La mort en direct

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La gauche française ne voit pas venir sa fin

Il est rare de saisir l’histoire en plein vol. C’est pourtant ce qui se passe sous nos yeux ces jours-ci. Voilà pourquoi j’emprunte le titre de cette chronique au chef-d’oeuvre de Bertrand Tavernier qui, dès 1980, nous annonçait la téléréalité dans toute son horreur. À quelques mois du Brexit et à quelques semaines de la défaite d’Hillary Clinton, à quoi assistons-nous en France sinon au troisième épisode de la mort en direct d’une certaine gauche, incarnée ici par le Parti socialiste. Exactement comme Harvey Keitel, dans la mise en abyme de Tavernier, filmait à son insu les derniers jours de Romy Schneider.

Plus que le triomphe de ce qu’on nomme confusément le « populisme », c’est au rejet par le peuple d’une certaine gauche culturelle et morale que nous assistons aujourd’hui de part et d’autre de l’Atlantique. La France nous en offre depuis quelques semaines une illustration saisissante. De quoi donner raison à Marx qui voyait dans ce pays « la terre classique de la lutte des classes ».

Reportons-nous cinq ans plus tôt. En 2012, à quelques mois de la présidentielle, deux stratégies s’offraient alors aux socialistes. La première, formulée par le think tank Terra Nova, incitait la gauche à se tourner vers les minorités ethniques et sexuelles des grandes villes et à poursuivre la stratégie « antiraciste » amorcée par François Mitterrand, qui n’avait pas hésité à pourfendre un Front national alors pratiquement inexistant. La seconde fut formulée dans un manifeste intitulé Plaidoyer pour une gauche populaire (éd. Le Bord de l’eau). Les militants Laurent Baumel et François Kalfon invitaient les socialistes à reconquérir les couches populaires sous l’emprise du FN en rompant avec les valeurs dites du « progressisme culturel ». Longtemps avant Donald Trump, ils expliquaient combien les sermons gauchistes sur la diversité, l’ouverture, l’hédonisme bobo, les bienfaits de l’immigration et de l’éclatement de la famille étaient éloignés de ce que vivaient ces populations.

En maître de la « synthèse », François Hollande a fait campagne en ménageant tous les camps. Mais, une fois au pouvoir, c’est la première stratégie qui s’imposa. D’abord, parce que lesdits milieux populaires exigeaient surtout que l’on mette fin au chômage. Or, en début de mandat, le président a cru que quelques mesures suffiraient et que la reprise ferait le reste. Or, la reprise n’est jamais venue. Ensuite, parce que le reste de son mandat se passa à attendre les résultats de nouvelles mesures heureusement plus énergiques. D’ici là, il fallait bien donner quelques gages à sa gauche, du genre de ces réformes « sociétales » qu’affectionnent tout particulièrement les élites petites-bourgeoises des grandes villes.


La façon dont a été mené le débat sur le mariage homosexuel fut éloquente. Alors qu’une majorité de Français souhaitait que la loi s’arrête à l’adoption et ne modifie pas un mode de filiation millénaire, le gouvernement a préféré traiter cette majorité de « ploucs ». Il est même passé à deux doigts de légaliser la « gestation pour autrui » considérée par l’immense majorité des Français comme une forme de marchandisation des enfants. Il n’y a donc rien de surprenant à voir le gagnant de la primaire de la droite, François Fillon, revenir sur le sujet.

Le besoin de protection des milieux populaires est aussi entré en collision frontale avec la seule grande conviction de François Hollande : l’Europe. Pendant que les petits salariés paupérisés réclamaient un bouclier contre les délocalisations et l’afflux des migrants, le président français est demeuré à la remorque de l’Allemagne. Alors que les attentats terroristes exigeaient un retour aux frontières nationales, François Hollande n’a jamais osé remettre en question le tabou européen. Devant la crise d’identité française, il s’est déclaré aux abonnés absents.

« Les gauches ont donné la priorité aux catégories populaires venues de l’extérieur du pays, perdant ainsi l’adhésion de leur électorat historique », expliquait le politologue Laurent Bouvet dans l’hebdomadaire Marianne. Résultat, une partie de la population ne supporte plus ce discours « progressiste » mondialisé qui prêche le multiculturalisme, l’ouverture des frontières, la révolution des moeurs et le changement perpétuel comme seul point de repère.
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