Le patron de Bombardier s'interroge sur la viabilité des PPP

PPP sous surveillance

Le président et chef de la direction de Bombardier, Pierre Beaudoin
Photo: Martin Chamberland, La Presse

Sylvain Larocque - Le président et chef de la direction de Bombardier (T.BBD.B), Pierre Beaudoin, remet en question le modèle des partenariats publics-privés (PPP), soulignant que les entreprises ne sont pas toujours les mieux placées pour financer de grands projets d'infrastructures de transport.
Prenant part à un débat organisé la semaine dernière à Los Angeles par le Milken Institute, un groupe de réflexion californien, M. Beaudoin a souligné qu'il en coûtait beaucoup plus cher aux compagnies qu'aux gouvernements pour emprunter de grandes sommes d'argent.
«Je crois que le secteur privé est bien placé pour gérer les coûts d'un projet et d'en respecter les échéanciers, mais je ne suis pas convaincu, en règle générale, qu'il est le mieux placé pour financer des projets», a-t-il déclaré.
«C'est un domaine où nous devons nous interroger: y a-t-il une meilleure façon de financer nos projets?»
Le dirigeant a avancé que sur une période de 20 ans, un projet de 1 milliard $ US était susceptible de coûter 480 millions $ US de plus s'il est financé par le secteur privé plutôt que par les autorités publiques.
Pour en arriver à ce chiffre, il a tenu pour acquis qu'une municipalité américaine pouvait émettre pour 1 milliard $ US d'obligations à un taux d'intérêt annuel de 4,8%, alors qu'une entreprise privée paierait l'équivalent de 8,2% d'intérêt pour obtenir la même somme (compte tenu d'une mise de fonds de 15%). Il s'agit d'un scénario quelque peu «extrême», mais tout de même représentatif de la réalité, a-t-il assuré.
Le grand patron de Bombardier parle d'expérience: en 2007, la multinationale québécoise a dû radier une somme de 164 millions $ US liée à un investissement dans Metronet, le PPP responsable de l'entretien, du renouvellement et de la mise à niveau de l'infrastructure de neuf lignes du métro londonien.
Selon Pierre Beaudoin, les projets en PPP reviennent souvent «plus chers» que le mode conventionnel pour les contribuables, ne serait-ce qu'en raison du coût plus élevé du financement.
Les PPP «ne devraient pas être une solution globale pour les investissements dans les infrastructures parce que c'est une façon indirecte d'augmenter les impôts et les taxes», a-t-il lancé.
C'est sans compter que lorsque les PPP connaissent des problèmes financiers, les instances publiques n'ont d'autre choix que d'éponger la note parce que quoi qu'il arrive, «elles ont besoin de leurs métros et de leurs autoroutes», a-t-il relevé.
La crise financière de 2008 a fortement entamé le modèle des PPP, puisqu'elle a rendu beaucoup plus difficiles à réaliser des projets financés à hauteur de 80 ou 90% par le biais d'emprunts, a fait remarquer M. Beaudoin.
Au Québec, le projet de construction du nouveau Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) a connu de nombreux délais en raison notamment de la difficulté des consortiums en lice de concrétiser leurs montages financiers.
Transport en commun
Pierre Beaudoin a par ailleurs profité de la conférence de Los Angeles pour faire la promotion du transport sur rail, faisant valoir que chaque dollar investi dans le transport en commun rapportait 4 $ en retombées économiques.
Il s'est désolé que le programme de relance mis en place par Washington n'ait consacré que 7,8% de son enveloppe de 787 milliards $ US au transport, au développement urbain et au logement, alors que près de 40% des investissements du plan de stimulation économique chinois sont allés aux routes et au rail.
«Même si je suis canadien, j'aime les baisses d'impôt, mais je suis convaincu que l'investissement dans l'infrastructure procure de meilleures retombées pour nous tous à long terme», a-t-il affirmé, en faisant allusion aux allégements fiscaux contenus dans le plan de relance américain.


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