Gaz de schiste

Le client a toujours raison

LULU - une loyauté à géométrie variable


Les débats qui ont cours dans toute enceinte politique relèvent un brin du théâtre. Le public parfois s'en désole, s'en exaspère ou s'en amuse. La commission parlementaire chargée d'étudier le projet de loi 18 a donné lieu mardi à un de ces moments mi-tragiques mi-comiques, dans lequel toutefois l'acteur principal, M. Lucien Bouchard, occupait malgré lui deux rôles à la fois. Son jeu trop emporté, hélas, manquait de justesse.
Les citoyens-spectateurs n'arrivent pas à réconcilier l'image de cet ex-premier ministre et ancien chef du Bloc québécois, à l'ascendant d'exception dans l'histoire politique québécoise, avec celle de l'avocat venu défendre avec la droiture qu'on lui connaît les intérêts de ses nouveaux «clients», les membres de l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ). Le juriste brandit des arguments jadis évoqués sous l'épiderme de chef de la nation, comme ceux de la protection de l'image du Québec, ou l'importance de l'apport d'investisseurs étrangers pour le développement économique, mais cet argumentaire d'avocat, si bien ficelé soit-il, ne «passe» pas — encore moins à l'Assemblée nationale...
L'ancien homme politique essaie d'émouvoir la galerie en militant, au nom de l'industrie, pour le principe de la compensation financière en échange de permis révoqués. Il se retrouve alors en porte à faux. Son discours sur commande, celle des Junex, Questerre, Talisman et autres entreprises auxquelles se destinent les limites du projet de loi 18, dérange d'autant plus qu'il vient de lui.
Personne — pas même, il semble, la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau — ne pleurera sur les droits égratignés de ces pétrolières quand on sait qu'elles ont payé des grenailles pour acheter leur droit de sonder les entrailles de nos terres: 117,70 $ par an pour l'île Verte; 1908,40 $ pour l'île d'Orléans au grand complet; 203,70 $ pour le combo île aux Oies-île aux Grues! Quand on sait aussi que l'industrie sera bénéficiaire d'une évaluation environnementale stratégique (EES) entièrement financée par l'État (7 millions), État qui a promis de payer le pactole en regard des minces retours qu'il engrange — des «pinottes» de 800 000 $ par année pour des permis couvrant 80 000 km2 de territoire.
M. Bouchard n'a pas du tout apprécié qu'on l'apostrophe, pourtant posément, sur les antithèses qu'il incarne. Son éclat princier était excessif. Amir Khadir, qui joue au contraire assez bien son rôle de détracteur studieux et courageux et fait souvent l'opposition à lui tout seul, ne comprend pas comment le président de l'APGQ peut faire toutes ces «courbettes aux grands et aux puissants qui sont maîtres de l'économie».
Mardi, il a souligné à grands traits un dédoublement de personnalité auquel peu se résignent avec aisance, en rappelant à M. Bouchard qu'il est assez «inconcevable qu'on puisse servir les intérêts d'une nation tout en travaillant ardemment à protéger les intérêts de multinationales étrangères qui cherchent en fait à spolier nos ressources naturelles». Il croyait parler à l'ex-premier ministre. Mais il s'adressait à l'avocat, pour qui le client a toujours raison.


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