L'opinion de Bernard Landry

Le budget : historique et dramatique

Après dix ans d’équilibre budgétaire, le gouvernement du Québec renoue avec la longue tradition de déficit qu’il a maintenue pendant près d’un demi-siècle.

L'opinion de Bernard Landry


Après dix ans d’équilibre budgétaire, le gouvernement du Québec renoue avec la longue tradition de déficit qu’il a maintenue pendant près d’un demi-siècle. Celui d’Ottawa qui gère l’autre moitié de nos impôts a suivi à peu près le même parcours, et même en pire, sauf à la fin où il a commencé à rembourser sa dette avec les surplus réalisés sur le dos des provinces.
Nous sommes donc lourdement endettés de même que nos descendants le seront. Ce n’est déjà pas réjouissant de payer des intérêts annuels aussi importants que le budget vital de l’éducation. En plus, les taux actuels sont historiquement bas. S’ils revenaient à des niveaux comme ceux d’il n’y a pas si longtemps, ce qui est probable, les dégâts sont faciles à imaginer. C’est l’aspect tragique de la dette pour maintenant, et surtout, pour l’avenir.
Malgré cela, presque tout le monde est d’accord pour dire qu’en raison de la crise actuelle, le retour au déficit était inévitable. C’est une méthode classique que tous les États utilisent pour stimuler la croissance et favoriser le retour à l’équilibre le plus tôt possible. Revenir à l’endettement est quand même préoccupant.
Les circonstances politiques de ce retournement ne sont pas un signe de santé démocratique. La population aurait dû être prévenue honnêtement de ce qui se préparait. Le Premier ministre et sa ministre des finances, pour des raisons purement électoralistes, ne nous ont pas dit la vérité. On ne peut pas combattre avec crédibilité une crise grave, quand on fait tout pour la dissimuler. Il y a quelques mois à peine, durant la campagne électorale, on nous répétait qu’il n’y aurait pas de déficit. La thèse de la ministre, qu’on ne pouvait pas le prévoir, est une désolante tentative de camouflage. Le monde entier connaissait la détresse de toutes les économies de la planète. Les emplois disparaissaient massivement depuis des mois, les profits des entreprises fondaient, ces deux facteurs affectant automatiquement les revenus de l’État.
Les Etats-Unis, qui achètent 85% de nos ventes à l’étranger, ce qui représente la moitié de tout ce que l’on produit, vivaient déjà, et vivent toujours une crise sans précédent. Notre ministre des finances ne pouvait pas ne pas voir venir le coup à la fin de 2008. Comme on sait qu’elle a à son service une excellente équipe de prévisionnistes, ou bien elle n’a pas lu leurs prévisions, ou bien elle nous les a cachées, ce qui n’est rassurant en aucun cas. Autre incongruité, le retour du 1% sur la taxe de vente, alors que l’on n’aurait jamais dû le laisser aller. Depuis des années, tous nos gouvernements, libéraux compris, ont affirmé que pour régler le déséquilibre fiscal, Ottawa devait se retirer de certains champs de taxations pour que le Québec le remplace. Le fédéral a reculé et Québec n’a pas pris la place, cela met à mal notre crédibilité, mais aussi nos finances publiques. Sans que le contribuable n’ait à payer plus, si ce n’était de ce geste insensé, le Québec aurait déjà récolté quelques milliards de plus, et le déficit de cette année serait beaucoup moins important.
Personne n’aime les taxes, mais tout le monde apprécie les services. Selon un ouvrage récent et très bien documenté, le Québec est le « paradis des familles », ce qui est réjouissant au point que notre démographie paresseuse a déjà repris un peu de dynamisme. Pour réaliser cela, il faut des ressources et avoir le courage de les percevoir.
À moins que les années à venir ne soient dominées par la franchise et le courage, de grands malheurs sociaux-économiques nous attendent. Je n’ai jamais manqué d’optimisme quant au destin de notre nation, mais nous devrons gérer fermement les problèmes actuels et à venir. Si nous avons pu faire une révolution profonde et véritable, quoique tranquille, nous sommes sûrement capables, deux générations plus tard, de mener à bien celle qui est maintenant requise. Mais il ne faut pas se dissimuler l’ampleur de la tâche et des efforts requis.
C’est encore l’éducation qui nous sauvera, avec la science, la technologie, les investissements judicieux et tous les facteurs menant à la haute valeur ajoutée. C’est ainsi que nous pourrons générer les ressources requises pour faire face aux défis qui nous attendent. Nos devanciers ont dû faire preuve de beaucoup de courage et d’intelligence pour mener notre aventure nationale au niveau où elle est arrivée. Ne pensons pas qu’il en faudra moins pour le maintenir et l’accroître.


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