Le pire et le meilleur

L'ascension de l'ADQ est en train de déboulonner plusieurs mythes.

Québec 2007 - ADQ


Non, il n'est pas vrai que le Québec ait leur coeur plus "à gauche" et soit congénitalement plus "progressiste" que le reste du Canada, comme on aime tant le croire. Non seulement le PC de Harper - le parti de la droite albertaine! - a-t-il entamé le coeur du Québec avec une facilité déconcertante en 2006, mais de gros pans du centre de la province glissent maintenant vers l'ADQ.
Non, il n'est plus vrai que le PQ ait le monopole de la "jeunesse". C'est devenu, depuis longtemps d'ailleurs, un parti de têtes grises, malgré André Boisclair et le succès passager qu'il récolte quand il se pointe dans les cégeps. Le PQ, le vrai PQ, c'est Louise Harel, Bernard Landry et Jacques Parizeau. Le flambeau à demi-éteint, ce sont des sexagénaires, voire des septuagénaires, qui le portent avec le plus de conviction
Non, il n'est pas vrai que le "conservatisme social" soit l'apanage des vieux. À en juger par les derniers sondages dans la région de Québec, l'ADQ est de très loin le premier parti chez les jeunes de 18 à 34 ans. Pourquoi? Peut-être par un réflexe de rébellion: l'ADQ brasse la cage, se démarque des "vieux partis". Peut-être parce que son chef est jeune, parce que c'est un gars qui a l'air ordinaire et proche du peuple, contrairement à André Boisclair qui a tout du bourgeois montréalais.
Chose certaine, il s'agit ici d'un phénomène surtout marqué en milieu ouvrier et semi-rural. Dans les quartiers bourgeois de Québec (Sillery, Sainte-Foy), on reste fidèle aux libéraux. C'est dans la banlieue modeste et les quartiers du "bas de la ville" que l'ADQ s'est implantée - là précisément où se trouve la clientèle de CHOI-FM, cette station de radio qui, ne l'oublions pas, n'a pas été qu'une "radio-poubelle": ses animateurs, rompant avec la tradition débilitante de la chansonnette aseptisée qui a si longtemps dominé les ondes à Québec, donnaient aux jeunes nord-américains de la Vieille Capitale ce qu'ils voulaient: le rock, la contre-culture.
Nul ne sait si le budget Flaherty réussira à sauver les libéraux du sort qui les menace (un gouvernement minoritaire). Chose certaine, parce qu'il a répondu à une bonne partie des attentes, ce budget servira la cause des conservateurs au Québec.
Même à supposer que l'ADQ, faute d'organisation, soit incapable de "faire sortir" son vote, même à supposer que ses résultats de lundi soient en deçà de ce qu'annoncent les sondages, cette percée va paver la voie aux conservateurs fédéraux pour les prochaines élections. Elle aura remué le sol, creusé des sillons.
Il y a beaucoup d'atomes crochus entre le PC et l'ADQ. Programmes apparentés, mentalités apparentées, mêmes clientèles "blanches", de vieille souche et homogènes. Au Québec, les territoires conservateurs et adéquistes se recoupent: Québec, Bois-Francs, Beauce...
Ce sont deux partis nés en dehors des grands centres urbains, avec une base enracinée dans le terroir. (L'ancêtre du PC, le Reform Party, venait de Calgary, mais Calgary, toute prospère soit-elle, n'est pas une métropole au même sens que Toronto ou Vancouver: c'est une ville de pionniers, de défricheurs, d'explorateurs et de "self made men", une ville du "Far West".)
Cette montée de l'ADQ promet le meilleur et le pire.
Le meilleur: l'introduction, dans le petit monde feutré de l'Assemblée nationale où les deux gros partis (mise à part la question nationale) partagent depuis trois décennies le même ronron idéologique issu de la Révolution tranquille, de nouvelles impulsions susceptibles de faire bouger des choses. Ainsi, l'ADQ est le seul parti à avoir eu le courage de proposer, contre des tabous très enracinés, des changements fondamentaux aux services de santé.
Le pire: l'accentuation des divisions entre les régions et la métropole, l'indifférence envers Montréal, que Mario Dumont ne "sent" pas et que l'ADQ ne connaît pas, une nette propension au populisme le plus démagogique, un certain retour vers une sorte de duplessisme ethno-centriste. Il y a de l'Union nationale dans l'ADQ
Ce petit parti n'est évidemment pas prêt à prendre le pouvoir. Mais il a quelque chose à offrir: une voix neuve, un certain bon sens. On n'a plus le choix, il faudra faire avec.


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