Le chat sort du sac

Il ne manquera pas de femmes ministres pour défendre Stephen Harper. Josée Verner, Bev Oda et combien d'autres vont ouvrir les rangs. Et c'est désolant.

Droits et Démocratie - KAIROS - Développement et Paix


La sénatrice conservatrice qui a lancé le cri d'alarme s'appelle Nancy Ruth. Malgré son appartenance à ce parti de droite qui dirige présentement le Canada sous la gouverne de Stephen Harper, elle a averti les femmes, de façon non équivoque, de sa crainte que l'accès à l'avortement dans ce pays soit de nouveau en danger.
On nage dans le flou tellement il semble difficile aux conservateurs d'exprimer une pensée claire sur le sujet. On patine plutôt, un peu à gauche, beaucoup à droite, on ménage la chèvre et le chou, c'est l'évidence. Selon Nancy Ruth, les femmes risquent de ramasser la facture. C'est déjà commencé. Douze groupes de femmes ayant crié trop fort ont perdu l'aide financière du gouvernement Harper. «Shut the fuck up!» a dit madame Ruth aux femmes qui manifestaient devant le parlement. Pas de gants blancs. La vérité. En pleine face.
Les autorités gouvernementales veulent exclure l'avortement de leur programme de santé destiné aux femmes, sur le plan international, dans des pays en voie de développement. C'est la position que s'apprête à défendre Ottawa au G8 malgré le scepticisme affiché par Hillary Clinton, qui n'était pas d'accord avec cette position. Comment peut-on prétendre aider les femmes de ces pays si l'idée qu'on se fait de leur santé ne va pas jusqu'à l'avortement en cas de besoin?
Il faut vivre sur une autre planète pour ne pas savoir que les femmes de certains pays sont sans recours devant une vie sexuelle qu'on leur impose souvent, qui sont soumises au viol sans moyens de défense pour qu'on les abandonne dans les moments les plus difficiles à vivre pour elles. Ottawa, semble-t-il, a choisi de fermer les yeux et de faire comme si ça n'existait pas. Cela s'appelle de la lâcheté. On préfère s'en laver les mains. Comme on l'a fait ici, pendant si longtemps.
Des ministres affirment, la bouche en coeur, que la santé des femmes est une priorité pour eux. On s'apprête pourtant à faire le tri des bons soins qu'on va daigner leur offrir comme si elles n'étaient pas capables de savoir ce dont elles ont besoin.
Un ministre a expliqué qu'on irait jusqu'à la planification des naissances... Mais sans l'avortement, si la planification des naissances n'a pas fonctionné. Certains hommes ont l'air de continuer à penser qu'une femme se fait avorter par plaisir, parce que c'est jouissif, et que c'est un bon moment à passer entre deux visites chez le coiffeur. Quelle misère! Nancy Ruth a éventé la mèche. Je répète sans arrêt que dans les dossiers concernant les femmes, rien n'est jamais acquis de façon définitive. Tout peut être remis en question par un politicien borné ou par un leader avide de pouvoir qui rêve de remettre les femmes à leur place. Nancy Ruth a eu le courage de dire qu'il ne faut pas faire confiance aux conservateurs dans ce dossier et que Stephen Harper pourrait bien sacrifier les droits acquis des femmes canadiennes pour s'assurer quelques votes de plus à la prochaine élection. Il faut la remercier de l'avoir fait.
Nous pensions que le débat sur l'avortement était réglé à tout jamais. Il va falloir ressortir nos pancartes. Si Stephen Harper veut la guerre, il l'aura.
Les jeunes femmes d'aujourd'hui n'ont pas connu l'époque des avortements sordides faits n'importe où et souvent n'importe comment, ni les broches à tricoter, ni les horreurs que les femmes avalaient en espérant échapper à une grossesse non désirée. Elles n'ont pas connu non plus les accouchements sans aucune anesthésie (il fallait payer pour son péché) et l'horrible abandon de l'enfant tout de suite après la naissance. Aucune femme ne veut retourner là d'où on vient.
Les femmes, la plupart du temps, sont tolérantes les unes envers les autres, dans ces moments-là. Il en reste pourtant encore quelques-unes qui se définissent comme pro-vie.
Il ne manquera pas de femmes ministres pour défendre Stephen Harper. Josée Verner, Bev Oda et combien d'autres vont ouvrir les rangs. Et c'est désolant.
Depuis que le monde est monde, des avortements ont été pratiqués. Par les femmes elles-mêmes, par les femmes entre elles, par des charlatans, par des «faiseuses d'anges», par des pharmaciens, des médecins et même des maris. L'avortement se pratiquait chez les Égyptiens, chez les Grecs et à la cour de Louis XIV, partout où il y a eu des femmes.
Dans mon cas, tant qu'il y aura une femme sur cette terre qui réclamera un avortement, j'essaierai de faire en sorte qu'elle puisse l'obtenir dans les meilleures conditions possible. Après, je prendrai le temps de lui dire qu'il y a d'autres moyens quand on ne veut pas d'enfants. Je la consolerai aussi si je peux. Je ne connais pas Nancy Ruth, ni les motifs qui l'ont incitée à parler, mais je la remercie de l'avoir fait.


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