêt détenu par les institutions de dépôt., calcul de l’auteur.
Évidemment, les chiffres ne disent pas tout. Les 105 % incluent une part de prêts qui ne sera jamais remboursée à cause des faillites, par exemple. S’ajoute à ces prêts l’épargne que certains ménages ont utilisé afin de soutenir leur rythme de vie.
Cependant, l’augmentation des prêts accordés par les institutions financières aux individus est significativement plus rapide que celle de leur rémunération. Cela laisse même supposer que les intérêts ont un effet non négligeable sur l’augmentation des dettes des ménages. Évidemment, cette hausse de l’endettement dépasse le simple fait du transfert de la dette de l’État vers les ménages. On ne peut pas accuser le gouvernement d’être le seul responsable de cet endettement, la tendance sociétale étant à l’augmentation de la consommation à un rythme difficile à absorber.
Ceci dit, en décidant d’opter pour une sortie de crise économique en 2009 axée sur la consommation individuelle plutôt que sur une hausse de ses dépenses, le gouvernement libéral a laissé trainer la reprise économique. De plus, il a transféré son endettement vers les individus qui ont moins les moyens de le soutenir.