Le courage et l'entêtement

Enquête publique - un PM complice?



Plutôt que de débattre de l'opportunité d'une enquête publique sur la corruption dans l'industrie de la construction, les délégués au dernier conseil général du PLQ ont tenté encore une fois de se convaincre que Jean Charest est une réincarnation de Robert Bourassa. Cette exploitation de la mémoire l'ancien premier ministre pour mieux encenser son successeur devient même indécente.
Parmi les thuriféraires invités, l'ancien chef de cabinet de M. Bourassa, Mario Bertrand, a vanté le courage et la détermination dont il a fait preuve durant sa longue carrière. Alors que tout le monde le tenait pour politiquement mort en 1976, son retour en 1985 tenait véritablement de l'exploit.
On conviendra volontiers que M. Charest aussi a fait preuve d'une remarquable capacité de rebondir. Que ce soit au pouvoir ou dans l'opposition, à Ottawa ou à Québec, il n'a jamais eu froid aux yeux, y compris dans ses erreurs.
Il ne faut cependant pas confondre détermination et entêtement. M. Bourassa savait très bien à quel moment il lui fallait lâcher prise, non seulement dans son propre intérêt, mais aussi dans celui de l'État dont il avait la responsabilité. Il y a même des moments où reculer peut être un acte de courage.
Avec la volte-face spectaculaire de la FTQ, on semble en être arrivé au point où l'ensemble de la société québécoise estime qu'une enquête publique est devenue indispensable, que ce soit avec ou sans M. Charest. Cela devra se faire sans lui.
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Hier après-midi, il était un peu surréaliste d'entendre les partis d'opposition spéculer sur la composition et le mandat d'une éventuelle commission. Si la FTQ semble être arrivée à la conclusion qu'elle a plus à perdre à voir les allégations se multiplier sans qu'il soit possible de distinguer le vrai du faux, le premier ministre ne veut toujours rien savoir d'une enquête publique qui, dans son esprit, se transformerait à coup sûr en un inextricable marécage, dans lequel le PLQ demeurerait empêtré, peu importe qu'il gagne ou perde les prochaines élections.
Au cours d'un débat de fin de journée sur une motion présentée par le PQ, le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, n'a pas manifesté la moindre ouverture. Il s'en est tenu strictement au discours qu'il tient depuis des semaines: le gouvernement se contentera d'enquêtes policières.
Jean Cournoyer, qui était ministre du Travail quand le gouvernement Bourassa a institué la commission Cliche sur la violence dans l'industrie de la construction et la Commission d'enquête sur le crime organisée (CECO) au début des années 1970, évoquait hier la fable du chêne et du roseau. M. Bourassa avait du courage, mais aussi la sagesse de plier pour ne pas rompre.
M. Charest est ce genre d'homme que l'adversité a plutôt pour effet de braquer.
Dès le départ, il a fait le pari que l'indignation n'aurait qu'un temps. Précisément parce qu'il a souvent connu des moments difficiles dans sa carrière et s'en est toujours sorti, il pouvait légitimement croire que l'opinion publique finirait par se lasser, pour peu que lui-même refuse de se laisser infléchir.
Il ne changera pas d'idée parce qu'une pétition réclame sa démission. Déjà en mai 2006, 65 % des Québécois et 41 % des électeurs libéraux souhaitaient son départ. Trois francophones sur quatre se disaient insatisfaits de son gouvernement. Il a pourtant été réélu à deux reprises depuis. Il y a cependant une différence de taille: les reproches qu'on lui adressait à l'époque n'avaient rien à voir avec l'intégrité.
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Comme la plupart des libéraux, qui se sont toujours gaussés de l'idéalisme du PQ, il a également parié que l'économie primerait tout. Le tableau qu'il a brossé en fin de semaine dernière devant le conseil général de son parti reflétait une indéniable réalité: le Québec s'est mieux sorti de la crise que n'importe qui en Amérique du Nord et son potentiel énergétique lui permet d'entrevoir l'avenir avec optimisme.
«Ça, c'est la réalité qui compte pour des millions de Québécois dans toutes les régions. Parce qu'on a pris les bonnes décisions, il y a une paye qui rentre», a déclaré M. Charest. Le discours inaugural qu'il prononcera quand l'Assemblée nationale entreprendra une nouvelle session, en février 2011, poursuivra sur cette lancée. Qu'une autre réalité puisse compter davantage aux yeux de la population lui apparaît tout simplement inconcevable.
Les événements des derniers jours vont donner une nouvelle signification à l'élection partielle qui sera tenue le 29 novembre dans Kamouraska-Témiscouata. Une très possible victoire libérale dans l'ancienne circonscription de Claude Béchard aurait pour effet de conforter M. Charest dans son refus de déclencher une enquête.
D'ici là, le débat devra malheureusement se poursuivre en l'absence du premier ministre, qui effectuera la semaine prochaine une visite officielle à Paris et à Strasbourg, avant de se rendre à Cancún pour participer à la conférence sur le climat. La fréquentation du président Sarkozy ne risque malheureusement pas de l'inciter à une plus grande souplesse.


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