Le Brexit éternel ou l’Etat-eunuque : le mal du siècle

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Les élites ne veulent plus de la souveraineté nationale : elles sont presque toutes mondialistes

La Grande-Bretagne n’en finit pas de voter son Brexit. De rejeter toutes les solutions, de vouloir sans pouvoir. Elle est devenue impuissante à mettre en oeuvre une décision prise. C’est l’Etat-eunuque, qui ne pourra reprendre en main son cours politique, qu’en se donnant les moyens de sa puissance. Mais ce constat ne concerne pas que la Grande-Bretagne, il s’applique à la plupart des Etats aujourd’hui, dépossédés de leurs instruments de gouvernance.



En juin 2016, la Grande-Bretagne provoque une stupeur internationale et, par référendum, décide du Brexit. Comment peut-on avoir envie de sortir de l’UE ? C’est insensé, toutes les plaies de la Terre sont attendues sur les plaines d’Angleterre, le monstre du Loch Ness va détruire la City, les capitaux doivent fuir vers les heureuses contrées de l’UE, l’économie doit s’effondrer et le pays aussi. C’est la seule solution pour que l’UE survive au Brexit, qui s’il se passe bien, pourrait donner des idées : il y a donc une vie en dehors et après l’UE ?



Malgré des pressions sans précédent, aucun nouveau référendum devant apporter les "bons" résultats, c’est-à-dire contre le Brexit, n’a été organisé et la date fatidique a été fixée au 29 mars 2019. Ce jour tant attendu et redouté approche et rien n’a été obtenu. Car les difficultés d’envisager la mise en oeuvre de cette décision secouent les élites politiques britanniques, qui comme partout ailleurs aujourd’hui, semblent paniquer face à la perspective d’un retour à la souveraineté, quand d’autres estiment que la rupture avec l’UE doit être plus franche, sans union douanière à perpétuité, vidant le Brexit de sa substance.



C’est l’impasse, tous les votes sont négatifs. Le 15 janvier, les députés repoussent une première fois le texte de l’accord de sortie de l’UE par 432 voix contre 202. T. May ; qui encaisse cette défaite politique avec difficulté, met le doigt sur la difficulté centrale de la situation : le peuple a tranché, il faut respecter sa volonté. Mais les élites ont du mal ... Elle déclare :








 

« Nous avons le devoir de respecter » le résultat du référendum sur l’UE du 23 juin 2016, avait-elle déclaré dans une Chambre des communes pleine à craquer, mettant en garde : «  Un vote contre cet accord n’est qu’un vote pour l’incertitude, la division et la menace très réelle de ne pas conclure d’accord. »




Les négociations avec l’UE reprennent tant bien que mal. Un second vote au Parlement a lieu le 12 mars et là aussi les députés britanniques votent massivement contre, à 391 voix contre 242. Cette fois-ci, les élites politiques ont peur d’un backstop irlandais, qui coincerait la Grande-Bretagne dans une union douanière avec l’UE à perpétuité. Pourtant, T. May avait déclaré :









 

« Un instrument conjoint avec un poids juridique comparable à l’accord de retrait [sur le Brexit] va garantir que l’Union européenne ne peut pas agir avec l’intention de mettre en œuvre le backstop indéfiniment » en ce qui concerne le statut de l’Irlande du Nord, a assuré la première ministre britannique.




L’accord ayant été par deux fois recalé, il reste trois solutions. La première consiste en un Brexit dur, sans accord, puisqu’aucun acсord n’a été acceptable pour les deux parties. Cette solution, qui nécessite une volonté politique infaillible, dont les Etats aujourd’hui sont incapables, a été rejetée par les députés le 13 mars par 321 contre 278. La seconde et la troisième solution, qui entérinent la crise politique, furent envisagées en même temps par les députés le 14 mars. D’une part, ils ont rejeté l’idée d’un nouveau référendum, l’amendement H, qui avait été déposé par un Groupe indépendant et proposait un report du Brexit, afin d’organiser une nouvelle consultation populaire. Autrement dit, étant dans l’incapacité de mettre en oeuvre la décision qui a été prise en 2016, on reprend tout le processus au départ, en espérant que le résultat sera différent après deux années de propagande intensive anti-Brexit et qu’il ne sera plus alors nécessaire de prendre une décision. Il s’agit bien d’un constat d’échec systémique, échec d’un système politique à réaliser les décisions qui vont à l’encontre de l’idéologie globaliste et antiétatique dominante. D’autre part, ils ont voté pour un report de la date fatidique du Brexit afin de reprendre les négociations avec l’UE, si tous les pays de l’UE donnent leur accord, ce qui devrait être le cas, l’UE n’ayant absolument pas intérêt à ce que la Grande-Bretagne sorte et donne ainsi l’exemple. Ainsi, si un accord est trouvé avant le 29 mars, le Brexit est repoussé au 30 juin, dans le cas contraire il devra être repoussé ultérieurement.



Nous sommes finalement dans une situation d’incertitude grandissante. La volonté des députés n’est pas claire, les gouvernants sont incapables d’assumer et de faire appliquer leurs décisions politiques, puisqu’ils n’arrivent pas à les formuler clairement. C’est une forme d’impuissance grave. Que l’on retrouve dans d’autres Etats, dès que les intérêts de la bulle idéologique gouvernante sont en dangers. C’est une sorte de ni-ni constant. Ni Brexit dur, ni Brexit négocié. Ni nouveau référendum, ni mise en oeuvre des résultats du référendum précédent. Car le vote n’est accepté que pour confirmer, non pour décider. Décidément, 2016 a fait "buguer" les systèmes politiques.


L’élection de Trump a produit le même effet, la classe politique américaine n’arrive toujours pas à avancer, ils sont toujours arrêtés à des "manipulations", des "affaires", comme s’il était impossible de remettre en cause l’idéologie dominante. Notre époque est devenue celle des Etats-eunuques.



Karine Bechet-Golovko 

vendredi 15 mars 2019