Le Canada n'est pas le Goulag... mais...

Tribune libre

Hier, sur le site de La Vigile du Québec, j’écrivais sur des éventuels débordements de la police de Québec dans le cadre de la « commémoration de la bataille de 1759 ». Lors d’une relecture du journal Le Québécois d’Octobre/Novembre 2008, je suis tombé sur deux articles qui ont attiré mon attention. Tout d’abord, à la page 16, un article signé Le Québécois nous mentionne que le gouvernement Charest collaborerait avec le SCRS. Grâce à une demande d’accès à l’information, l’organisation du Québécois a fait une découverte surprenante. L’entente vise à échanger sur la possibilité de menaces terroristes envers l’État québécois.
Le deuxième article, écrit par René Boulanger, nous parle de la répression espagnole envers les Basques. Il rappel qu’on évalue à environ 700 les prisonniers politiques basques. De plus, 21 personnes ont été condamnées pour avoir milité pour dans l’organisation des Droits de l’Homme « Gestoras Pro Aminista » qui a pour mandat de défendre les prisonniers politiques basques.
Ceci me rappela immédiatement un extrait du livre de Louis Fournier « FLQ, histoire d’un mouvement clandestin ». Fournier nous parle, à la page 251, de la création de la fameuse Section G qui doit s’occuper de la menace « communiste/séparatiste ». Faut-il croire que de nos jours, le SCRS surveille les « terroristes/communistes/séparatistes » ? De plus, souvenons-nous des débordements qui ont suivi la création de cette fameuse section G! La loi des mesures de guerres et l’arrestation de 500 personnes. Un article de Paul Sauriol, parût de la Devoir le 11 mai 1971 (Les dommages subit par les victimes innocentes des pouvoirs d’urgence), mentionne que seulement 50 personnes ont étées accusées. De plus, il nous rappel que la majorité des gens ont étés incarcérés sans avoir le droit de consulté un avocat. Il écrit même à propos de mauvais traitements.
À l’époque, Serge Mongeon, membre exécutif du Mouvement pour la défense des prisonniers politiques québécois, est-lui-même arrêté par la police. D’ailleurs, il a écrit sa mésaventure dans un excellent roman qui s’intitule : « Kidnappé par la Police ». Le roman porte bien son titre. Le portrait qu’il nous dresse de la situation ressemble, dans une certaine mesure, à l’expérience que décrit Alexandre Soljénitsyne dans l’archipel du Goulag. Certes, on ne parle pas violence au même niveau, mais dans le cas de la censure, c’est la même chose. Les prisonniers de la rue Parthenais n’ont pas le droit de savoir ce qui se passe à l’extérieur, et toute information est filtrée. On constate que le prisonnier est isolé. « Le Canada n’est le Goulag » avons-nous déjà entendu. Toutefois, il arrive que nous n’en soyons pas très loin parfois! Et parlant de Goulag, le traitement que le gouvernement fédéral a réservé au Canadiens d’origine japonaise n’est guère mieux. Normand Lester nous explique dans un chapitre entier de son premier Livre Noir du Canada anglais les crimes du gouvernement fédéral commis contre eux pendant la Deuxième Guerre mondiale. Encore mieux, prenez le cas de Camilien Houde, maire de Montréal durant la Deuxième Guerre mondiale. Pour avoir dénoncé la probable conscription et invité les gens à désobéir, il est arrêté et envoyé au camp de concentration de Petawawa où il sera affecté à la coupe de bois de chauffage pour le ce même camp. Il y sera détenu de 1940 à 1944 avec « des espions, des fascistes et ressortissants ennemis ». Déportations et camps sont aussi des termes qui s’appliquent au Canada.
Tout ceci m’amène à réfléchir à où nous en sommes aujourd’hui. Je le répète encore une fois, si nous ne sommes pas vigilants, il pourrait y avoir des abus des forces de l’ordre à Québec lors des événements de la commémoration. Et pas besoin de grandes choses pour énerver le fédéral. Allez manifester avec un drapeau et les membres du groupe de répression coloniale (la GRC) vont arriver assez rapidement. N’oublions pas une chose, nous n’avons pas de boule de cristal qui nous permet de savoir comment va réagir l’autre camp. L’arrestation des trois membres du RRQ en 2008 nous le démontre. Il est donc inévitable, il faut organiser un comité d’information sur les détenus politiques. Peut-être que cela vous semble inutile de nos jours, mais comme l’affirme si bien Patrick Bourgeois, nous ne recevons pas de coup parce que nous n’en donnons pas. Avec ce qui se prépare pour cet été, il faut être prêt. Il y aura surement des tentatives d’intimidations de la part du gouvernement pour nuire aux manifestants. Ce n’est pas La Presse, ni Radio-Canada qui nous ont expliqué objectivement ce qui se passe avec les trois membres du RRQ. Il nous faut donc nous doter d’une organisation qui va se charger de faire circuler l’information. L’internet nous permet de déjouer la convergence des médias, à nous d’utiliser la porte ouverte. C’est à nous de le faire, pas aux autres!
***
Toujours dans la réflexion sur les prisonniers politique au Québec, regardons un peu le roman « L’aveu » d’Artur London. J’étais dans une bouquinerie de l’Île Jésus (La ville de Laval pour ceux qui ne le savent pas!) lorsque je suis « tombé » sur ce bouquin. Je croyais avoir affaire à Jack London, mais lorsque j’ai vu Artur London je me demandais bien qui il pouvait bien être! Quand j’ai vu la page couverture : un homme la corde au cou avec des lunettes de plongées teintes noire pour qu’il ne voie pas, j’ai compris qu’il me fallait absolument ce livre.
Ce livre est une sorte d’autobiographie parue en 1968. London a écrit ce livre suite à son « voyage » dans les camps de concentration communiste de Tchécoslovaquie. En fait, lui qui fût nommé vice-président aux affaires étrangère fût victime d’une purge. Il fût arrêté en 1951 et condamné aux travaux forcé à perpétuité jusqu’à sa réhabilitation en 1956.
Son arrestation est très spectaculaire : lorsqu’il passe par une ruelle, une voiture lui barre la route. Six hommes armés jaillissent pour l’arracher de sa voiture, le menotter et le placer de force dans une autre voiture pour l’empêcher de voir. Lorsqu’il demande pourquoi on l’arrête, des insultes sont les seules réponses qu’il obtient. Il est ensuite emmené dans un lieu qu’il ne connaît pas dans lequel il est isolé de force et interrogé. D’aucune façon il ne pourra communiquer avec sa femme ni ses enfants.
Portons un regard sur le Canada. Revenons à Serge Mongeon (voir premier article de cette série). Il nous raconte dans son livre « Kidnappé par la police » son arrestation. En fait une voiture de police l’intercepte, on le pointe avec un revolver et on l’emporte. Mais lisiez bien cet extrait de la page 34 : « Je demande pourquoi on m’arrête; un policier me dit que je ne suis pas arrêté encore ». Surprenant, mais pas très spectaculaire. Observons ce qu’il nous raconte dans son livre à propos de l’arrestation d’une de ses connaissances. Je vais citer le récit de la page 32 où l’épouse de l’homme arrêté nous raconte que : « Vers cinq heures, nous avons entendu un bruit tel que nous pensions que la fournaise explosait; nous avons vite constaté que c’étaient des policiers qui défonçaient les trois portes (c’est une maison à deux étages). Ils n’ont même pas pris la peine de vérifier si elles étaient fermées à clé ». De plus, on apprend dans le texte que les policiers sont armés de mitraillettes et qu’ils ont jusqu’à fouillé dans le pot de farine pour voir si une arme y était cachée! Excellente mise en scène pour le film La liste de Schindler! À côté de cela, l’arrestation de London dans « L’aveu », ce n’est rien! Et n’oublions pas le savoir vivre des policiers! Francis Simard, après la mort de Pierre Laporte, se cacha dans un faux placard avec les frères Rose pendant une descente de police dans l’appartement où ils se cachaient. Il nous mentionne à la page 204 de son livre « Pour en finir avec Octobre » le niveau littéraire de langage utilisé par les policiers : « Des salopes comme toé, on en a déjà vues! Habilles-toé putain ». Le tout étant naturellement agrémenté de claques au visage de la jeune fille à qui le message s’adressait. Régimes soviétiques, régime canadien, il y a des choses qui se ressemblent!
Mais revenons à Artur London. Il nous explique l’interrogatoire et le procès. En fait il n’y a pas grand-chose à dire. Les conditions de détentions sont épouvantables, privation de sommeil, prison insalubre, froide et humide et un sérieux manque d’objectivité. Il est sans cesse accusé de crimes qu’il n’a jamais commis sous prétexte de délation. En fait, le procès est perdu d’avance!
Encore ici, le Canada ne laisse pas sa place. Le procès des membres de L’ARQ (Armée révolutionnaire du Québec) en est un exemple. Jamais le juge André Sabourin n’a pas vraiment fait preuve de partialité. Il a condamné Schirm et Guénette à la peine de mort. Toutefois, le procès sera plus tard invalidé. Cela ne veut pas dire que les choses ont changés! Durant les autres procès en lien avec le FLQ nous avons pu constater que le gros bon sens était absent. Ils ont fait un procès à Pierre Vallières pour une accusation qui revient à ceci : « avoir écrit en prison le livre, Nègres Blancs d’Amérique, dans le but d’inciter à la violence et au terrorisme ». Si ce n’est pas tirer les cheveux cela…
Mais allons plus loin. Un URSS, durant la période du règne de Joseph Staline, les purges, comme celle dont sera victime Artur London, étaient planifiée. Par exemple, le commissaire la sécurité de l’État présentait une liste de personnes susceptibles d’avoir trahi l’URSS ou d’être des espions. Staline signait et on procédait aux arrestations. Qu’avons-nous appris du rapport Duchaîne ? Que la GRC avait confectionné des listes de gens qui étaient susceptibles de graviter autour du FLQ ou d’autre mouvements. En fait, les critères étaient assez larges. Au point de faire le fameux procès des Cinq : Charles Gagnon, Pierre Vallières, Jacques Larue-Langlois, Robert Lemieux et Michel Chartrand. Accuser les deux premiers de la liste est une chose, mais les trois autres… Nous ne sommes pas loin de Staline ici. D’ailleurs, Trudeau vouait une admiration à Staline. La loi sur la clarté référendaire, est inspirée des lois soviétiques.
Le procès des membres de la cellule Chénier et leur détention donnera lieu à de drôle de raisonnements. Les procès se déroulent parfois sans la présence des accusés, sans qu’ils puissent faire valoir leurs droits, les juges distribuant avec facilité les Outrages au tribunal. Le CIPP (Comité d’information sur les prisonniers politique) dénonce d’ailleurs certains abus. Par exemple, comme le mentionne Manon Leroux dans son livre sur l’après Octobre (Les Silences d’Octobre), Bernard Lortie et Paul Rose seront confiné dans de minuscule cellules et affecté aux travaux pénibles. Mais la meilleure est la suivante : Madame Rose, la mère de Paul Rose est mourante dans un hôpital. Elle est victime d’un cancer. Les autorités refuserons systématiquement toute demande de Paul Rose pour allé voir sa mère, mais, lorsque celle-ci sera décédé, il pourra se rendre aux funérailles sans escortes selon le livre de madame Leroux (p. 63)!
Décidément, nos ennemis sont prêt à bien des choses!

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Ludovick-Rémi Deroy8 articles

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Enseignant d’Éthique et Culture religieuse au secondaire. Possède un BACC en enseignement secondaire de l’Univers Social. Spécialisé dans l’histoire du Bloc Socialiste, de la décolonisation et de la libération nationale au Québec. Ex-coordonateur du RRQ Montréal.





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