Gunther Oettinger, commissaire européen au Budget, s'est inquiété de la situation en Espagne en des termes très forts, estimant possible que le conflit entre Madrid et la Catalogne provoqué par le referendum d'indépendance dégénère en guerre civile.
«La situation est très, très alarmante. La guerre civile est possible ici, au milieu de l'Europe», a déclaré sans ambages le commissaire européen au Budget et aux Ressources humaines de nationalité allemande, Gunther Oettinger, le 6 octobre à Munich, selon des propos rapportés notamment par la presse anglo-saxonne. «On peut seulement espérer qu'un dialogue entre Madrid et Barcelone [désignant ici les autorités régionales catalanes] va bientôt avoir lieu», a-t-il ajouté, précisant que l'Union européenne (UE) ne pourrait servir de médiateur que si «on le lui demand[ait]». Or, à ce jour, le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy n'envisage pas de dialogue tant que les séparatistes n'auront pas retiré leur menace de sécession.
Si, selon le média public américain, Voice of America, ces propos ont été qualifiés d'«absurdités» par des diplomates de l'UE, ils témoignent cependant de l'inquiétude qui règne aux sein des institutions européennes, depuis le référendum d'indépendance de la Catalogne. Organisé le 1er octobre malgré son interdiction par la justice espagnole et les mises en garde de Madrid, le «oui» l'a emporté à un peu plus de 90%.
Passe d'armes entre l'Etat et la région autonome
La situation reste en effet très tendue en Espagne. La volonté de Madrid d'interdire le scrutin par tous les moyens, a ému l'opinion publique catalane. Selon le gouvernement régional de Catalogne, plus de 890 personnes ont été blessées dans les affrontements avec la police le jour du vote – le bilan rapporté par l'AFP fait lui état d'au moins 92 blessés.
Et en dépit du résultat, le chef de l'exécutif espagnol Mariano Rajoy, a martelé son intention de faire tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher une sécession de la région. Dans un entretien à El Pais, le 7 octobre, il a confié qu'il n'écartait pas la possibilité d'appliquer l'article 155 de la Constitution, qui permet au pouvoir central de prendre la direction d’une communauté autonome en cas de non-respect de la Constitution ou d’atteinte grave à l’intérêt général.
Une prise de position forte, allant dans le même sens que celle du roi d'Espagne Felipe VI, qui a assuré lors d'une allocution télévisée le 3 octobre qu'il revenait à l'Etat d'«assurer l'ordre constitutionnel». «Nous devons tout faire pour défendre la liberté de l'Espagne», a affirmé le souverain.
«Le roi adopte le discours et les politiques du gouvernement Rajoy qui ont été catastrophiques pour la Catalogne et ignore délibérément des millions de Catalans qui ne pensent pas comme eux», avait répondu dans la foulée le président catalan, Carles Puigdemont. Ce dernier avait ensuite assuré qu'il suivrait la procédure et que la déclaration d'indépendance aurait rapidement lieu. Celle-ci pourrait avoir lieu le 10 octobre, lors de la prochaine réunion du parlement catalan.
Manifestations d'ampleur des pro-indépendance... et des pro-unité
Ces passes d'armes des autorités s'accompagnent de manifestations de grande ampleur dans les rues. Au cri de «Dehors les forces d'occupation !», 700 000 personnes ont défilé le 3 octobre dans Barcelone alors que la Catalogne est plongée dans une grève générale pour protester contres les violences policières qui ont émaillé la tenue du référendum. Le cortège a même entonné «L'estaca», un chant composé sous le régime du général Franco, symbole de la lutte contre les autorités franquistes dans la province.
A cette mobilisation pro-indépendantiste ont répondu des manifestations pour l'unité de l'Espagne et le dialogue entre les indépendantistes catalans et le gouvernement central, qui ont réuni des dizaines de milliers de personnes dans plusieurs villes du pays, le 7 octobre.
Le lendemain, ils étaient des centaines de milliers à manifester contre l'indépendance catalane, avec le mot d'ordre très sec : «Ça suffit ! Retrouvons la sagesse !»