Manifestation contre la nouvelle constitution hongroise, le 2 décembre à Budapest. REUTERS/LASZLO BALOGH
Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté lundi 2 janvier à Budapest contre la nouvelle Constitution hongroise, jugeant qu'elle porte atteinte à la démocratie, tandis que le gouvernement célébrait l'entrée en vigueur de celle-ci lors d'une cérémonie dans la capitale. Les organisateurs de la manifestation, intitulée "Il y aura de nouveau une république", ont indiqué que près de 100 000 personnes se sont rassemblées en fin d'après-midi sur l'une des principales artères de la capitale.
Le parti socialiste MSZP, le parti écologiste de gauche LMP et le nouveau parti DK de l'ancien premier ministre socialiste Ferenc Gyurcsany ont participé au rassemblement. Les manifestants ont crié des slogans contre le gouvernement du premier ministre, Viktor Orban, et brandissaient des pancartes indiquant "Assez !", "Dictature d'Orban", "Orbanistan".
Manifestation contre la nouvelle Constitution, le 2 décembre, dans le centre-ville de Budapest.REUTERS/LASZLO BALOGH
Manifestation contre la nouvelle Constitution, le 2 décembre, dans le centre-ville de Budapest.REUTERS/LASZLO BALOGH
PLUS DE "RÉPUBLIQUE DE HONGRIE"
La nouvelle Constitution – aux accents très nationalistes – est entrée en vigueur dimanche. Elaboré par et pour le premier ministre hongrois Viktor Orban, elle instaure des réformes très controversées de la banque centrale, de la justice et de la loi électorale, et ce en dépit des critiques internationales. L'appellation "République de Hongrie" y disparaît au profit de la seule "Hongrie", et une référence explicite à la religion – "Dieu bénisse les Hongrois" – y est désormais inscrite.
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Dénoncé par l'opposition et par des mouvements de la société civile comme "un autocrate" faisant fi des critiques de l'UE quant à la compatibilité de ces lois avec le droit communautaire et des inquiétudes de Washington sur la démocratie dans son pays, Viktor Orban fait front, remodelant en dix-huit mois la Hongrie à son image.
Fort au Parlement de la majorité des deux tiers de son parti conservateur, le Fidesz, Viktor Orban a donné à une série de lois une valeur constitutionnelle, qui ne pourront donc être modifiées que par une majorité des deux tiers des députés. Or, une telle majorité semble à l'avenir hors de portée pour un gouvernement issu de l'opposition.
Orban Viktor, le premier ministre hongrois, est accusé de porter atteinte à la démocratie de son pays. ATTILA KISBENEDEK / AFP
APPAREIL D'ÉTAT VERROUILLÉ
Il en est ainsi de la loi sur la stabilité financière, qui inscrit dans le marbre le taux unique de 16 % de l'impôt sur le revenu. Cette mesure lie les mains d'un futur gouvernement, y compris en matière budgétaire, rendant très difficile l'instauration de mesures fiscales urgentes.
Sans oublier l'installation à tous les postes de responsabilité de l'appareil d'Etat, notamment dans les secteurs de l'économie, de la police, de la justice et de l'armée de proches de Viktor Orban, dont beaucoup disposent d'un mandat de neuf ou douze ans. Un futur gouvernement d'une autre couleur politique sera par conséquent confronté à un appareil d'Etat hostile, entièrement aux mains du Fidesz.
Dans le domaine politique, la Constitution rend rétroactivement "responsables des crimes communistes" commis jusqu'en 1989 les dirigeants de l'actuel Parti socialiste (ex-communiste), ce qui a poussé ces derniers à dénoncer "la mise en place d'une dictature". Côté religion, elle réduit d'environ trois cents à quatorze les communautés bénéficiant de subventions publiques.
La nouvelle Constitution touche également la vie privée en décrétant que l'embryon est un être humain dès le début de la grossesse, ce qui fait peser des craintes sur l'accès des Hongroises à l'avortement. De même, le texte stipule que le mariage ne peut avoir lieu qu'entre un homme et une femme, excluant ainsi les mariages homosexuels.
Outre ces lois restrictives, Viktor Orban a aussi mis au pas les médias publics, avec des licenciements massifs ou la mise en préretraite de journalistes indociles, en dépit d'une grève de la faim de plusieurs d'entre eux, aussitôt licenciés. Et Klubradio, seule radio d'opposition, a perdu sa fréquence.
POLITIQUE ÉCONOMIQUE "NON ORTHODOXE"
Cet arsenal est déployé sur fond d'une politique économique "non orthodoxe", qui a fait plonger la devise hongroise, le forint, de plus de 20 % par rapport à l'euro au cours des trois derniers mois, tandis que les taux d'intérêt des obligations d'Etat frôlent les 10 %.
La chute du forint a donné lieu à une augmentation de la dette publique. Celle-ci a atteint 82,6 % du produit intérieur brut (PIB), un plus haut depuis 1995 et une hausse par rapport aux 76,7 % enregistrés fin juin, a indiqué lundi la banque centrale hongroise (MNB) dans un rapport.
M. Orban avait pourtant fait de la baisse de la dette publique son cheval de bataille. Fin juin, il avait annoncé personnellement la baisse de la dette hongroise de 81 % à 77 % du PIB. Il envisageait une deuxième baisse de 77 % à 74 % en novembre et veut ramener le déficit à 60 % pour 2014 et à 50 % pour 2016. Ce dernier chiffre est par ailleurs inscrit dans la nouvelle Constitution.
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Après avoir boudé le Fonds monétaire international (FMI), Viktor Orban a dû l'appeler au secours, mais l'UE et le FMI ont suspendu les négociations en raison de la réforme de la banque centrale qui risque de réduire l'indépendance de l'institution. Lundi, le chef de la délégation hongroise, Tamas Fellegi, a fait savoir qu'il rencontrerait Christine Lagarde, la directrice du Fonds monétaire international (FMI), le 11 janvier à Washington pour des discussions informelles en vue d'une demande de crédit de Budapest.
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