Le médecin iconoclaste

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« Il s’agit d’une épidémie plutôt banale. »

Frondeur, sûr de lui, intempestif. L’homme est le contraire du «profil bas». Un électron libre qui dérange la communauté médicale et scientifique par son franc-parler et style iconoclaste.


Médecin-infectiologue à Marseille, Didier Raoult a choisi de tester pour la COVID-19 tous les «malades fébriles» qui cogneraient à sa porte et de traiter tous ceux qui en seraient atteints avec l’hydroxychloroquine (plaquenil). 


C’était contraire aux conventions médicales, mais il s’en est expliqué il y a quelques jours au journal Le Parisien. 


«Comme n’importe quel docteur, à partir du moment où l’on a montré qu’un traitement était efficace, je trouve immoral de ne pas l’administrer. C’est aussi simple que ça.»


Le DRaoult a choisi d’agir sur la base de résultats obtenus sur un (tout) petit échantillon d’une vingtaine de ses patients. Il s’appuie aussi sur des résultats d’essais en laboratoire menés en Chine et publiés le mois dernier dans la prestigieuse revue Nature.


Des collègues ont critiqué les faiblesses méthodologiques de la démarche du Dr Raoult. 


La bonne pratique veut qu’on attende des résultats plus larges, qu’on compare avec des groupes témoins et qu’on obtienne des validations indépendantes avant de pavoiser et d’utiliser un nouveau médicament.


La différence est ici qu’il y a urgence et qu’il ne s’agit pas d’un nouveau médicament. 


L’hydroxychloroquine (plaquenil) est sur le marché depuis 2004. C’est un anti-inflammatoire utilisé dans le traitement de l’arthrite rhumatoïde, le lupus ou le paludisme. 


Combiné à un antibiotique, le plaquenil semble prometteur. Il faudra cependant attendre avant de crier au médicament miracle pouvant changer la donne. 


On n’en ferait pas de cas s’il s’agissait d’un hurluberlu déconnecté. Mais le DRaoult est un expert en santé publique depuis plus de 30 ans. Il dirige l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée infection à Marseille et ses travaux de recherche sont régulièrement cités. 


Jusqu’à il y a deux jours, il siégeait au Conseil scientifique mis sur pied par le président Macron pour lutter contre le virus. Il a quitté parce qu’en désaccord avec les politiques du gouvernement.


M. Raoult parle des choix faits en France, mais ses critiques visent l’organisation et le manque de préparation de l’Occident en général. 


J’ai retenu plusieurs extraits de l’intervention de M. Raoult il y a quelques jours dans un blogue en partenariat avec la Tribune de Genève


Ça ne veut pas dire qu’il a raison en tout, mais j’ai trouvé dans cette intervention beaucoup de faits qui mettent les choses en perspective, font réfléchir et soulèvent des questions pertinentes.


Ce que le Dr Didier Raoult dit sur...


...L’ORIGINE DE L’ÉPIDÉMIE


 «Nous voici donc, nous dit-on en état de guerre… Ce genre de vocabulaire paraît d’un autre âge.  


La réalité est plus prosaïque : nous subissons la contamination à large échelle par un virus qui est un pur produit de la rencontre entre la bêtise humaine [l’entassement dans des cages superposées d’animaux sauvages de diverses espèces dans des marchés insalubres]… et de l’inventivité du vivant». 


(Ma note : en outre au marché de Wuhan, en Chine)


….LE RESPECT DES CONSIGNES


«...en ces temps de mobilisation collective, nous avons tous à respecter scrupuleusement les mesures qui sont imposées. Même si on doute de celles-ci ou qu’on les trouve inadaptées, aucun d’entre nous ne peut se donner le droit de suivre sa propre idée...


Et abstenons-nous strictement de toute automédication, en particulier en ce qui concerne les substances que je mentionnerai plus loin. Utilisées hors suivi médical strict, elles peuvent en effet être dangereuses…. 


Par contre, cette obéissance civile ne doit surtout pas conduire à une interdiction de penser ou de parler…»


...LA GRAVITÉ DE LA PANDÉMIE


«...il s’agit d’une épidémie plutôt banale. Le terme peut choquer quand il y a des morts, et a fortiori dans la crise sanitaire et la dramaturgie collective hallucinée que nous vivons. 


Pourtant, les données sont là : les affections respiratoires habituelles que nous vivons chaque année font bon an mal an 2600 000 morts à travers le monde...


(Ma note : entre 290 000 et 650 000 pour la grippe seulement, selon l’Organisation mondiale de la santé; en date du 24 mars, un peu plus de 15 000 morts pour la COVID-19).


 ...le même traitement politique ou journalistique appliqué à n’importe quel épisode de grippe saisonnière nous terrifierait tout autant que l’épidémie actuelle». 


...LA VULNÉRABILITÉ DES PERSONNES ÂGÉES


«Il faut oser le dire : ce n’est pas le virus qui tue, ce sont les pathologies chroniques qui rendent une infection au SARS-CoV-2 potentiellement fatale à certains patients déjà lourdement touchés par ces maladies de société, alors qu’il est bénin pour les personnes en bonne santé...


Les plus récentes [données] en provenance d’Italie confirment que 99 % des personnes décédées souffraient d’une à trois pathologies chroniques (hypertension, diabète, maladies cardiovasculaires, cancers, etc.) avec un âge moyen des victimes de 79,5 ans [médiane à 80,5] et très peu de pertes en dessous de 65 ans». (2) 


...LA FIABILITÉ DES CHIFFRES 


«En l’absence de dépistage systématique de la population, nous n’avons aucune donnée fiable à laquelle référer les données dont nous disposons (nombre de cas déclarés et de décès).


C’est un classique en épidémiologie : si vous ne dépistez que les morts, vous parviendrez à 100 % de taux de mortalité! 


Si vous ne testez que les cas critiques, vous en aurez moins, mais encore beaucoup plus qu’en réalité. 


Si vous dépistez beaucoup, vous aurez beaucoup de cas alors que si vous dépistez peu, le nombre de cas sera faible. 


La cacophonie actuelle ne permet juste pas d’avoir la moindre idée de la progression réelle du virus et de sa diffusion...


…LE DANGER DE MORT


«C’est hélas le vrai point noir : s’il n’y avait pas ces cas graves, l’épidémie serait insignifiante. Il se trouve qu’elle entraîne des complications rares, mais redoutables.


...C’est l’existence de ces cas graves (estimés à 15 % des cas, probablement en réalité 10 fois moins) qui justifie que l’on ne s’en remette pas simplement à l’immunité de groupe (laisser aller sans intervenir) .


...Le risque pour les personnes vulnérables est tel qu’il s’avérerait éthiquement indéfendable de prendre cette direction, du fait de la gravité des conséquences possibles…


La létalité réelle, comme annoncée dans un précédent article, doit en fait s’établir au plus à 0,3 % et probablement encore moins. Soit moins du dixième des premiers chiffres avancés par l’OMS».


...LA DÉCISION D’IMPOSER LE CONFINEMENT


«Nous avons alors adopté des mesures absolument contraires aux bonnes pratiques : renoncer à dépister les personnes possiblement malades et confiner la population dans son ensemble pour enrayer la diffusion du virus.


Mesures à vrai dire moyenâgeuses et problématiques puisqu’elles ne ralentissent l’épidémie qu’au risque de phénomènes de rebond potentiellement encore pires...


Toutes les recommandations en santé publique sont à l’inverse de dépister le plus de cas possibles et de confiner uniquement les cas positifs le temps qu’ils ne soient plus contagieux.


Le confinement général constitue un pauvre pis-aller face à l’épidémie dès lors qu’on manque de tout ce qui permettrait de lutter efficacement contre elle…


Des collaborateurs de M. Raoult ajoutent ceci : 


«Confiner chez eux des gens qui ne sont pas porteurs du virus est infectiologiquement absurde; le seul effet d’une telle mesure est de détruire l’économie et la vie sociale. Un peu comme bombarder une ville pour en éloigner les moustiques porteurs de malaria…»


...LES LACUNES DE DÉPISTAGE 


«...nous avons défailli à mettre d’emblée en place les bonnes réponses. 


Le manque de tests et de mesures de dépistage en particulier est emblématique de ce naufrage : 


alors que la Corée, Hong-Kong, Singapour et la Chine en faisaient la priorité absolue, nous avons été d’une passivité invraisemblable à organiser la mise à disposition de quelque chose de techniquement simple.


Les pays mentionnés ont mis à profit l’intelligence artificielle notamment pour identifier les chaînes de transmissions possibles pour chaque cas positif. 


Avec les smartphones, on peut par exemple faire l’inventaire des déplacements et donc des contacts que les personnes infectées ont eus avec d’autres personnes dans les 48h précédant l’apparition des symptômes».


...LES LACUNES DES HÔPITAUX


«...nous avons réduit de manière importante la capacité de nos hôpitaux au cours de la décennie écoulée et nous retrouvons en manque de lits de soins intensifs et de matériel de réanimation. 


Les statistiques montrent que les pays les plus touchés sont ceux qui ont réduit massivement les capacités des services de soins intensifs...


Rien de tout ceci n’a été pensé, alors que le risque de pandémie est un risque sanitaire majeur. 


Nous nous sommes retrouvés... en manque de tout ce qui aurait été nécessaire pour faire face à l’épidémie en particulier bien sûr des tests de dépistage, mais aussi du matériel sanitaire de première nécessité comme les gels hydralcooliques ou les masques protecteurs pour le personnel soignant! La vérité, c’est que nous avons été complètement dépassés».


Des collaborateurs ajoutent ici : 


«Une fois l’urgence passée, il faudra bien en revanche que l’État rende des comptes sur la manière dont il aura été complètement pris de court par un risque sanitaire parfaitement identifié. Et avec une situation en l’occurrence très peu grave par rapport à ce que serait une vraie pandémie tueuse, le Big One que tout le monde redoute».


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