Patrimoine

La maison d’Alexis le Trotteur ne sera pas protégée par Québec

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Un peuple qui délaisse son patrimoine méprise sa propre existence nationale


À Clermont, dans le pays de Charlevoix, la maison qu’habita Alexis le Trotteur, figure légendaire du folklore, une résidence qui fut de surcroît le toit d’Alexis Picoté, un des pères de la colonisation du Saguenay, ne sera pas protégée par l’État québécois. Le ministère de la Culture et des Communications en a décidé ainsi après analyse.


C’est la Société d’histoire de Charlevoix qui avait sonné l’alerte ce printemps, jugeant qu’on jetait par-dessus bord l’histoire du Québec et de ses monuments en abandonnant ce bâtiment touché par un incendie en mars. La mémoire de ce centaure de légende qu’est Alexis le Trotteur est déjà fortement attachée à la municipalité puisque Clermont avait réclamé, en 2006, de pouvoir récupérer ses ossements afin de les inhumer dans son cimetière. Le maire jugeait alors que cela favoriserait le tourisme dans sa localité.


Ce refus d’assistance à ce patrimoine en danger « ne surprend d’aucune façon » la Société d’histoire de Charlevoix. Son président, Serge Gauthier, rappelle que, dans cette région, même les lieux qui font l’objet officiellement d’une protection de la part de l’État sont laissés à eux-mêmes et se trouvent, en plusieurs cas, dans un état proche de l’abandon. « Nous constatons que, dans Charlevoix, au moins trois bâtiments classés depuis longtemps par le ministère de la Culture du Québec sont en totale désuétude. Il faut ici nommer le moulin César de Baie-Saint-Paul, la maison Leclerc de L’Isle-aux-Coudres et la maison René-Richard de Baie-Saint-Paul. »


Un manque de vision


La Société d’histoire de Charlevoix constate à regret que « le statut de bien classé par ce Ministère n’accorde aucune protection sérieuse et la situation actuelle de ces bâtiments démontre, tout au plus, l’incurie et le manque de vision de ce Ministère, lesquels sont d’ailleurs souvent discutés dans les médias québécois actuellement ».


La valeur architecturale de cette maison populaire a été remise en cause par le ministère de la Culture et des Communications. Ce qui démontre, selon la Société d’histoire de Charlevoix, l’adoption d’une grille de lecture partiale au nom d’« un argumentaire élitiste », dénonce la même Société d’histoire. Ce « qui amoindrit la valeur de maisons ayant appartenu à des ouvriers et à des gens du peuple ». Voilà une façon de voir le monde social et l’histoire, plaide Serge Gauthier, en des termes largement dépassés et qui, au final, favorisent « les domaines bourgeois ou le patrimoine “chic” avec l’esprit de colonisé qui s’y rattache bien ».


Selon l’historien Serge Gauthier, la maison Picoté constituait un des bâtiments les plus importants pour retracer la trajectoire de cette région. La municipalité de Clermont avait annoncé ce printemps autoriser sa démolition, après qu’un incendie eut partiellement altéré l’intérieur de ce bâtiment ancien. Le maire de Clermont, Jean-Pierre Gagnon, avait indiqué d’emblée au Devoir qu’il ne servait à rien de protéger cette maison. « Ce n’est pas très dur de citer, mais si c’est pour la mettre à terre, ça ne sert à rien. » Et rien a priori, désormais, n’empêche désormais la municipalité de poursuivre dans cette voie.



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