NOUVELLES COMPRESSIONS À LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

La saignée

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Un instrument de développement culturel essentiel

Les médecins du Moyen-Âge avaient l’habitude de saigner leurs patients. Si ce n’était pas le meilleur moyen de sauver la vie du malade, ça avait au moins l’avantage de les empêcher de se plaindre du service par la suite. Déjà faibles, beaucoup en mouraient, et les plus chanceux bénissaient leurs chances.

Hubert Lacroix se comporte en médecin médiéval, en Sganarelle, mais sans l’humour. Comme un imposteur qu’on croyait dévoué aux intérêts de la télévision publique mais qui travaille à démolir irrémédiablement la SRC. Après son passage, jamais plus Radio-Canada ne sera la même. Affaiblie, émasculée, cette société d’État qui a tant contribué au développement de la culture québécoise est en voie — au rythme où vont les choses — de devenir la PBS canadienne.

La « restructuration » (euphémisme hypocrite, s’il en est un ! Allez dire à des centaines d’employés congédiés qu’ils ont été « restructurés » pour voir !) annoncée cette semaine amorce le démantèlement de la télévision publique souhaité depuis des années par le Reform Party.

Stephen Harper n’aime pas les journalistes, il s’en est toujours méfié. De fait, à part avec l’exécutif, le premier ministre n’aime pas partager le pouvoir. Ni avec le judiciaire, ni avec le législatif, ni avec le quatrième pouvoir. Qu’il s’attaque à Radio-Canada n’a rien de surprenant. Tout comme Shelley Glover, la ministre du Patrimoine, qui, en bonne tory, n’a pas l’intention de bouger le petit doigt pour aider le radiodiffuseur public. Bref, que le gouvernement fédéral soit l’ennemi objectif de l’information et de la culture ne surprend personne. Mais Hubert T. Lacroix ! ?

Parce que ce n’est pas le syndicat qui devrait être dans la rue à hurler son indignation, ce n’est pas les employés qui devraient être les plus découragés et les plus indignés, c’est le président. Celui-là même qui se cache derrière des écrans de télévision pour parler à son personnel. Celui-là même qui dit que rien n’est acquis pour les prochaines années, que tout dépend des crédits parlementaires. Celui qui devrait défendre Radio-Canada est un de ses fossoyeurs. Une véritable honte !

Le virage numérique est nécessaire et doit se faire sur une période raisonnable. Si les mandats de Radio-Canada se multiplient, les sommes nécessaires doivent suivre. On en demande plus à la SRC ? Eh bien, qu’on en donne plus. Ce n’est pas comme si Ottawa manquait d’argent. Un choix politique. Un choix idéologique.

L’absence d’indignation et de combativité du président en fait clairement un complice. Je ne demande pas sa démission, mais à sa place, incapable de défendre mon monde, je démissionnerais. Les principes ne doivent pas être négociables.

Les régions vont en pâtir, comme d’habitude, comme avec le FAPL, comme avec l’assurance-emploi. Déjà, il est question que le Téléjournal Est-du-Québec passe d’une heure à trente minutes dès 2015. Un impact considérable pour les régions du Québec, pour notre capacité à nous informer sur notre coin de pays, à débattre d’enjeux qui nous concernent, à développer le sentiment d’appartenance à nos régions. Néfaste. Je dirais inacceptable si ce mot n’avait été si galvaudé. Faut croire que le « ICI » de Radio-Canada ne s’adressait pas à nous…

Les régions vont en pâtir, l’information et la créativité aussi. On voudra des émissions qui ne coûtent pas cher, des séries à fortes cotes d’écoute, prudentes, pas trop d’audace. Grande Ourse ? Les Bougon ? Série noire ? Risqué.

Et ce sont les créateurs québécois qui vont en faire les frais.

Je suis indépendantiste. Je veux qu’à terme, le plus tôt possible, mon pays devienne un pays. Je veux une télévision publique québécoise de la stature de celle qu’avait Radio-Canada avant le bulldozer conservateur. Mais ce n’est pas une raison pour que j’accepte que des créateurs québécois, des journalistes québécois, des techniciens, des réalisateurs, des producteurs québécois, de toutes les régions du Québec, perdent leur emploi.

Je défendrai Radio-Cadenas, comme dirait Falardeau, et j’invite tous les Québécois, fédéralistes et indépendantistes, à le faire aussi. C’est notre culture et notre accès à l’information qui sont attaqués. Ne restons pas les bras croisés. Ne laissons pas Stephen Harper, Shelley Glover et Hubert Lacroix continuer leur saignée.


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