Comme toutes les nations du monde, le Québec doit affronter divers problèmes à court, moyen et long terme. Un des instruments privilégiés pour le faire c’est un état crédible et respecté, comme le démontre le contexte mondial actuel tout comme notre histoire des soixante dernières années. Or la confiance envers ceux et celles qui nous gouvernent présentement est à un niveau historique aussi bas que celui des eaux du Saint-Laurent. Voilà notre défi des prochains mois.
Aucun gouvernement depuis que nous avons des instruments pour le mesurer n’a atteint un creux de satisfaction aussi abyssal. J’ai eu moi-même l’honneur de diriger un gouvernement qui fut défait alors que 52% des gens s’en disaient satisfaits, malgré les fusions municipales! Jean Charest a un niveau qui est presque cinq fois moindre présentement.
Évidemment l’usure du pouvoir peut mener à une situation semblable mais pas dans de telles proportions. Il est vrai que le gouvernement libéral a accumulé une série de bourdes dont certaines furent pathétiques. Vouloir financer à 100% des écoles confessionnelles ou changer le calendrier scolaire au nom des mêmes accommodements déraisonnables est difficile à comprendre. Demander la même contribution santé à un modeste salarié qu’à un millionnaire n’est ni juste ni habile. Ne pas garder à la loi 104 sur les écoles passerelles son impact de bon sens évident, saboté par la Cour Suprême, n’est pas pour réjouir la population. Et j’en passe, et de nombreuses...
Mais le cœur du problème est encore plus tragique et il touche la perception d’intégrité et de moralité de l’ensemble de la gestion étatique. En plus, le principal facteur déclencheur vient d’un secteur vital : l’industrie de la construction. « Quand le bâtiment va, tout va», suivant la vieille maxime. Mais présentement ce n’est pas le volume des contrats qui est en cause, de ce côté ça va, c’est leur moralité qui est soupçonnée de ne pas aller. Même les syndicats semblent suspects.
Pratiquement tous les agents socio-économiques de droite comme de gauche, sauf quelques exceptions, réclament une enquête publique sur l’industrie de la construction. Une telle unanimité n’est pas fréquente dans les revendications de la population. Pourquoi le gouvernement refuse-t-il de se joindre à un consensus aussi rare qu’évident? Dans un tel cas le bon sens populaire comme l’analyse intellectuelle la plus sophistiquée ne peuvent conclure qu’au vieil adage qu’ « il n’y a pas de fumée sans feu. » S’ils refusent l’enquête massivement réclamée c’est qu’ils ont des choses à cacher, se dit-on logiquement.
Avant que les soupçons ne viennent du secteur de la construction, et partiellement à partir de Montréal, il faut le dire, d’autres agissements difficiles à comprendre avaient déjà mis en cause la crédibilité gouvernementale. Une des gloires de nos réalisations contemporaines, les Centres de la petite enfance, furent même entraînés dans la suspicion. Des ministres furent en conflits d’intérêt. Certains ont prétendu ne pas savoir que les compagnies n’avaient pas le droit de contribuer aux caisses électorales!
Le ministre de la justice dans notre système doit précisément incarner la justice et la moralité. Or l’un de ceux qui ont occupé ce poste essentiel sous Jean Charest fait des allégations tellement graves que ce dernier le poursuit en justice. En plus, le premier ministre non content de s’en remettre à la justice ordinaire nomme lui-même une commission d’enquête dont les premiers pas relèvent de la tragi-comédie.
Tout cela en fait beaucoup et il est réconfortant pour la démocratie de voir que la population trouve dans ce paysage politique une grisaille insupportable qu’il faut dissiper.
L’urgence est donc de redonner à la population la confiance requise en ses dirigeants sans laquelle de nombreux autres problèmes graves mais à plus long terme ne pourront être abordés convenablement. Il n’y a pas trente-six solutions. Le gouvernement doit changer l’atmosphère en changeant d’avis sur l’enquête publique sur l’industrie de la construction. S’il n’opère pas ce virage le seul autre possible sera celui de changer de premier ministre ou de gouvernement. L’efficacité et le respect de notre démocratie en dépendent.
Le déficit… de confiance
Enquête publique - un PM complice?
Bernard Landry116 articles
Ancien premier ministre du Québec, professeur à l'UQAM et professeur associé à l'École polytechnique
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