Après deux semaines de tergiversations et une volte-face de poids, celle des États-Unis, le duo franco-britannique a obtenu ce qu'il convoitait: une résolution de l'ONU prévoyant le recours à la force contre Mouammar Kadhafi. Aussitôt ce dernier a décrété un arrêt des opérations militaires. Le problème? La confiance à son endroit a l'épaisseur du papier à cigarettes.
Au nom du principe de «responsabilité de protéger» et non plus du droit d'ingérence, le Conseil de sécurité a adopté une résolution musclée. Outre l'interdiction, très commentée ces derniers jours, de tous les vols aériens, le texte portant l'empreinte de l'ONU prévoit un embargo, un gel des avoirs et l'envoi de
Kadhafi, si jamais on lui met le grappin dessus, devant la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité. Quoi d'autre? Les avocats de cette résolution ont pris un soin méticuleux à souligner que la démarche a été faite pour répondre à la requête des insurgés, que la Ligue arabe avait cautionnée. Enfin, qu'il n'est pas question d'intervention terrestre.
Sur le plan militaire, les forces en présence seront à l'image des ardents militants de l'ordonnance onusienne. En clair, les Britanniques et les Français seront en première ligne, les Américains, quelque peu en arrière, car, avec les deux guerres contre autant de nations arabes au cours des dernières années, ils ont tenu à rester en retrait. À ce trio, des soldats du Qatar, de l'Italie et d'autres nations vont s'ajouter. La
Turquie, que bien des insurgés, de la Tunisie à l'Égypte, prennent pour modèle d'organisation politique, a décidé de se mettre hors jeu.
Elle n'a pas été la seule. Tous les ténors du monde émergent, le Brésil, l'Inde, la Chine et la Russie, ces deux dernières étant membres permanents du Conseil de sécurité, ont opté pour l'abstention. Il y en a eu une cinquième, et de taille. L'Allemagne d'Angela Merkel. Depuis le début, depuis que Nicolas Sarkozy s'est fait le militant ardent d'une intervention afin de stopper le massacre d'insurgés par des forces rassemblant un bon contingent de mercenaires, la chancelière allemande a martelé son opposition. À l'urgence humanitaire, Merkel a donné sa préférence à un calcul électoral: dans une semaine, trois scrutins sont au rendez-vous. Et comme la majorité des Allemands sont contre le rappel des troupes...
Ce repli sur le quant-à-soi a ceci de riche en enseignement qu'il confirme la mise en berne de la diplomatie européenne. D'une politique étrangère commune. Désolant! Toujours est-il que l'attitude de Merkel confirme autre chose: entre l'attitude adoptée lors de la crise grecque, le manque de solidarité à l'égard de l'Irlande, du Portugal et l'indifférence non feinte pour le drame des insurgés, de ces Libyens qui rêvent de liberté, de démocratie, de respect des droits de la personne, l'Allemagne affiche une inclination de plus en plus prononcée pour l'intérêt strictement national.
Faut-il le rappeler: l'offensive brutale, sanglante, de Kadhafi se double d'une crise humanitaire que les images de guerre ont quelque peu occultée. Au cours de la dernière semaine, pas moins de 280 000 Libyens ont fui leur pays. La moitié d'entre eux ont traversé la frontière tunisienne, où ils ont été bien accueillis, les autres ont traversé la frontière égyptienne, où on les reçoit... mal! Espérons que la responsabilité de protéger s'étendra à eux.
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