La richesse du vent

PQ - Conseil national - Québec 30 octobre 2006

Dans la vallée de la Matapédia, un petit village oublié par la richesse que produit la croissance a décidé de se prendre en main et de se doter d'une richesse communautaire. Les citoyens ont formé la coopérative «Les Vents de la Matapédia» et vont tenter de produire eux-mêmes leur électricité. C'est cet exemple d'initiative collective et imaginative qui aurait dû inspirer les débats qui se sont tenus au Conseil national du PQ consacré à l'environnement. Cet exemple devrait aussi inspirer notre réflexion sur la propriété du vent et l'industrie qu'il génère.
En se concentrant sur l'opposition entre André Boisclair et la gauche militante du PQ, on est passé à côté d'un débat beaucoup plus fondamental: celui de la richesse collective et de la création de cette richesse. On a amplement «chroniqué» sur les jeux de pouvoir, la rebuffade du chef, sa réplique vigoureuse, la prédominance de la gauche syndicaliste. On a beaucoup dit sur les «sparages» mais bien peu sur le fond.
La gauche du PQ avait raison de soulever le problème de la propriété du vent et de l'industrie et de mettre en avant le principe de la propriété et du développement collectifs. Mais en utilisant le fantôme de René Lévesque et la solution doctrinaire de la nationalisation, elle faisait dériver le débat sur les modalités et permettait à André Boisclair d'utiliser l'épouvantail de l'expropriation.
L'industrie éolienne, industrie naissante au Québec, ne pose aujourd'hui aucun des problèmes que voulait résoudre René Lévesque en expropriant les entreprises privées d'électricité en 1962: tarifs inégaux et injustes en région, grille inefficace, profits indus, propriété étrangère, discrimination linguistique dans l'emploi des cadres, etc. Exproprier deux entreprises à qui Hydro-Québec a déjà concédé des concessions tient du dogmatisme et du manque d'imagination. Oublions ces erreurs passées et pensons au développement collectif de cette nouvelle richesse.
Comment l'État peut-il créer le cadre d'un développement durable de cette nouvelle source d'énergie en ayant comme premier souci le bien commun et la juste répartition de cette richesse collective? Voilà le débat qu'il faut tenir.
La gauche du PQ a entièrement raison quand elle pose comme principe que l'entreprise privée n'a aucune place dans le développement de cette énergie, n'en déplaise aux capitalistes orthodoxes que sont André Boisclair et François Legault. Donner le vent à l'entreprise privée, c'est donner une richesse assurée à des investisseurs déjà riches. Cela s'appelle un cadeau. Le recours au privé ne se justifie que lorsqu'il y a prise de risque, recherche et développement d'un produit, incertitude quant à la rentabilité et au marché et concurrence qui en théorie assure que l'offre et la demande produiront des prix justes et équitables. Aucune de ces conditions n'existe dans l'industrie éolienne. Les investisseurs n'ont pas développé la technologie. Celle-ci est déjà éprouvée. Le risque économique de l'investisseur est absolument nul parce que Hydro-Québecc leur garantit pour quinze ou vingt-cinq ans la quantité d'électricité achetée ainsi que le prix. Les investisseurs ne font même pas de prospection car il existe une cartographie des sites productifs sur le site d'Hydro-Québec. Risque nul, profitabilité assurée. En fait, en permettant au privé de développer l'éolien, André Boisclair veut concéder à des monopoles locaux privés des profits qui pourraient revenir au monopole public ou aux collectivités locales.
Dans l'allocation de la richesse éolienne, le gouvernement devrait décréter un cadre qui ne recourrait au privé qu'en dernier ressort.
Depuis des décennies on peine de colloques en sommets et de sommets en concertations sur le développement des régions excentriques. Tous les gouvernements en ont fait une priorité théorique mais, faute de sources de financement adéquates, le discours demeure lettre morte. Or c'est précisément dans ces régions profondément affectées par la dépopulation, les délocalisations, la crise des pêches et celle de la forêt qu'on retrouve les «gisements» éoliens les plus prometteurs. On a vu par le passé quelques communautés locales vouloir se lancer dans l'exploitation de petits barrages hydroélectriques. Pourquoi ne pas appliquer cette approche à cette industrie qui naît?
On me rétorquera qu'il ne sera pas facile de résoudre le problème du financement des sites éoliens par des communautés locales ou des regroupements coopératifs. Je ne suis pas un spécialiste, mais je suis suffisamment l'actualité économique pour savoir qu'on accorde des subventions et des garanties de prêt de plusieurs centaines de millions de dollars quand Bombardier veut développer un nouvel avion. La SGF investit dans des projets qu'elle estime justes et raisonnables sur le plan économique. On peut aussi imaginer des dégrèvements fiscaux comme ceux apportés au Fonds de solidarité et à Fonds d'action. Tout cela n'est que détails techniques. Ce qu'il faut poser comme principe, c'est que le développement de l'éolien est en priorité réservé et proposé aux collectivités locales en association avec Hydro-Québec. Si celles-ci, faute de consensus ou de financement adéquat, ne peuvent pas développer un site que le gouvernement juge souhaitable, ce sera à notre compagnie nationale d'électricité de le faire pour que l'ensemble de la population retire une part de la richesse. Et c'est seulement après que ces deux options auraient été écartées qu'on pourrait recourir à l'entreprise privée.
Les gouvernements ne cessent de se plaindre de leur pauvreté et des ressources limitées sur lesquelles ils peuvent tabler. En s'attaquant à créer de la richesse collective, on parviendrait sûrement à une plus grande équité que celle qu'on obtient en subventionnant la richesse privée.
Collaborateur du Devoir


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