Le niqab à la barre

Justice et Niqab



Nous avons déjà déploré ici la tentation qu'ont parfois les tribunaux de se substituer aux législateurs, de qui relève l'ingénierie sociale. Mais, à l'inverse, il est stupéfiant qu'une cour de haute instance refuse de se prononcer sur la façon dont les causes criminelles doivent être instruites: ne s'agit-il pas de sa business, après tout?
Alors, qu'est-ce qui peut bien rendre trois juges de la Cour d'appel de l'Ontario aussi circonspects, prudents, presque timorés?
Vous avez deviné: l'islam.
L'affaire est maintenant connue. À Toronto, dans une cause d'agression sexuelle, la plaignante désire se présenter à la barre des témoins vêtue d'un niqab ne laissant voir que ses yeux. La défense s'oppose. Interpelée, la Cour d'appel de l'Ontario rend un jugement jugeant si peu que La Presse en déduit qu'«une femme peut témoigner avec son niqab»... et Radio-Canada, que «le niqab doit être enlevé pour témoigner»! En fait, ce qui est remarquable est que le tribunal ontarien ne rejette pas avec horreur la perspective d'un témoin masqué.
L'affaire se rendra sans doute jusqu'à la Cour suprême du Canada, dont la décision engagera ensuite tout le pays.
* * *
Au Québec, on croyait avoir tout vu en matière d'accommodements raisonnables. Or, on se rend compte à la longue que les sceptiques ont peut-être raison. Et que, en matière de demandes de traitement privilégié fondées sur la foi, en particulier islamique, l'escalade n'aura pas de fin.
Ailleurs, on a déjà compris.
En Europe, les contraintes vestimentaires les plus oppressives pour la femme, burqa et niqab, provoquent des débats - et amènent des lois - sur la place qu'il faut leur allouer ou leur refuser. Pas seulement dans les écoles ou les tribunaux, mais dans l'espace public tout entier. Les voiles intégraux sont interdits en Égypte, dans les officines gouvernementales; ainsi qu'en Syrie, dans les universités... des nations islamophobes, très certainement!
Voyant cela, on peut dire que, par la porte qu'il ouvre à une justice tronquée dans ses fondements mêmes, le Canada se distingue à nouveau: son hyper-tolérance frise ici l'irresponsabilité.
On l'a beaucoup dit, nos cadres juridiques ne prévoient pas de hiérarchisation des droits. Mais, en pratique, il y en a un qui est en train de faire son nid sur la tête de tous les autres. Et c'est le droit à la pratique religieuse. Par un ahurissant phénomène de régression soutenu par des lobbies souvent «progressistes», la religion piétine en effet un à un les droits les plus fondamentaux. L'égalité des sexes. La liberté d'expression (voir le blogue de l'édito sur Cyberpresse). La séparation de l'Église et de l'État. Et maintenant le droit d'un accusé à un procès juste et équitable.
Vraiment, les dieux sont grands, il n'est plus permis d'en douter.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé