Le ministre Morneau sur un siège éjectable

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Il doit démissionner

Au rythme auquel s’accumulent les controverses, le ministre des Finances Bill Morneau pourra difficilement terminer son mandat, s’entendent pour dire de nombreux observateurs de la scène fédérale.


« Il ne peut pas rester en poste indéfiniment. Sa situation pose des problèmes éthiques sérieux », analyse Robert Bernier, professeur à l’École nationale d’administration publique.


Depuis l’été, Bill Morneau a cafouillé avec la réforme fiscale, il a dû justifier sa décision de ne pas mettre des millions d’actions en fiducie, il a reçu une amende pour avoir omis de déclarer une villa en France, il a fait l’objet d’une enquête de la commissaire à l’éthique pour le projet de loi C-27 et a dû défendre la vente de 680 000 actions avant le dépôt d’une importante mesure fiscale.



Image du gouvernement


Les libéraux ont été élus pour représenter la classe moyenne, souligne M. Bernier, alors que le ministre Morneau renvoie l’image d’un parti qui fraie avec la haute finance. « Justin Trudeau ne peut pas le garder jusqu’aux prochaines élections », tranche-t-il.


Selon le spécialiste en marketing politique, le premier ministre pourrait être tenté de laisser aller Bill Morneau au retour des Fêtes, pour mettre les controverses derrière lui.


« Si on continue d’apprendre de nouvelles révélations et que le ministre continue de se défendre aussi mal, la situation va devenir intenable », renchérit Frédéric Boily, professeur de politique à l’Université de l’Alberta.


L’expert en politique canadienne maintient que des députés libéraux pourraient bientôt faire pression pour se débarrasser de M. Morneau.


Pas de successeur


Le problème, c’est que le caucus libéral, très jeune, ne regorge pas de successeurs potentiels pour un portefeuille aussi important. Le vétéran Ralph Goodale a occupé le poste entre 2003 et 2006, mais il en a déjà plein les bras avec la Sécurité publique, rappellent nos intervenants.


Deuxième obstacle : on ne tasse pas facilement le grand argentier du pays.


« On a rarement vu un changement de ministre des Finances dans l’histoire récente. On cherche une stabilité aux finances : les budgets sont planifiés sur une longue période et la personne en poste incarne une vision », selon Éric Montigny, professeur de science politique à l’Université Laval.


Le dernier ministre des Finances à avoir été démis de ses fonctions est Paul Martin, en 2002, sur fond de rivalités avec Jean Chrétien pour le leadership du Parti libéral. Il avait été en poste durant plus de huit ans.


Malgré leur statut de numéros deux du gouvernement, les ministres des Finances ne bénéficient pas d’une immunité totale, rappelle M. Montigny.


« Justin Trudeau doit se demander si son ministre peut encore faire son travail et, surtout, si une faute a été commise. Si oui, la responsabilité du premier ministre est de protéger les institutions », conclut-il.