La loi 101 amputée d'un article

Loi 104 - promotion du bilinguisme


Émilie Côté - Le gouvernement Charest a réagi au quart de tour: Québec en appellera en Cour suprême d'un jugement rendu hier qui invalide un article de la Loi 101. Lequel avait obtenu l'appui unanime de l'Assemblée nationale. Un nouveau feuilleton autour de la Charte de la langue française, qui soufflera ses 30 chandelles ce week-end.



Payer pour envoyer ses enfants à l'école privée permettra-t-il de nouveau à des parents d'assurer une éducation en anglais à leur progéniture?
Depuis 2002, la loi 104 empêche un élève d'une école de langue anglaise privée non subventionnée de faire le saut dans le réseau public. Un jugement rendu hier matin par la Cour d'appel du Québec a invalidé cette disposition de la Charte de la langue française.
Québec a aussitôt annoncé son intention d'interjeter appel devant la Cour suprême. «Il y a un consensus sur cette question-là au Québec. Ça fait l'unanimité, a déclaré la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, à la sortie de la réunion du Conseil des ministres. Nous considérons que cette protection de la Charte de la langue française est indispensable.»
Un enfant doit répondre à plusieurs critères bien précis pour recevoir un enseignement en anglais au Québec dans une école publique ou subventionnée, stipule la Charte. Toutefois, elle n'interdit pas qu'un enfant non admissible fréquente une école privée de langue anglaise non subventionnée.
Adopté par un vote unanime en 2002, le projet de loi 104 visait à corriger une faille de la loi 101. Chaque année, des centaines d'enfants obtenaient l'accès à l'école anglaise publique après avoir fréquenté un établissement privé. Du coup, leurs frères et soeurs avaient le même privilège, de même que leurs futurs enfants.
Hier, la Cour d'appel a statué que la loi 104 contrevient à la Charte des droits et libertés, renversant un jugement de la Cour supérieure et du Tribunal administratif du Québec. Le jugement partagé - deux voix contre une - ordonne aussi au ministère de l'Éducation de traiter les dossiers de 57 enfants.
«Avoir gain de cause après cinq ans, c'est extrêmement valorisant pour mes clients», a déclaré l'avocat Brent Tyler, qui est aussi l'ancien président d'Alliance Québec.
Mais le ministère de la Justice demandera un sursis d'exécution, a indiqué hier la ministre Michelle Courchesne. «Le jugement est exécutoire pour 57 enfants, dès aujourd'hui. Or, vous savez qu'il y a une rentrée scolaire la semaine prochaine. Nous voulons que cette rentrée soit faite dans un contexte très clair», a-t-elle expliqué.
Québec interjette également appel d'un autre jugement rendu hier, concernant le cas précis de Satbir Bindra, âgé de 12 ans. Les trois juges de la Cour d'appel ont ordonné au ministère de l'Éducation de délivrer immédiatement un certificat d'admissibilité au jeune écolier. Sa situation est particulière. Sa soeur de 16 ans a obtenu un certificat en vertu d'«une situation grave d'ordre humanitaire et familial», mais pas lui.
«Je suis content pour mon fils. Il était déprimé de ne pas aller à la même école que sa soeur», a commenté son père, Talwinder Bindra.
Satbir est allé à une école primaire non conventionnée qui offre un programme d'immersion en français. «Je voulais que mes enfants parlent les deux langues», assure M. Bindra.
Le jeune adolescent voulait étudier au secondaire dans une école anglaise. Mais à partir de la première secondaire, un contrat d'admissibilité est exigible.
L'Association des écoles indépendantes du Québec (AEIQ), qui représente 24 écoles anglaises privées, s'est réjouie du jugement rendu hier. «Nos écoles auront accès à un bassin d'élèves suffisamment grand qui nous permettra de garantir notre pérennité», a indiqué dans un communiqué le président de l'organisme, Jonathan Goldbloom.
Selon lui, les raisons évoqués pour adopter la loi 104 était exagérées: «Le gouvernement s'était servi d'une massue pour traiter d'une situation qui ne concernait que quelques centaines d'enfants dans l'ensemble du Québec. Pratiquement aucun de nos élèves n'a été mêlé à ce qu'on appelle un «achat du droit», puisque la vaste majorité d'entre eux, presque 100%, passe d'une école primaire à une école secondaire au sein du réseau de l'AEIQ.»
Le juge dissident Lorne Giroux n'est pas du même avis. Dans sa décision, il parle de «passerelle». Il écrit: «Des indices probants révèlent que le passage par l'école privée non subventionnée semble souvent un stratagème afin d'obtenir l'admission à l'école anglaise financée par des fonds publics.»
Il souligne que le phénomène prenait de l'ampleur. En 1995, 481 élèves ont fait le saut, comparativement à 819 en 1999 et 1373 en 2002. «Il faut, en plus, tenir compte que ces enfants ainsi devenus admissibles qualifient ensuite tous leurs descendants.»
Entre 1997 et 2002, plus de 5000 enfants ont obtenu un certificat en passant par un établissement primaire privé non subventionné.
Avec la collaboration de Malorie Beauchemin


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