Lieux de culte à Montréal

Le capharnaüm

Religion et démocratie au Québec

Un avis du Conseil interculturel de Montréal (CIM) nous apprend que les lieux de culte dits «minoritaires» sont un capharnaüm dont la Ville a beaucoup de mal à mesurer et à encadrer la croissance sur le territoire municipal. Qu'on en juge: les chiffres les plus frais évoqués par le Conseil remontent à... 2003, faute de liste intégrée et de mise à jour des lieux de culte. Il devient urgent, comme le dit si bien l'organisme, que l'administration municipale dissipe ce brouillard, compte tenu des enjeux de société et de développement urbain que soulève une réalité qui, pour l'essentiel, est attribuable à une population immigrante que nous connaissons déjà bien mal.
Des quelque 800 lieux de culte recensés sur l'île, selon le CIM, environ 280 seraient des synagogues, des mosquées, des temples, des églises évangéliques... L'augmentation du nombre de ces lieux de culte minoritaires a été considérable depuis 2000, s'il faut en croire des chiffres d'autres sources compilés par Le Devoir. Plus de 300 dossiers d'aménagement ont été approuvés de 2000 à 2009; seulement 69 l'avaient été pendant la deuxième moitié des années 1990. Le brouillard est d'autant plus dense, ajoute le CIM, que plusieurs lieux de culte fonctionnent tout simplement sans permis.
Ces limbes créent indéniablement des problèmes de gestion urbaine -- auxquels il faudra bien finir par trouver une solution. Un minimum de mobilisation bureaucratique devrait suffire.
Plus fondamental est le risque que cette méconnaissance du terrain alimente le malentendu et la méfiance mutuels. Ainsi, la Ville et les élus ferment-ils les yeux, déplore vivement le Conseil, pour «conforter l'harmonie intercommunautaire et pour éviter que des situations de tension se multiplient inutilement». Cette attitude est semée d'effets pervers: à jouer à l'autruche, ils aiguisent les sensibilités interculturelles, ils ne les font pas disparaître. À accepter que des lieux de culte fonctionnent dans une espèce de clandestinité, ils cultivent non pas l'ouverture, mais le repli communautaire et religieux.
Cela dit, la vie des communautés immigrantes est évidemment loin de se réduire à la fréquentation de leurs temples et de leurs mosquées. Les clichés ont tendance à insinuer l'inverse. Vrai qu'émigrer est une expérience et une épreuve qui auront souvent tendance à renvoyer le nouvel arrivant à ses traditions, y compris religieuses. Si bien que le temple et la mosquée sont aussi des centres communautaires. Dans les faits, les musulmans qui habitent Montréal, pour parler de ceux qui font le plus peur, sont beaucoup moins pratiquants que les médias ne le donnent à penser. Avec le temps, disent toutes les études, ils ont tendance à se distancer de leurs chefs religieux, qu'ils finissent pas trouver trop conservateurs. Qu'est-ce à dire? Que le terrain des relations interculturelles n'est pas aussi miné qu'on le croit.
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gtaillefer@ledevoir.com


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