Le mythe du Plan Nord

Une autre chimère libérale

Chronique de Peter Benoit

Le PLQ revient nous hanter avec son fameux Plan Nord avec une nouvelle mouture décrite comme étant un Plan Nord + qui comporterait des investissements d'au moins 80 G $ en 25 ans et serait par le fait même le "Chantier d'une génération". Mais qu'en est-il au juste ?

Par définition, la région du Plan Nord est celle au nord du 49ième parallèle, soit une latitude (ligne horizontale) à peu près à la hauteur de Lebel-sur-Quévillon en Abitibi. Elle comprend une partie de l'Abitibi, le Nouveau-Québec, la région de Chibougamau, une partie du Saguenay-Lac-St-Jean et la Côte Nord. Pour cela, il faut revenir en arrière et voir ce qui a été accompli dans les derniers 25 ans pour évaluer si le passé est garant de l'avenir.

Donc, en 1989, soit 2 ans après le krach boursier d'octobre 1987 qui annonce une importante récession à venir, le secteur minier s'essouffle après l'euphorie de la mise en place d'un nouvel abri fiscal implanté au début des années 1980 par le gouvernement fédéral afin de procéder au sauvetage de la pétrolière Dome Petroleum. Cet abri fiscal, les actions accréditives, est finalement élargi à toutes les provinces canadiennes et pour toutes les ressources naturelles, à l'exception des dépôts meubles comme les sablières. En 1989, la minière Cambior, née de la privatisation de Soquem, est maintenant active et on assiste à la découverte du gisement de cuivre de Louvicourt près de Val-D'Or.

Mais les temps sont difficiles et la situation va perdurer jusqu'en 1992. Par la suite, on mettra en production le gisement de nickel-cuivre-platinoïdes Katiniq connu maintenant sous le nom de Mines Raglan appartenant au géant minier Xtrata. Alors que le Canada constituait un pays de choix pour les investissements miniers, la mondialisation qui s'est amorcée dans les années 1980 va voir fondre la part des investissements miniers mondiaux dirigés au Canada de plus de 30% à 13% en 2014. La Bourse de Toronto et son pendant de croissance TSX-V, essentiellement spécialisée dans les matières premières, va voir son marché rétrécir à 37% du marché mondial alors qu'il contrôlait près de 80% du marché en 1989. Plusieurs milliers d'emplois en finances et en droit des affaires seront ainsi perdus à Toronto. C'est aussi dans ce contexte que le gouvernement fédéral espère créer une Commission des valeurs mobilières nationale qui serait basée à Toronto, donc de déshabiller Montréal pour habiller la ville reine.

Le secteur minier est cyclique parce que le marché prend beaucoup de temps à s'ajuster aux variations de l'offre et de la demande pour la simple raison que mettre un gisement production peut prendre jusqu'à 10 ans. Entre 1992 et 1999, le cycle minier est haussier et ralentira à l'aube du troisième millénaire, notamment à cause du scandale Bre-X mis au jour en mars 1997.

Durant ces années, quelques découvertes sont effectuées essentiellement et sont des mines d'or. Cela mènera à la mise en production du gisement Malartic d'Osisko qui fait l'objet actuellement d'une prise de contrôle par le géant Goldcorp de Vancouver avec en prime la perte d'un autre siège social de Montréal.

Entre les années 2000 et 2014, il y aura une alternance de cycles haussiers et baissiers un peu plus chaotique qui reflète un monde en transition avec la montée en puissance des pays émergents. Une nouvelle mine de fer, soit le lac Bloom appartenant à Cliffs Natural Resources, la première depuis au moins 30 ans, va entrer en production vers 2010. Celle-ci sera suivie par le gisement d'or Éléonore de Goldcorp qui entrera en production sous peu en 2014. Un gisement de lithium détenu par RB Energy est en phase de rodage en Abitibi et devrait être en pleine production sous peu.

Ce sont les principaux projets depuis 25 ans parmi une ribambelle de plusieurs projets plus petits ou des projets déjà existants. Il existe environ 25 mines au Québec, essentiellement des mines d'or et de fer. Certaines sont plus exotiques comme celle de Niobec à St-Honoré qui appartient à Iamgold de Toronto et qui exploite du niobium et du tantale; des métaux utiles pour les aciers spécialisés et en électronique. Il est bon de savoir que Niobec ne doit sa survie que par une entente tacite oligopolisitque avec la brésilienne CBMM qui contrôle le marché à plus de 85%.

Il en est de même avec les mines et projets de fer de la région de Schefferville ainsi que Sept-Iles. Elles existent grâce aux investissements chinois qui n'est pas le fruit du hasard: Ces mines à relativement faibles teneurs et éloignées permettent aux aciéries chinoises de maintenir les prix du minerai de fer australien de BHP-Billiton plus bas; celui-ci étant au moins deux fois plus riche et beaucoup plus près des ports chinois.

Il est difficile de comptabiliser avec précision les investissements miniers au Québec durant les derniers 25 ans, mais ceux-ci n'ont pas dépassé 10 G $ et le poids du secteur minier dans le PIB du Québec se situe dans les 2% environ. Il existe bien quelques projets prometteurs dans la région du Plan Nord qui prendront encore quelques années à être mis en production. Depuis 2012, le secteur minier mondial vit une dure récession qui perdure encore en 2014.

Plusieurs projets miniers à divers stades de leur évolution ont bénéficié ou pourront bénéficier de capital de démarrage (Sidex, Sodemex, Fonds de Solidarité entre autres) et de soutien (Investissement-Québec, crédits d'impôts du Québec, Caisse de dépôt, etc.) en complément de fonds privés.

Dans le meilleur des cas, c'est au plus 20 G $ qui seront investis par les entreprises privées dans les prochains 25 ans et qui pourront être aidées par des programmes relativement efficaces déjà en place. Le Plan Nord est donc une chimère qui court après des mines qui n'existeront pas. Il est de plus impensable qu'un secteur qui ne représente que 2% de l'économie québécoise puisse soutenir les autres 98%. Ce ne pourra jamais être un Chantier d'une génération, mais plutôt le mensonge d'une génération.

Le secteur minier est très risqué, mais peut être très structurant pour certaines régions comme l'Abitibi et la Côte-Nord et leurs projets méritent d'être soutenus, évidemment au mérite. Malgré certaines avancées technologiques, le taux de découverte demeure infime: À peine un projet sur 1 000 devient une mine, soit 0,1%.

Depuis le gouvernement Bourassa, à chaque cycle de gouvernements libéraux, apparaît des projets de plus en plus insensés avec une orgie de dépenses en infrastructures. Si cela pouvait faire du sens dans les années 1970, en 2014 cela menace non seulement le modèle québécois mais également les acquis de la Révolution tranquille. Le Québec s'enfonce dans un endettement massif et colossal parce que les libéraux n'ont aucune vision pour développer le Québec.

Les Québécois forment une société distincte qui a su s'adapter aux climats rudes et à la présence anglo-saxonne. Par la force des choses, les Québécois sont ainsi devenus un peuple éduqué, créatif et innovateur; tous des prérequis essentiels pour œuvrer dans l'économie du savoir dans un optique de valeur ajoutée.

En ce sens, contrairement aux matières premières qui sont non renouvelables, les Québécois doivent miser sur leur matière grise, vraiment la seule ressource inépuisable.


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    21 mars 2014

    Plan Nord - Québec paiera la grosse part d'une route pour une mine de diamants
    85 % de la facture seras payée à même les fonds publics...287 millions pour une route destiné a une seul compagnie
    Ou est l'utilisateur payeur ???
    La bonne administration libérale qui as mis financierement le Québec dans le trou : le dépassement de cout seras aussi au frais des contribuables dans le merveilleux monde libéral de l'utilisateur payeur
    Si le gouvernement du Québec est confronté à des dépassements de coûts dans le cadre des travaux de prolongement de la route 167, il devra les assumer seul, a reconnu hier le ministre des Ressources naturelles et de la Faune. Se disant sûr de respecter le budget de 330 millions de dollars prévu pour cette route qui profitera d'abord à une entreprise minière, il a par ailleurs évoqué la possibilité de poursuivre la route sur une centaine de kilomètres supplémentaires vers le nord.
    Pour le moment, le coût de construction de la nouvelle route de 240 kilomètres est évalué à 331,6 millions de dollars. Le gouvernement estime qu'il paiera 287,6 millions de dollars de cette facture. L'entreprise Stornoway Diamond Corporation déboursera quant à elle 44 millions sur une période de 10 ans, et ce, à partir de 2015.
    Pas surprenant que le déficit du Québec ai augmneter de 50 milliards sous le gouvernement Charest
    Couillard au débat des chefs a dit vouloir rajouter un autre 15 milliards au minimum sur le déficit et il accuseras certainnement ensuite le parti québécois d' être responsable de l'augmentation du déficit lors de la prochainne campagne électorale dans 4 ans
    Sous la bonne admistration libérale :
    Le gouvernement Charest injecte des dizaines de millions de dollars pour faciliter le boom minier dans le cadre de son Plan Nord. C'est en effet l'État québécois qui assumera la plus grande part des coûts du prolongement de la route 167, un nouveau tronçon qui facilitera la mise en exploitation de la première mine de diamants de la province
    85 % de la facture devra être payée à même les fonds publics.
    Les actionnaires de Stornoway Diamond Corporation, par exemple, ont de quoi se réjouir de l'annonce du prolongement de la route 167, qui ouvre la voie à l'exploitation de la première mine de diamants au Québec
    La bonne administration libérale qui as mis financierement le Québec dans le trou se poursuit : en plus de payer 85% du prix de la route ,le dépassement de cout seras au frais des contribuables dans le merveilleux monde libéral de l'utilisateur payeur

  • Fernand Durand Répondre

    21 mars 2014

    Chaque fois, le PLQ veut nous faire payer les infrastructures, routes, ponts, gare, aérogare etc. et on laisse de côté le mode utilisateur/payeur tant défendu par ces mêmes libéraux sur d'autres sujets.