La mauvaise foi

B0b1fd31556cf072d8e0209f78a25a90

Une volée de bois vert pour Jean-Marc Fournier






Peu après son arrivée à la tête du PLQ, au printemps 1998, Jean Charest avait expliqué à un groupe de militants libéraux de Châteauguay comment le français avait pu survivre dans la mer anglo-saxonne qu’était devenu le continent nord-américain. « Nous avons réussi à préserver cette langue et cette culture parce que nos voisins des autres provinces étaient des alliés, des amis, et non pas des étrangers », avait-il déclaré.


 

Je lui avais reproché de faire bon marché du rapport Durham et de l’Acte d’union (1840), du Public Act à l’Île-du-Prince-Édouard (1877), de la suppression des écoles françaises au Manitoba (1890), de l’abolition des droits garantis aux francophones en Saskatchewan et en Alberta (1905), du règlement 17 en Ontario (1912), etc. Il avait répliqué qu’il fallait cesser de monter en épingle des « erreurs de parcours » de ce genre, qui n’avaient finalement pas eu l’effet escompté.


 

Jean-Marc Fournier était député de Châteauguay à l’époque. Ce sont peut-être les propos de son nouveau chef qui lui ont fait découvrir à son tour cette francophilie canadienne dont il ne cesse de vanter les mérites, comme il le fait encore aujourd’hui même dans sa réplique à ma chronique de jeudi dernier, dans laquelle je faisais valoir que la série Canada : A Story of Us diffusée par la CBC démontrait que le jovialisme dont il fait preuve dans son appréciation de la situation des francophones hors Québec est mal fondé.


 

Il convient maintenant que « les cent premières années de notre fédération ont fait reculer le français », ce qui constitue déjà un progrès. Malgré les « manifestations d’appui à notre langue » qu’il dit avoir constatées dans le ROC, un coup d’oeil sur les données de Statistique Canada lui permettra toutefois de constater que le déclin s’est poursuivi au cours du dernier demi-siècle.


 

 


Le leader parlementaire du gouvernement a fait étalage de toute la mauvaise foi dont il est capable jeudi, en s’opposant à la présentation d’une motion du PQ, appuyé par la CAQ et Québec solidaire, qui visait à réitérer l’opposition de l’Assemblée nationale au rapatriement unilatéral de la Constitution (1982), qui a diminué les pouvoirs du Québec sans son consentement et qu’aucun de ses gouvernements n’a accepté depuis.


 

Il y a cinq ans, la même motion avait fait l’unanimité. Cette fois-ci, M. Fournier a insisté pour inclure dans la motion la reconnaissance que « le fédéralisme a permis au Québec de réussir son projet de construction nationale », faute de quoi le gouvernement refuserait de l’appuyer. Elle n’a donc pu être adoptée.


 

En conférence de presse, il a semblé se rendre compte qu’il était peut-être un peu fort de dire que le fédéralisme avait « permis » la construction de l’identité nationale québécoise, autrement dit qu’il l’avait favorisée. « C’est dans le cadre [du fédéralisme], a-t-il nuancé. Il ne l’a pas empêchée ». On pourrait dire la même chose du rapport Durham : il n’a pas réussi à empêcher la survie des descendants des colons de la Nouvelle-France, même si leur assimilation était l’objectif avoué.


 

D’une fois à l’autre, M. Fournier s’emploie à repousser les limites du sophisme. « Il me semble utile de rappeler cet élément-là qui donne un portrait plus grand, surtout si on se souvient qu’un des éléments marquants de cette non-signature en 1982, c’est l’absence de reconnaissance de la diversité québécoise, notamment de son identité nationale. Or il faut affirmer qu’elle existe, il faut affirmer que nous l’avons construite, cette identité nationale. »


 

Une reconnaissance, faut-il le rappeler, qui a encore été refusée à deux reprises par la suite, quand l’accord du lac Meech (1987) et l’entente de Charlottetown (1992) ont été tour à tour rejetés. Et dont personne au Canada anglais ne veut plus entendre parler.


 
> Lire la suite de l'article sur Le Devoir



Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->