Le Parlement syrien reconnaît le génocide arménien

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L'histoire officielle reflète toujours les tensions politiques du moment


DAMAS | Le Parlement syrien a officiellement reconnu jeudi comme «génocide» le massacre d’environ 1,5 million d’Arméniens entre 1915 et 1917, sur fond de vives tensions avec la Turquie après des affrontements meurtriers dans le nord-ouest de la Syrie.  


«Le Parlement [...] condamne et reconnaît le génocide commis contre les Arméniens par l’État ottoman au début du XXe siècle», a indiqué le Parlement syrien dans un communiqué.  


Erevan accuse le gouvernement ottoman d’avoir notamment déporté les Arméniens en masse vers la Syrie, une marche forcée à travers le désert ayant provoqué une forte mortalité. Les survivants auraient ensuite été placés dans une vingtaine de camps de concentration situés dans le nord-ouest et l’est du pays alors territoire ottoman.  


À Deir-Ezzor, un mémorial du génocide arménien avait été érigé, avant d’être détruit par le groupe État islamique (EI).  


Cette reconnaissance intervient dans un contexte de fortes tensions entre la Turquie et la Syrie. Mercredi, le président turc Recep Tayyip Erdogan a menacé de frapper «partout» le régime syrien en cas de nouvelle attaque contre les forces turques déployées dans le Nord syrien, après la mort de plusieurs de ses soldats.  


Il a en outre réitéré un ultimatum au régime, le sommant de se retirer de certaines positions dans la région d’Idleb d’ici fin février, et menaçant de l’y contraindre en faisant «tout ce qui est nécessaire».  


«Nous vivons actuellement une agression turque qui repose sur la même pensée ottomane haineuse», a déclaré jeudi le chef du Parlement syrien, Hammouda Sabbagh.  


Cette «agression» rappelle «les crimes commis par les ancêtres d’Erdogan contre le peuple arménien», assure-t-il.  


Tensions inédites 


La Turquie, qui soutient la rébellion syrienne contre le régime de Bachar al-Assad, a lancé depuis 2015 trois opérations militaires en Syrie contre l’EI et les combattants kurdes qu’Ankara qualifie de «terroristes».  


À l’issue de la dernière offensive – stoppée net après deux accords conclus séparément avec Washington et Moscou –, les forces turques se sont emparées d’une bande frontalière de 120 kilomètres à l’intérieur du territoire syrien le long de sa frontière sud.  


Depuis le début de l’offensive lancée à la mi-décembre par Damas et Moscou contre la région d’Idleb, dernier bastion en partie sous contrôle djihadiste et rebelle en Syrie, la Turquie tente de freiner l’avancée des forces du régime, qui contrôlent désormais près de la moitié de la province d’Idleb.  


Elle a ainsi déployé des renforts massifs dans cette région du nord-ouest syrien où elle détient déjà 12 postes d’observation. Depuis début février, lors d’attaques menées par Damas dans la région d’Idleb, 14 soldats turcs ont été tués et 45 blessés.  


Mardi, un hélicoptère du régime syrien a été abattu par des tirs de roquettes dans la région, une attaque ayant tué trois pilotes selon le quotidien prorégime al-Watan, et imputée par les médias turcs aux rebelles pro-Ankara.  


Près de 30 pays 


Selon les estimations, entre 1,2 million et 1,5 million d’Arméniens ont été tués pendant la Première Guerre mondiale par les troupes de l’Empire ottoman, alors allié à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie.  


Les Arméniens cherchent à faire reconnaître par la communauté internationale l’existence d’un génocide.  


La Turquie, issue du démantèlement de l’Empire en 1920, reconnaît des massacres, mais récuse le terme de génocide, évoquant une guerre civile en Anatolie doublée d’une famine, dans laquelle 300 000 à 500 000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort.  


Les autorités turques reconnaissent qu’entre 300 000 et 500 000 personnes ont péri, mais, selon Ankara, elles n’ont pas été victimes d’une campagne d’extermination, mais du chaos des dernières années de l’Empire ottoman.  


La Turquie affirme aussi que des dizaines de milliers de Turcs ont été massacrés par les nationalistes arméniens qui se sont alliés à l’ennemi russe lors de la Première Guerre mondiale, avant la décision du gouvernement ottoman de déporter les Arméniens vers la Syrie.  


De nombreux historiens et universitaires ont toutefois conclu que la déportation et le massacre des Arméniens pendant la Première Guerre mondiale répondaient à la définition juridique du génocide.  


Près de 30 pays ont déjà adopté des lois, des résolutions ou des motions reconnaissant le génocide.  


En décembre, le Congrès américain de décembre a qualifié les massacres de génocide, suscitant l’ire de la Turquie.  


Mais l’administration du président américain Donald Trump a dit refuser d’utiliser le mot «génocide».  





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