Langue de travail – Québec doit serrer la vis

Le Conseil supérieur de la langue française recommande que les entreprises de 25 à 49 employés soient soumises à la francisation obligatoire

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L'État doit protéger le droit de travailler en français

Le Conseil supérieur de la langue française recommande d’assujettir les entreprises qui emploient de 25 à 49 personnes à une démarche de francisation obligatoire, comme proposé dans le projet de loi du gouvernement Marois pour renforcer la loi 101.
Dans un nouvel avis visant à « redynamiser la politique linguistique du Québec », le Conseil supérieur de la langue française se dit « préoccupé » par la perte de vitesse du français comme langue de travail au Québec et, plus particulièrement, dans la région de Montréal. C’est même la « principale préoccupation » du président, Robert Vézina, qui présentait ses recommandations mercredi matin.
« La tendance des dernières années ne va pas dans le sens de l’objectif recherché, qui est de faire du français la langue normale et habituelle du travail de l’ensemble des Québécois », a-t-il expliqué en conférence de presse.
« Il est clair que le marché du travail a évolué au cours des dernières décennies et que la connaissance d’une autre langue que le français - généralement l’anglais - est devenue une exigence incontournable pour un grand nombre de postes dans plusieurs secteurs d’activité. Cependant, le CSLF est d’avis que le bilinguisme ne peut ni ne doit devenir une exigence systématique dans le monde du travail. »
Selon Robert Vézina, il y a chez certains employeurs d’entreprises de moins de 50 employés une « ignorance » des droits fondamentaux garantis par la Charte à leurs employés, dont celui de travailler en français. « Il y a un manque de sensibilisation, un manque de connaissance vis-à-vis de cette réalité. »
Pour renverser la tendance, les entreprises de 25 à 49 employés, qui représentent souvent la « porte d’entrée du marché du travail pour un grand nombre d’immigrants », devraient donc être soumises aux mêmes exigences de francisation, estime le Conseil.
Mais celles-ci devraient être appliquées « selon une formule allégée et souple, précise Robert Vézina. Il ne faut pas seulement voir l’aspect coercitif. […] Nous sommes conscients que [les entreprises de moins de 50 employés] ont des moyens, dans certains cas, relativement limités comparativement aux entreprises plus grandes, mais on croit qu’il y a moyen quand même de faire quelque chose de constructif. »
Au total, ce sont 27 recommandations que le Conseil supérieur de la langue française présente à la ministre responsable de la Charte de la langue française, Diane De Courcy. Certaines d’entre elles avaient déjà fait l’objet d’avis au cours des dernières années, comme le rehaussement des compétences linguistiques en langue française dans les établissements d’enseignement collégial de langue anglaise.
Mais le Conseil a cru bon de réitérer sa demande, dans un contexte où le gouvernement s’apprête à étudier le projet de loi 14 qui modifiera la Charte de la langue française. « En 2011, le Conseil avait produit un avis sur la langue d’enseignement au collégial, rappelle le président du CSLF. En 2013, nous considérons que cet avis est toujours adéquat et nous maintenons cette recommandation. »
Le Conseil n’a cependant formulé aucune recommandation sur l’idée d’octroyer des diplômes d’études collégiales sur une base conditionnelle à une certaine maîtrise du français. « C’est une idée qui devrait être envisagée, a répondu le président du Conseil en conférence de presse. Le Conseil n’a pas voulu aller jusque-là dans sa recommandation, mais bien entendu, ça peut faire partie des dimensions à prendre en considération. »

Compétences fédérales
Le Conseil recommande également au gouvernement du Québec qu’il « entreprenne des démarches auprès du gouvernement fédéral pour faire en sorte que les entreprises de compétence fédérale qui ont des activités au Québec soient amenées, eu égard à leur contexte particulier, à respecter des obligations linguistiques de nature semblable à celles des institutions et des entreprises de compétence provinciale. »
Il ne s’agit pas, selon Robert Vézina, d’assujettir les ministères fédéraux à la loi 101, mais plutôt de sortir les travailleurs québécois oeuvrant dans des domaines de compétence fédérale du flou juridique.
« Il n’y a aucune obligation légale à cet égard, ce qui fait en sorte qu’un certain nombre de travailleurs au Québec qui travaillent dans des entreprises de compétence fédérale sont dans un vide juridique lorsqu’il s’agit de leur droit de travailler en français. […] Nous voulons rappeler au gouvernement que ces travailleurs-là existent et qu’ils ont des droits linguistiques à faire respecter. »
Projet de loi 14
Plusieurs des recommandations du Conseil s’inscrivent dans la lignée du projet de loi 14 présenté par la ministre Diane De Courcy en décembre dernier. « C’est tout à fait dans le même sens que ce que nous avons mis de l’avant dans notre avis », reconnaît Robert Vézina, qui va jusqu’à parler de « convergence frappante » sur la question de la francisation des petites entreprises.
Mais ce dernier précise que l’avis présenté par le Conseil supérieur de la langue française « ne constitue pas une réponse au projet de loi 14 », rappelant que son mandat se limite à donner un avis au gouvernement basé sur une analyse des données disponibles. Ce qui ne l’empêche pas de se montrer très favorable à l’idée de moderniser la loi 101.
« Trente-cinq ans après l’adoption de la Charte, il est important de souligner les progrès que la politique linguistique a permis d’accomplir. Toutefois, le chantier n’est pas terminé. Le moment est sans doute venu de l’adapter aux nouvelles réalités du Québec d’aujourd’hui. »


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