Que sont mes amis devenus / Que j'avais de si près tenus / Et tant aimés ?
Je crois qu'ils sont trop clairsemés / Ils ne furent pas bien soignés / Ils sont partis.
N'en vis un seul en ma maison / Je crois que le vent les m'a ôtés / L'amour est morte
De tout temps, les peuples dominants se sont octroyés le pouvoir de détruire les peuples qu'ils supposaient inférieurs pour prendre leur place et leurs richesses. Ainsi de nombreuses ethnies ont disparu après s'être réfugiées dans des endroits de plus en plus reculés.
De nombreux ethnocides et génocides ont ainsi été commis à travers l'histoire et à travers le monde : massacre des précolombiens par les espagnols en Amérique centrale et latine, extermination des Amérindiens en Amérique du Nord pendant la ruée vers l'or, élimination de plus de 85 % des aborigènes en Australie par les britanniques, etc .
Le premier grand génocide a probablement eu lieu pendant la préhistoire, il y a 40 000 ans, quand Homo Sapiens, notre prétendu ancêtre venu d'Afrique, est arrivé sur le continent européen où résidait l'homme de Neandertal depuis plus de 300 000 ans. Les Néandertaliens ont disparu très rapidement, poussés à l'exode dans des régions très inhospitalières.
De nos jours, les ethnocides et les génocides sont beaucoup plus insidieux. Le sujet est devenu extrêmement glissant et le dérapage des mots doit être contrôlé car les vautours de la censure guettent inlassablement pour protéger une version de l'histoire construite sur mesure par les grands décideurs de la planète. Même le législateur essaye de faire taire la vérité tellement elle est embarrassante. Le problème vient du fait que le dernier grand génocide, nommé arbitrairement par le mot hébreu Shoah et dont les traces encore fraîches blessent nos mémoires d'Européens, n'a pas vraiment abouti à l'exode généralisée et à la persécution habituelle de toutes les victimes survivantes. Il est même apparu une sorte de privilège des catégories les plus riches qui ont pu créer un État sur les terres palestiniennes et semer la terreur dans toute la région avec des méthodes aussi ignobles que celles subies par leurs ancêtres. Et c'est bien cette catégorie là, qui a le pouvoir de l'argent et le pouvoir militaire, que le législateur veut protéger. On se moque complètement des autres, c'est-à-dire des pauvres juifs errants ou des pauvres tziganes, car pour ces derniers les persécutions se poursuivent et même s'amplifient.
Il ne faut surtout pas oublier que les juifs errants de l'Europe centrale partageaient avec les tziganes la même misère mais aussi la même musique magnifiquement expressive qui savait rire et pleurer. Ils n'étaient certainement pas des Rothschild, leur seule richesse, c'était leur violon. Ces gens-là vivaient paisiblement et simplement, ils n'exploitaient personne. Rien à voir avec les Madoff et Lehman d'aujourd'hui qui occupent les places stratégiques des milieux de la finance mondiale et de la politique. Pourtant, ce sont surtout ces gens-là qui ont péri dans l'holocauste.
Comme écrivait Danielle Bleitrach (en parlant des nazis) : « Des gangsters, des vrais sont venus, ils ont pillé, massacré et tout est parti dans la fumée des chambres à gaz, le violoniste juif et le tzigane enlacés sont allés, frêles fantômes, cendres éparpillées sur les toits, ils n’en sont pas revenus ».
Ceci étant précisé, je souhaite m'adresser à la France : ce grand pays de la liberté et des droits de l'homme qui s'offusque exagérément contre certains négationnistes mais qui a été condamné à plusieurs reprises par le Conseil de l'Europe pour discrimination envers les tziganes. http://ldh-toulon.net/nouvelle-condamnation-de-la-France.html
Ce grand pays laïque ferait-il des différences selon les origines ou les religions des peuples victimes de l'holocauste ?
Il ne faut quand même pas oublier que, sous l'occupation nazie, les populations tziganes furent les premières touchées par la politique collaboratrice d'internement dans les camps de la mort français et surtout (mais on ne le sait pas !) le régime de l'époque a poursuivi, voire amplifié, cette purification ethnique jusqu'en mai 1946, c'est-à-dire bien après l'effondrement du reich nazi. Je conseille à ceux qui veulent des preuves de télécharger la thèse doctorale de Denis Peschanski (voir chapitre 24, pages 793 et 794) https://tel.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/362523/filename/DenisPeschanski_2000_TEL_TheseEtat.pdf.
Il ne faut quand même pas oublier que, depuis les régimes Sarkozy puis Valls, la France tient des propos anti-tziganes d'une ignominie sans précédent. Je cite le député-maire de Cholet « Hitler n'en a peut-être pas tué assez » ou l'idole du FN « la présence odorante et urticante des tziganes », sans parler du député-maire de Nice appelant les élus à utiliser des moyens répressifs contre les gens du voyage. Mais le point le plus inquiétant est sans doute la position de l'État français qui encourage la violence et l'acharnement policier contre les tziganes. Je vous invite à lire cet article de Mediapart sur les agissements de la police française 67 ans après 1946, rien n'a changé ! http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-alain/120113/la-police-gaze-des-enfants-et-saccage-un-camp-de-roms
Les tziganes d'Europe, ce sont un peu les Amérindiens d'Amérique : on veut les isoler dans des ghettos, interdire leurs traditions ancestrales, transférer de force leurs enfants dans des pensionnats de déculturisation, etc. C'est un véritable ethnocide qui et perpétré jusqu'à aujourd'hui et dans une indifférence quasi universelle. En fait, on veut les priver de leur liberté, le fondement même de leur identité.
Un vieil Amérindien disait : « Si vous les hommes blancs n'étiez jamais venu ici, ce pays serait encore tel qu'il était autrefois. Tout y aurait conservé sa pureté originelle. Vous l'avez qualifié de sauvage, mais en réalité il ne l'était pas, il était libre. Les animaux ne sont pas sauvages, ils sont seulement libres. Nous aussi l'étions avant votre arrivée. Vous nous avez traité de sauvages, vous nous avez appelé barbares, non civilisés. Mais nous étions seulement libres. »
Pirandello écrivait « Le monde est un champ dont les tziganes sont les fleurs » et je rajouterai : ne cueillez pas les fleurs des champs pour les mettre dans des vases, ne privez pas les tziganes de leur liberté en les mettant dans des villes, ne laissez pas s'éteindre cette culture ancestrale qu'ils ont su préserver malgré tant de pogroms, donnez leur le choix de vivre comme ils le désirent.
Les tziganes sont victimes de tant de clichés négatifs, ils sont les boucs émissaires d'une société hypocrite qui a oublié ses origines. Ces gens, considérés comme des pestiférés, vivaient en harmonie parfaite avec la nature, ils respectaient la planète, ils suivaient le bon chemin. Mais ils dérangent car ils ne correspondent pas du tout au modèle que la société actuelle veut imposer. Bien sûr, parmi les tziganes il y a des gens pauvres mais la pauvreté n'est pas un défaut, c'est la richesse du cœur et de l'esprit qui compte le plus. J'ai vécu cinq ans en Roumanie et je peux dire que les vrais tziganes, ceux qui sont fiers de leurs origines, sont bien plus sympathiques, serviables et compréhensibles que les autres habitants de ce pays xénophobe. Il ne faut pas observer les tziganes parqués dans les villes et repoussés jusque dans les dépotoirs, ce ne sont pas des citadins. Il faut les observer en pleine nature, enfin dans ce qui leur en reste, et ils apparaissent alors comme un peuple merveilleusement épanoui. L'image la plus belle que je retiendrai d'eux, c'est ce groupe rencontré par hasard un soir dans les montagnes du Bihor, assis paisiblement face au soleil couchant, le cheval pas très loin, une vache et une chèvre qui broutaient à côté et quelques braves chiens errants qui jouaient librement. Il se dégageait de ce groupe un air de liberté et de bien être en pleine nature que peu de citadins savent apprécier.
Je suis repassé par là, il y a quelques jours, mais plus de trace de mes amis tziganes, la montagne était défigurée par la construction d'une voie rapide. Les bulldozers et les marteaux piqueurs avaient définitivement effacé cet endroit de quiétude. La civilisation du progrès est à nouveau passée tel un rouleau compresseur pour permettre la vitesse, la croissance, la colonisation tout cela dans un vacarme assourdissant et sous un air pollué… mais on continuera de nous dire que les barbares ce sont les tziganes !
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