Crise libyenne

La poire en deux

Géopolitique — Afrique du Nord



Les négociations furent laborieuses, les échanges parfois vifs, mais au final, tout un chacun a convenu qu'il fallait transmettre à l'OTAN la gestion des opérations militaires en Libye. La gestion politique? Un groupe de contact a été créé aux dépens du Conseil de l'Atlantique Nord, qui est le bras en cette matière de l'OTAN. Bref, c'est l'OTAN, mais à demi.
Depuis le début de cette affaire, Nicolas Sarkozy a toujours freiné des quatre fers à l'évocation de l'OTAN. Il craignait, non sans raison d'ailleurs, qu'une offensive menée à l'aune de l'alliance Atlantique soit perçue par le monde arabe comme une autre opération coloniale. Entre autres arguments, il y avait celui-ci: la position ambiguë de la Turquie. La position d'un pays considéré par les insurgés de bien des pays comme un modèle politique, mais qui en cette affaire a dépensé bien des énergies à ménager la chèvre et le chou.
D'autres chefs d'État, on pense surtout à Angela Merkel, ont refusé de s'impliquer pour des raisons qui découlent d'un sinistre calcul électoral à court terme et qui peinent à cacher une indifférence certaine pour l'urgence humanitaire que commandaient les faits et gestes de Kadhafi en direction de Benghazi. D'autres, et là on pense à Silvio Berlusconi, ont jonglé avec le peut-être oui, peut-être non, au point d'agacer pratiquement toute la galerie, l'Italie étant, faut-il le rappeler, le pays le plus proche des côtes libyennes.
Ensuite, au sein des membres de la coalition, la pomme de discorde s'est ouverte. Le premier ministre britannique, David Cameron, le plus en pointe avec Sarkozy sur ce front, ainsi que Barack Obama ont milité avec fermeté pour le transfert des responsabilités à l'OTAN. Ils ont obtenu gain de cause. Plus exactement, ils ont gagné cette manche et le duo Sarkozy-Alain Juppé, le nouveau ministre des Affaires étrangères, a remporté l'autre. Bref, les uns et les autres ont sauvé la face.
D'ici quelques jours, l'OTAN va hériter de la direction militaire qui aura un profil grandement différent: la Turquie va pleinement participer. Ce changement de posture fut particulièrement difficile. Il aura fallu l'organisation à la dernière minute d'une discussion entre les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, d'un côté, et de la Turquie de l'autre, pour qu'à la fin cette dernière accepte d'envoyer un contingent naval assez imposant en nombre pour ne pas être réduite au statut de figurant.
Sur le plan politique, le bras de l'OTAN en la matière a été écarté. La France acceptait de refiler la technique militaire à l'Alliance à condition que tout ce qui relève du politique soit alloué à un groupe de contact regroupant les participants à l'offensive contre Kadhafi, la Ligue arabe, l'Union africaine et les pays qui souhaitent s'engager. Pour Juppé, il était impérieux de «bien marquer que le pilotage politique, ce n'est pas l'OTAN, c'est ce groupe de contact».
C'est à noter, le groupe en question sera en relation avec le Conseil transitoire rassemblant les figures de proue de l'insurrection libyenne, reconnu comme interlocuteur officiel par la France, qui d'ailleurs entend militer pour que d'autres gouvernements en fassent autant. Toujours est-il que tout ce qui va relever de la planification des sanctions, de l'embargo, notamment sur le pétrole libyen, du gel des avoirs et autres sera décidé par le groupe de contact. Manière d'illustrer une fois de plus cette maxime bien connue de George Clémenceau: «La guerre est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux militaires.»


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->