Le Fonds vert a été un vaste buffet pour les ministères québécois

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L'écologie n'est qu'un prétexte pour prélever des taxes supplémentaires


Nommée au conseil d’administration du conseil de gestion du Fonds vert en 2017, Ljiljana Latkovic pensait pouvoir utiliser ses connaissances en sciences pour l’aider à choisir des projets visant à lutter contre les changements climatiques.


Grande fut sa déconvenue.


Mme Latkovic raconte qu’elle et les huit autres membres du c.a. ont souvent été invités à donner leur approbation à des projets dont le financement avait déjà été approuvé par différents ministères.


Pis encore, dans de nombreux cas, les membres du conseil d’administration n’avaient aucune idée de la manière ces projets allaient réellement permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone.


« À mon avis, le ministère de l’Environnement ne se souciait guère des réductions », a-t-elle déploré au cours d’une récente entrevue.


Crée en 2006, le Fonds vert gère des centaines de milliers dollars perçus notamment par l’entreprise d’une taxe sur l’essence de 4 cents le litre, de la vente d’unités d’émission de gaz à effet de serre dans le cadre du marché du carbone ou des redevances pour l’élimination de matières résiduelles. Son objectif est de redistribuer cet argent pour aider financièrement des projets visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.


Mais le Fonds n’a jamais été à l’abri des critiques et de la controverse.


Ministre de l’Environnement du Québec depuis janvier 2019, Benoît Charette promet une réforme. Il a une tâche colossale devant lui. Les erreurs du passé ont mis en lumière la difficulté de gérer un fonds de plusieurs centaines de millions de dollars auxquels ont accès divers ministères.


Déjà en juin, il a annoncé divers changements.


Premièrement, le Fonds vert portera un nouveau nom. On l’appellera désormais « Fonds d’électrification et de changements climatiques ». Le conseil de gestion sera remplacé par un « comité d’experts » qui supervisera la façon avec laquelle l’argent est distribué.


Le Fondes sera entièrement géré par le ministère de l’Environnement. « À l’avenir, s’il y a un problème de gestion, nous n’aurons plus besoin de faire des recherches pour déterminer qui en est responsable », a souligné M. Charette.


De plus, le Bureau du vérificateur général sera chargé de publier un rapport annuel sur la gouvernance du Fonds. « Nous considérons que c’est de l’argent public. Il est donc important qu’il soit correctement géré », a dit le ministre.


Un buffet


Selon lui, le fonds s’est transformé en buffet pour les projets favoris des ministères.


Le Fonds était-il utilisé à mauvais escient ? « Malheureusement oui, répond le ministre. Certains ministères s’en sont servis sans garantie de résultats. Le gouvernement précédent a laissé ce phénomène se perpétuer, ce qui est encore plus déplorable. »


Malgré les quelques milliards de dollars recueillis depuis 2006, les projets financés ont eu une « part très faible » dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.


Tout récemment, le commissaire au développement durable écrivait : « Près de cinq ans après la publication de notre rapport d’audit initial sur le Fonds vert, nous ne pouvons que nous désoler de cette situation ».


C’est un gouvernement libéral qui a géré le Fonds pendant la très grande partie de son existence. Le parti n’a pu mettre personne à la disposition de La Presse canadienne pour répondre à ces critiques.


À la suite de rapports sévères du Bureau du vérificateur général, le premier ministre de l’époque, Philippe Couillard, avait créé un conseil d’administration dont le rôle était de superviser la distribution de l’argent. Las ! Ljiljana Latkovic dit que son travail consistait la plupart du temps à approuver les projets déjà choisis par d’autres ministères.


Le conseil n’a vraiment approuvé que de 10 à 15 pour cent des projets financés, soutient-elle, les autres avaient déjà obtenu un feu vert du gouvernement. « Nous voulions savoir ce qu’on approuvait. Certains membres ont même voulu démissionner parce qu’ils ne savaient ce qui se passait. »


Benoît Charette ne conteste pas les commentaires de Mme Latkovic.


« C’est malheureusement vrai, a-t-il dit. C’est vraiment ce qui se passait. Le Fonds vert n’était pas utilisé au maximum de ses possibilités. Il y avait une confusion quant aux responsabilités. C’est ce que nous voulons corriger. »


Diplômée d’une maîtrise en sciences de la Terre, Mme Latkovic croit que le Fonds a été une occasion manquée.


« C’est triste que le conseil n’ait pas fonctionné comme il aurait dû. C’était une bonne chose. Je pensais qu’on allait vraiment s’occuper des changements climatiques. »









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