Des voix inspirantes pour nous aider à définir la laïcité québécoise.
Les uns et les autres s’expriment sur le débat concernant la laïcité, le port des signes religieux pour les employés institutionnels (et non pas dans tout l’espace public tels que le laissent entendre parfois des gens de mauvaise foi!) et la façon d’aménager le « vivre-ensemble » en général- - intégration, francisation, immigration.
Plus encore que lors des débats de 2012-2014 lors du très éphémère règne minoritaire de Pauline Marois, on a l’impression que le Québec se trouve à la croisée des chemins; que l’indécision et l’attentisme ne peuvent plus durer sur ces questions.
Le temps est venu de trancher.
Le legs délétère des libéraux...
Il ne faut pas oublier que si nous nous trouvons dans la situation actuelle, c’est d’abord et avant tout la faute du Parti libéral du Québec. Ce parti a régné de manière quasi ininterrompue sur le Québec pendant l’essentiel de la période de ces débats.
En gros, l’héritage du PLQ sur ces questions c’est l’électoralisme et l’échec.
Par ses projets de loi 59 et 62, le PLQ a tenté d’imposer l’esprit du multiculturalisme sur le Québec sans avoir le courage d’en faire le débat ni en période électorale ni devant la population à la manière dont l’a fait, par exemple, Bernard Drainville, même auprès des plus farouches opposants de sa « Charte des valeurs ». On peut critiquer le projet, mais au moins, ce ministre a eu le courage d’en débattre visière ouverte.
Sinon, quand l’occasion s’est présentée de tendre vers le compromis de Bouchard-Taylor à la suite du funeste attentat de la mosquée de Québec, quand tous les partis étaient prêts à mettre de l’eau dans leur vin pour que l’on aboutisse enfin, qu’a fait le PLQ de Philippe Couillard?
Il s’est cantonné dans le coin des plus radicaux de son caucus, il a refusé tout compromis. Même Bouchard-Taylor c’était trop pour eux. On est ici dans le camp des plus ardents défenseurs du multiculturalisme canadien, dans le camp des Trudeau, mais au Québec.
Zéro compromis, zéro ouverture à quelque législation qui ouvre la voie à la laïcité institutionnelle.
...bientôt appuyé par Québec solidaire!
Ironiquement, il se pourrait bien que le PLQ ait trouvé un allié de circonstances dans son opposition à tout balbutiement de laïcité. Ce n’est plus un secret pour personne, la « gauche » est profondément divisée sur la question.
Québec solidaire débattra de ce sujet non sans avoir tenu plus tôt ce mois-ci une journée de « réflexion » sur la laïcité qui s’apparentait plus à un camp de rééducation! Les panélistes invités penchaient pas mal tous du même bord et on s’est bien gardé de faire entendre la voix des tenants de l’interdiction des signes religieux ou de toute forme de laïcité affirmée.
Tsé, quand Charles Taylor est reçu comme une rock star... J’ironise à peine.
On verra dans quelques semaines quelle position défendra cette gauche, mais le simple fait que des femmes telles que Ensaf Haidar, Ndia El Mabrouk, Djemila Benhabib ou Leila Lesbet ne soient personæ non gratæ dans le cadre d’une discussion tenue par la gauche à propos de la laïcité est révélateur en soi.
D’ailleurs, certains auront remarqué qu’un ex-militant d’Option nationale récemment admis au cénacle du politburo de Québec solidaire partageait – à titre personnel insistait-il - sur les réseaux sociaux ce texte de La Presse tentant d’associer Ensaf Haidar, la conjointe de Raif Badawi, à un auteur qui serait « extrémiste ».
Le hic c’est que les sources qui permettent d’établir que l’auteur en question serait un extrémiste sont pour le moins suspectes .
Et Ensaf Haidar n’a pas tardé à répliquer à l’OBNL...
« La laïcité n’est pas une opinion, elle permet d’en avoir une... »
Dans l’esprit du combat que mène Ensaf Haidar afin de faire libérer son mari, au cours des derniers jours, des voix se sont fait entendre pour défendre la laïcité. Comme cette réplique de la professeure et militante pro-laïcité Nadia El-Mabrouk en réponse à un texte de Jocelyn Maclure qui référait à elle et publié dans La Presse :
« Puisqu'on me le demande si gentiment...
La laïcité est un mode d’organisation de la société basée sur la séparation de l’État et des religions. L’objectif est de garantir la liberté de conscience des citoyens, fondée sur la liberté de jugement. La laïcité n’est pas une opinion, elle permet d’en avoir une.
Un État laïque n’applique que des règles démocratiques établies pour le bien commun, et non pas pour répondre à des particularismes. Son rôle est d'offrir l'égalité de traitement à tous les citoyens et d’assurer la bonne entente entre tous.
Pour ce faire, l'État, incarné par ses représentants, doit adopter, et afficher, une posture neutre face aux religions et autres options spirituelles.
Cependant l’État n’est pas neutre en tout. Il ne l'est pas en matière de valeurs, toutes les options morales ne se valent pas. Par exemple, la valeur de l’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas égale aux valeurs du patriarcat ; l’émancipation n’est pas égale à la soumission. L’État laïque doit être émancipateur, promouvoir des valeurs communes, forger l’esprit citoyen, le sens du bien commun.
Quant à l’école, son rôle est de promouvoir, par le savoir et la connaissance, l’autonomie de jugement. Elle est le socle d’une société démocratique et, à ce titre, doit également permettre de forger un esprit d’appartenance à une société commune, en misant sur ce qui rassemble plutôt que sur ce qui divise. »
On ajoutera au portait la sagesse de M. Guy Rocher, présence si salutaire – et celle de son biographe et ex-ministre Pierre Duchesne - à l’excellente émission de Guy A. Lepage (et j’insiste là-dessus, Guy A. fait de l’excellent boulot pour autant que l’on comprenne bien le mandat de son émission).
Cet artisan du Québec moderne et architecte de l’école laïque a été questionné sur nos débats actuels, dont celui du port des signes religieux par les enseignants. J’ai beaucoup aimé son explication selon laquelle, en 1960, en déconfessionnalisant l’école, on voulait respecter la pleine liberté de conscience des élèves, des étudiants. Et qu’un renversement complet était en train de s’opérer par le fait que l’on voulait faire primer le droit individuel du personnel enseignant au détriment du droit collectif à la liberté de conscience.
À eux deux, El-Mabrouk et Rocher, la première femme musulmane progressiste, le second issu des jeunesses chrétiennes, humaniste et progressiste aussi, voilà qui définit à merveille le type de laïcité qui saura rallier la majorité des Québécois.
Une laïcité qui n’est pas une opinion, mais qui permet d’en avoir une.
Personnellement, c’est cette conception de la laïcité institutionnelle qui me semble la plus essentielle pour la nation québécoise. Et on devrait aussi l’écouter, M. Rocher, sur la question du crucifix en passant...