Elle est bien étrange cette obligation soudaine d’avoir un tramway à Québec. Tramway, bus et une version transe en banlieue: le trambus.
On s’empresse, on s’énerve comme si la fin du monde était pour demain. Comme si Justin Trudeau allait viser l’équilibre budgétaire lundi prochain. Ou, plus plausiblement, comme s’il fallait absolument lier les mains d’un éventuel gouvernement caquiste. Les manœuvres de ce genre sont rarement gages de succès.
Tombé du ciel après le récent scrutin municipal, ce projet avait été repoussé par les deux principaux acteurs de l’actuelle frénésie politique. Pourtant, un réseau moderne ne serait pas de trop à Québec. Encore faut-il qu'il serve à régler les vrais problèmes de congestion... ceux qui répugnent aux commissaires du peuple à l'environnement...
Philippe Couillard et Régis Labeaume ont toujours trouvé que c’était trop cher, un tramway. Ils ont viré capot ensemble, comme des chums, en regardant le calendrier...
En privé avec le maire Labeaume, M. Couillard se serait montré plus libéral et, ce qui était irréaliste dans la bouche d’Ann Guérette, est devenu logique dans celle du maire. Alors va pour le tramway!
Et ça presse! Faut que tout soit déballé, signé et patati et patata, le plus vite possible, avant l’automne et l’élection de la CAQ... Voilà un jeu dangereux pour un maire.
Au fait, quelle différence ferait quelques mois de plus sinon plus de temps pour trouver une réelle solution à la congestion, chercher des corrections nécessaires à la liaison Québec/Lévis, des problèmes qu’un tramway ne solutionnera pas.
On ne peut qu’y voir un renvoi d’ascenseur pré-électoral du dernier ami des libéraux. Et tout le monde le voit...
Les contribuables de la capitale ne devraient pas accepter d’être ainsi bousculés, confrontés à une aventure onéreuse dont ils ne savent à peu près rien. Rien sinon qu’elle sera déficitaire et ajoutée au fardeau fiscal municipal. Le maire Labeaume ne sera alors plus maire de la capitale...
Personne n’est dupe et ne croit à cette facture de trois milliards, gribouillée aux fins d’une conférence de presse en attendant les plans et devis.
Si peinturer un pont coûte 400 millions, les additions préliminaires définissant un réseau structurant de 23 kilomètres sont purement théoriques, et forcément fausses.
Le citoyen taxable sait bien que sa Belle province n'est pas toujours exemplaire.Ici, les coûts anticipés sont assujettis aux imprévus et généralement erronés. L’UPAC est née de cette tradition des «extras», si chère à la faune parasitaire des contrats publics...
La prudence est donc de mise et l’actuel empressement de l’administration Labeaume ne peut donc que susciter la méfiance, voire la peur d’un méga dérapage.
Justin Trudeau peut bien faire au maire toutes les confidences possibles, ça ne veut pas dire qu’Ottawa allongera des «centaines de millions». On a vu avec Bombardier et le chantier Davie à quel point les fédéraux peuvent être chiches... peu importe ce que raconte le Charmeur de ces dames...
Il y a une autre source de suspicion : on invitait récemment à plus de modestie ceux qui réclamaient un «troisième lien». Là encore, calendrier électoral oblige, la modestie ne tient plus: on peut tout avoir...
Mais, à l’évidence, le «troisième lien» ne profite pas du même emballement gouvernemental; à peu près rien n'a été fait et les principaux intéressés sont tenus dans l'ignorance.
Philippe Couillard cherchait surtout à s’approprier le nouveau projet du maire Labeaume pour court-circuiter François Legault. C'est fait. Le tramway devra toutefois changer de couleur: rouge serait plus honnête...
C’était presque gênant de les voir, vendredi, rire de si bon cœur. Le malaise ne sera pas dissipé de sitôt...