La télévision belge annonce la vraie-fausse indépendance des Flamands

17. Actualité archives 2007


par Amélie Bottollier-Depois
AFP - Bruxelles
«La Flandre a proclamé son indépendance!», «le roi a quitté le pays!», «la Belgique n'existe plus!»: la chaîne publique de télévision belge RTBF a interrompu mercredi ses programmes pour un exercice de politique fiction qui a fait exploser son standard téléphonique et scandalisé les dirigeants belges.
«Ceci n'est peut-être pas une fiction»... Ce message de quelques secondes --à la façon du célèbre tableau du surréaliste belge René Magritte «Ceci n'est pas une pipe»-- a précédé à 20h15 le générique d'une édition spéciale du journal télévisé annonçant la sécession de la Flandre... Pas si surréaliste dans un pays où la partition entre Wallons et Flamands est désormais ouvertement évoqué.
Dès le début de l'émission qui voulait lancer un débat public sur la question, les réactions outrées de la classe politique ont commencé à pleuvoir.
«Dans le contexte actuel, il est irresponsable pour une chaîne publique de télévision de diffuser une telle émission dans laquelle on annonce la fin de la Belgique comme une réalité présentée par de vrais journalistes», a dénoncé le porte-parole du Premier ministre Guy Verhofstadt à l'agence Belga.
«C'est du très mauvais Orson Welles. C'est de mauvais goût», a-t-il encore ajouté.
En 1938, l'adaptation à la radio par Orson Welles du roman «la Guerre des mondes» de H.G. Wells avait provoqué la panique aux États-Unis, des dizaines de milliers d'Américains ayant vraiment cru à une invasion par les Martiens.
Diffusée mercredi à une heure de grande écoute, cette «Guerre des mondes» revisitée a semble-t-il elle aussi provoqué la stupeur, l'inquiétude, voire la panique de nombreux téléspectateurs.
Beaucoup ont visiblement été convaincus par les plateaux en direct, les reportages à chaud sur les trams bloqués à la nouvelle «frontière» et les réactions de véritables personnalités politiques belges se réjouissant ou dénonçant la proclamation unilatérale de cette indépendance par le parlement flamand.
Après la fin de cette politique fiction, la chaîne a enchaîné avec un débat et appelé les téléspectateurs à dire par SMS s'ils avaient cru au canular.
Selon le premier résultat annoncé, 5% n'y ont pas cru du tout, 89% y ont cru au début et 6% y ont cru jusqu'au bout, malgré l'affichage au bout d'environ 30 minutes d'une mention «ceci est une fiction» à la demande, a annoncé son cabinet, de la ministre de l'Audiovisuel de la Communauté francophone Fadila Laanan.
«Je trouve douteux l'utilisation d'un tel procédé qui a plongé les citoyens dans une crainte incroyable», a déclaré la ministre de tutelle de la RTBF, indiquant avoir reçu en début de soirée de nombreux appels et SMS «paniqués».
Le numéro d'appel donné par la RTBF dès le début de l'édition spéciale a été vite saturé, recevant plus de 2600 appels pendant les près de deux heures de fiction. Le site Internet de la chaîne était également inaccessible.
Même certains ambassadeurs à Bruxelles se sont laissés prendre au piège et ont envoyé des messages à leurs capitales, selon la présidente du sénat belge Anne-Marie Lizin.
«Nous nous excusons pour l'émotion de chacun», a déclaré en direct sur la chaîne l'administrateur général de la RTBF, Jean-Paul Philippot, précisant que l'événement avait demandé deux ans de travail.
Mais «cette émotion renvoie à un débat qui doit être au coeur de la cité et non pas dans les cercles d'intellectuels», s'est-il justifié.


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