Le bon racisme

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« Maintenant, sommes-nous trop blancs pour avoir le droit de nous émanciper, nous aussi? »


S’il y a une chose que toute cette histoire de dreads aura brillamment mise en perspective cette semaine, c’est l’existence de plus en plus décomplexée d’un bon racisme. D’un racisme acceptable, vertueux, réparateur et même sécuritaire.  


Nuançons d’entrée de jeu concernant le racisme à l’encontre des peuples afro-descendants : il ne s’agit pas de nier son existence en terres québécoises. C’est seulement que je ne démords pas du fait que n’avons rien à gagner à nous prétendre immaculés ou à nous déclarer unilatéralement coupables, à part une lecture erronée et injuste de nous et des choses.  


Je remarque cependant que ce qui est en train de doucement s’institutionnaliser, de devenir normal et acceptable, c’est le racisme anti-blanc.  


Le Québec a sa propre histoire et toute son ironie se trouve dans le fait que, malgré la blancheur traditionnelle de nos mines, les Québécois francophones constituent depuis toujours le peuple racisé, discriminé et brutalisé au sein du Canada anglais.  


Maintenant, sommes-nous trop blancs pour avoir le droit de nous émanciper, nous aussi?  


Nous ne sommes pas au pays des plantations et de la canne à sucre. Oui, il y a eu de l’esclavage au Québec, mais pas dans cette forme typiquement américaine que l’on cherche à forcer sur nos esprits. Ce ne sont pas les Européens qui l’ont amené ici, même s’ils l’ont pratiqué jusqu’à son abolition en 1833. Il existait déjà avant l’arrivée des colons. Mon point est que l’esclavage n’est pas qu’une histoire de Blancs.  


Et que le Québec, ce n’est pas Twelve years a slave.  


Ce n’est pas aux fils et aux filles de la modernité de payer pour les crimes du passé, surtout s'ils ont été commis ailleurs. Notre devoir est de voir à ce qu’ils ne se commettent pas à nouveau, peu importe sur qui. Il est là le vrai progrès.  


Vous savez, il ne s’agit pas de dire que nous avons souffert plus que vous, mais bien que nous avons souffert aussi, sinon tout autant dans nos contextes respectifs, car tout asservissement ne se fait pas que dans les champs de coton, mais aussi par la voie de mille et une violences, manipulation et manigances.  


Nous avons tout ce qu’il faut pour nous comprendre dans notre désir tellement mutuel de se défaire de l’oppression d’un tiers. C’est à travers le partage des cultures que l’on peut se rejoindre. Que l’on peut se reconnaître en l’autre et reconnaître l’autre en soi. Pour que cela se puisse, je crois qu’il faut d’abord s’admettre que, tout ce temps, nous avons pâti aux mains d’une même domination étrangère.  


Sauf que maintenant, je vous pose la question : si vous refusez de considérer notre histoire et toutes nos particularités dans votre croisade pour éradiquer le racisme, expliquez-nous pourquoi nous serions tenus de faire des pieds et des mains pour considérer les vôtres? En quoi est-ce moins raciste d’un bord plus que de l’autre?  


Pourquoi ferions-nous table rase de tout ce que nous sommes en réparation des fautes que nous n’avons pas commises?  


En ne nous voyant que comme des Blancs, vous ne réfléchissez pas mieux que ceux qui ne vous ont toujours vu que comme des Noirs. C’est nier toute la complexité de nos histoires et de nos parcours, de part et d'autre. Vous portez en vous toutes les injustices et les frustrations qu’une telle étroitesse d’esprit vous a causées, alors maintenant pourquoi faire preuve de la même à notre égard? À mon sens, il n’y a pas de logique dans une telle façon de faire, à moins d’être engagé dans une dynamique de vengeance.  


Ce n’est en aucun cas plus acceptable et il me semble que c’est un impensable affront à la mémoire de vos ancêtres qui ont consenti à d’immenses sacrifices pour faire progresser l’idée que la valeur et la légitimité d’un individu ne se quantifient et ne se déterminent pas avec la couleur de sa peau.  


Historiquement, chaque fois que des petits groupes d’individus crinqués ont réussi à mettre le feu aux poudres des idéologies, ce sont de grandes violences et de terribles catastrophes sociales qui s’en sont toujours suivi.  


Je nous regarde là, et je sais qu’on est capable de faire mieux. Je sens qu'on est capable de se calmer les nerfs avec les accusations, de réfléchir comme du monde et d’arrêter de se laisser conter autant de bêtises, avant de se prendre à nouveau la manche dans le même maudit engrenage.