Projet de loi C-51

Le Canada est en train de devenir le « goulag » que René Lévesque disait qu’il n’était pas

Le « Beau risque », c’était donc ça ?

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La camisole de force du gouvernement Harper

On le savait déjà depuis 1970, les services canadiens de renseignement ont les indépendantistes québécois dans leur mire. Mais avec le dépôt du projet de loi C-51 par le gouvernement Harper, les choses deviennent limpides.

Il faut en effet tout simplement lire l’art. 2 du projet proposé pour découvrir la portée qu’aura la nouvelle Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada . On y découvre une nouvelle notion en droit canadien, celle des « activités portant atteinte à la sécurité du Canada », et le texte de préciser ensuite qu’il s’agit de toute « activité qui porte atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou à l’intégrité territoriale du Canada ou à la vie ou à la sécurité de la population du Canada, notamment... » celles qui sont décrites à la suite [mes caractères gras].

Point n’est besoin d’être grand clerc pour comprendre qui est visé par la référence à « l’intégrité territoriale du Canada ».

Celle loi aura donc comme résultat de rendre à priori suspecte toute personne militant pour l’indépendance du Québec qui aurait nécessairement pour effet de porter atteinte à l’intégrité territoriale du Québec. Voilà comment le gouvernement fédéral tente de déligitimer l’option indépendantiste dont la légitimité avait pourtant été reconnue par la Cour suprême du Canada dans son jugement de 1998 sur le Renvoi relatif à la sécession du Québec.

En 1984, après l’échec du premier référendum et la perche tendue aux souverainistes par Brian Mulroney (avec la plume de Lucien Bouchard) pour les convaincre de l’appuyer lors de la campagne électorale fédérale qui s’annonçait, le gouvernement Lévesque s’était retrouvé divisé sur l’opportunité de saisir cette perche. René Lévesque avait alors jeté tout son poids dans la bataille en invitant les Québécois à accepter ce qu’il n’hésitait pas à qualifier de « Beau risque ». Les conséquences allaient être dramatiques.

Voici un extrait du compte-rendu assez juste que fait Wikipédia de ces événements :

La fronde s'organise
Au sein du gouvernement québécois, de mentalité souverainiste, certains députés et ministres influents refusèrent carrément d'aborder quelque association que ce soit avec des forces fédéralistes. Des souverainistes de la première heure comme Jacques Parizeau ou le docteur Camille Laurin n'entendaient pas accepter le projet Lévesque-Mulroney, et ont fait rapidement comprendre à leur chef qu'ils quitteraient le gouvernement si l'entente venait à être ratifiée.

De plus, de nombreux députés commencèrent à se réunir en cachette pour planifier une stratégie pour contrer cette entente. Des noms du gouvernement tels que Pauline Marois, Gilbert Paquette ou Guy Chevrette participent alors aux rencontres menées par la députée des Îles-de-la-Madeleine Denise Leblanc-Bantey.

En secret, une frange importante du caucus péquiste décide alors d'affronter leur chef sur la question constitutionnelle.

Au début novembre 1984, une réunion importante du caucus péquiste a lieu à Québec ou la question du « beau risque » est sur toutes les lèvres. Une partie importante des troupes avec en tête Parizeau, Laurin, Paquette, Léonard et Leblanc-Bantey, font comprendre à René Lévesque que s'associer aux conservateurs et aux fédéralistes mènera à la mort du Parti québécois et de l'option souverainiste. Malgré le message clair que lui lance son caucus, René Lévesque refuse de reculer et avant la conclusion du caucus le chef tranche : tu es pour le Beau risque ou tu sors. Le compte à rebours avant l'explosion de la crise est officiellement lancé.

Le gouvernement s'effondre
Le 20 novembre 1984, le député de Deux-Montagnes Pierre De Bellefeuille quitte le caucus péquiste pour siéger comme indépendant. Il part en déclarant qu'il juge impossible de continuer dans un gouvernement qui ne croit plus en son but premier.
Le 22 novembre 1984, le gouvernement péquiste éclate. En matinée, le ministre des Transports, Jacques Léonard, démissionne pour protester contre les nouvelles positions du gouvernement. Denise Leblanc-Bantey fait de même quelques minutes plus tard. L'après-midi, deux nouvelles arrivent sur le fil de presse. Le vice premier-ministre et ministre des affaires sociales, Camille Laurin, ainsi que Gilbert Paquette, ministre de la Science et de la Technologie, quittent à leur tour le gouvernement. Le ministre des finances, Jacques Parizeau, numéro deux du gouvernement et véritable pilier, quitte à son tour le cabinet en déclarant que la religion ne peut survivre si le pape perd la foi. Deux jours plus tard, Louise Harel démissionne elle aussi. Denis Lazure, en voyage en Russie, démissionne à son retour. En tout, les troupes péquistes perdent sept ministres et trois députés d'arrière-banc.

René Lévesque est obligé de s’expliquer. Il le fait dans une entrevue sur l’indépendance et le nationalisme, restée assez célèbre pour l’image qu’il utilise pour tenter de justifier son action. À la question de savoir si le référendum de 1980 et le rapatriement de la Constitution de 1982 consacrent « le fédéralisme à perpétuité », Lévesque répond :

Il faut quand même noter qu'on n'est pas dans un goulag! On n'est pas dans un contexte - je me rappelle le temps du FLQ, ce délire de l'action - qui appelle ce genre de comportement. Dieu sait si, quant à moi du moins, le fédéralisme canadien est un système de broche à foin qui trop souvent gêne notre développement. Mais par ailleurs, c'est quand même un système où les gens ont la liberté de respirer, de dire ce qu'ils ont à dire y compris celle de prétendre à un autre régime à l'intérieur même du régime actuel, comme on l'a fait, nous. [Mes caractères gras].

Aujourd’hui, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’indépendance du Québec, le gouvernement fédéral en profite pour nous passer la camisole de force.

Le « Beau risque », c’était donc ça ?

Quand cesserons-nous de consentir systématiquement à être les dindons de la farce ?


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