Le CHUM en PPP: en avant toute, mais...

Charest lance l'appel de propositions tout en ouvrant la porte à un «plan B»

Grandes pompes, mince crédibilité... - une image vaut mille mots...


Lisa-Marie Gervais - Premier geste concret depuis longtemps dans le projet du CHUM, l'appel de propositions a finalement été lancé en grande pompe hier par le gouvernement du Québec en présence de nombreux ministres et de plusieurs représentants du milieu de la santé. En mode séduction, le clan Charest a tenu à rassurer la population et les différents acteurs du milieu de la santé qui, devant les ratés du CHUM jusqu'ici, se sont montrés sceptiques quant au respect des coûts et des échéanciers. «C'est une étape décisive qui envoie un signal très fort à ceux qui s'intéressent à l'avenir du CHUM», a affirmé le premier ministre.
S'il n'a cessé de répéter que la formule PPP était la meilleure, Jean Charest a toutefois ouvert la porte à un «plan B» si l'appel de propositions ne donne pas les résultats escomptés. «Le contexte économique est tellement particulier [...], il faut se préparer à tous les scénarios sans décaler les échéanciers», a dit Jean Charest. Interrogé sur un possible retour au mode de financement traditionnel, M. Charest a réitéré sa bonne foi dans le marché. «Tout cela est hypothétique. Nous croyons que le marché va bien répondre à ce projet, car c'est un investissement à long terme avec une rentabilité garantie, appuyée par le gouvernement du Québec. On va de l'avant avec un projet PPP, mais, si le marché ne fonctionne pas, on verra à un ajustement», a-t-il indiqué.
Deux consortiums ont été retenus au terme de l'appel de qualification: Groupe Innisfree-AXOR-OHL-Dalkia et Accès Santé CHUM. Or, les sociétés composant le premier éprouvent de la difficulté à trouver du financement à long terme. Le second, dirigé par la société espagnole Acciona, est composé du groupe australien Babcock & Brown qui est au bord de la faillite. Le «plan B» du gouvernement serait-il inévitable? «Ce sera à chaque consortium de trouver sa source de financement. Le contexte est trouble [...], mais il y a des projets PPP qui se réalisent», a souligné M. Charest. «On veut toujours respecter une formule qui nous permet de partager les risques. Ils ne sont pas seulement sur la question du financement, mais aussi sur la question de l'entretien et des coûts de réalisation.» Il y voit un avantage pour les Québécois. Selon lui, les PPP permettent, par exemple, un contrat d'entretien continu sur une période de 30 ans qui rend moins vulnérable aux changements de gouvernements et aux soubresauts de l'économie.
Échéanciers et budgets
Les soumissionnaires devront avoir déposé leur proposition pour mars 2010, et la sélection sera faite en juin de la même année. La première «vraie» pelletée de terre est prévue pour septembre 2010 et la phase I du CHUM sera livrée à la fin de 2013. Selon le ministre de la Santé, Yves Bolduc, l'hôpital sera alors «complet» et disposera de 400 lits. La seconde phase est celle de la démolition de l'hôpital Saint-Luc pour le reconstruire et est attendue pour 2018.
Au final, le projet bonifié, y compris le Centre de recherche, coûtera 2,515 milliards en dollars de 2018, en tenant compte d'une marge de manoeuvre de 650 millions d'indexation et de risques sur huit ans.
Le président de la Fédération des médecins spécialistes, Gaétan Barrette, est d'avis que le budget du CHUM est le même que pour plusieurs projets d'envergure similaire, notamment aux États-Unis. Il croit un peu moins au respect des délais. «C'est l'un des échéanciers les plus serrés que j'aurais vus dans ma vie, mais ça se fait. Normalement, ça prend entre trois ans et demi et quatre ans. Là, on va avoir plus d'un an de papier avant la première "vraie" pelletée de terre», a-t-il déclaré. Et pour le Dr Barrette, le CHUM ne sera fait qu'à moitié en 2013. «On va tout simplement transférer l'hôpital Saint-Luc dans un autre lieu. On va passer de 350 à 400 lits, oui. Mais il va rester l'Hôtel-Dieu et Notre-Dame. Ce ne sera pas complet», a-t-il soutenu contredisant ainsi le ministre Bolduc.
Reste que le projet du CHUM coûte désormais, sans les contingences, 1,865 milliard en dollars d'aujourd'hui, au lieu de 1,1 milliard. L'augmentation vient de la bonification du projet, a rappelé le premier ministre. «On veut régler la question des coûts avant de mettre la pelle dans la terre. [Le métro de Laval] a été lancé, et les coûts ont évolué au fur et à mesure que le projet avançait. C'est justement ce que nous voulons éviter», a-t-il précisé.
Moins catégorique, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Yves Bolduc, a parlé «d'estimés». «On est de plus en plus près de la phase finale et des montants finaux. Mais, encore là, c'est vraiment comme ça: il va falloir attendre l'ouverture des propositions pour savoir le coût exact des projets.»
Réaction et insatisfaction
Les partis politiques d'opposition ont fortement réagi à l'annonce du gouvernement Charest. Qualifiant la conférence de presse «d'opération de relations publiques», le député du Parti québécois Sylvain Simard a trouvé déplorable que le gouvernement «n'ait parlé que de conception, et non de financement». «Le gouvernement libéral voulait aller en mode PPP pour le partage de risques. Dans le cas du CHUM, c'est le gouvernement qui va assumer le risque au lieu du partenaire privé. C'est absurde», a dit le porte-parole de l'opposition officielle en matière de Conseil du trésor.
Québec solidaire abonde en ce sens et critique «l'aveuglement idéologique» du gouvernement libéral. «Comment décrire autrement le comportement de ce gouvernement qui [refuse] d'abandonner les PPP devant les exemples de fiascos qui s'accumulent», a souligné le député de Mercier, Amir Khadir, dans un communiqué.
Si le milieu syndical pousse un «enfin!» de soulagement, il continue de vivement s'opposer à la formule choisie par le gouvernement. «Est-ce que cette fois sera la bonne?», se demande l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux.
En outre, la CSN s'est dite préoccupée par le manque de transparence et par l'incertitude au sujet de l'avenir du projet. «Personne dans les syndicats locaux n'est au courant de ce qui va se passer. Les questions des blocs opératoires, de l'entretien et de l'alimentation n'ont pas été abordées. L'appel d'offres doit comporter plus de garanties», a insisté Denise Boucher, vice-présidente de la CSN.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->