Saint-Hubert pas chez nous

La trahison des parvenus

Chroniques d'Andrée Ferretti

Mon père, Sylvio Bertrand, était un petit entrepreneur en ferblanterie qui avait son atelier à l'angle des rues Saint-Hubert et Villeray. Le fondateur, un dénommé Léger, du premier restaurant, rue Saint-Hubert, entre Saint-Zotique et Beaubien lui avait donné le contrat d'installation des épurateurs d'air et d'odeur au dessus des broches à rôtir.

Le soir de l'ouverture du restaurant, ce monsieur Léger avait invité tous les entrepreneurs et ouvriers qui avaient oeuvré à la construction du restaurant à prendre place à ses tables pour un repas gratuit. C'était en septembre 1951. J'avais seize ans. C'était la première fois que ma famille et moi mangions dans un restaurant.

J'ai oublié le repas mais je me souviens du moment comme s'il datait d'hier. Je vivais avec autant d'émerveillement que d'angoisse un événement important qui n'avait rien de familial mais qui était entièrement familial.

L'ambiance était canadienne-française, dans ce qu'elle a eu d'unique pendant au moins deux siècles, le mélange sans heurt des classes sociales.

Je pleure aujourd'hui, pour dire vrai, je blâme la décision des propriétaires de l'entreprise de la céder à des intérêts étrangers pour de l'argent dont ils n'ont pas besoin pour vivre. C'est à mes yeux une trahison.

Une trahison commune à tous nos parvenus.
Une trahison naturelle aux fils et filles d'un peuple aliéné.

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Andrée Ferretti124 articles

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"Rien de plus farouche en moi que le désir du pays perdu, rien de plus déterminé que ma vocation à le reconquérir. "

Andrée Ferretti née Bertrand (Montréal, 1935 - ) est une femme politique et
une écrivaine québécoise. Née à Montréal dans une famille modeste, elle fut
l'une des premières femmes à adhérer au mouvement souverainiste québécois
en 1958.Vice-présidente du Rassemblement pour l'indépendance nationale, elle
représente la tendance la plus radicale du parti, privilégiant l'agitation sociale
au-dessus de la voie électorale. Démissionnaire du parti suite à une crise
interne, elle fonde le Front de libération populaire (FLP) en mars 1968.Pendant
les années 1970, elle publie plusieurs textes en faveur de l'indépendance dans
Le Devoir et Parti pris tout en poursuivant des études philosophiques. En 1979,
la Société Saint-Jean-Baptiste la désigne patriote de l'année.
Avec Gaston Miron, elle a notamment a écrit un recueil de textes sur
l'indépendance. Elle a aussi publié plusieurs romans chez VLB éditeur et la
maison d'édition Typo.





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4 commentaires

  • Serge Jean Répondre

    1 avril 2016

    «Une trahison commune à tous nos parvenus.
    Une trahison naturelle aux fils et filles d’un peuple aliéné.»
    Hélas, chère madame Andrée et disons que ça n,arrêtra plus dorénavant, les tentacules s,installent discrètement partout.
    J,ai adoré le récit de votre enfance, c,était beau et j,ai hâte de vous coller des belles étoiles en argent pur vous...disons deux pour aujourd,hui, pas trop il faut que je ménage, parce je crois que vous, le plus grand est à venir....
    Jean le téméraire sergent

  • Archives de Vigile Répondre

    1 avril 2016

    Absolument , bien d'accord avec vous , Monsieur Léger était imbu de lui même , condescendant, malhonnête et manipulateur ... Il part lui et ses actionnaires avec de l'argent , c'est tout l'objectif de sa manœuvre , c'est la place de son âme : L'argent .
    Il y a peine 3 semaines le dirigeant de Rona nous expliquait comment les emplois seraient protégés et nous apprenons aujourd’hui même que rien n'est inscrit au contrat .
    Quand allons-nous nous réveiller , nous tenir debout, boycotter ces entreprises?

  • Marcel Haché Répondre

    1 avril 2016

    Ce n'est pas la vente elle-même, c'est cette façon prétentieuse de Nous expliquer que Nous manquons d’ « opérateurs » du calibre de St Hubert, c'est cette façon de Nous mépriser qui donne la nausée.

  • François Ricard Répondre

    1 avril 2016

    Bien des gens ne connaissent pas l'importance d'un siège social.
    Le siège social décide des politiques qui seront suivies, des fournisseurs qui seront privilégiés, des politiques d'embauche. Ses décisions n'affectent pas seulement les employés de son complexe mais aussi les employés de tous ses fournisseurs de biens et de services. Et, éventuellement, toute la société dans laquelle l'entreprise évolue.
    La Caisse de dépôt avait comme vocation de protéger nos sièges sociaux. Charest et maintenant Couillard ont changé cette vocation. C'est un changement tellement important qu'il aurait dû faire l'objet d'un débat public avant d'être fait. Le PLQ est à démanteler le Québec. C'est triste quand on pense que c'est justement le PLQ-Lesage qui nous avait permis de mettre sur pied cet outil extraordinaire.
    Et trop souvent nos élus déplorent la perte de nos sièges sociaux mais ne prennent pas la peine de faire l'éducation du public sur leur importance.