La Grosse Caisse

Quand on perd 40 milliards de dollars, il me semble que les photos des responsables devraient faire la première page des journaux.

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Elle a beaucoup fait parler d'elle cette semaine. Il faut dire qu'une perte de 40 milliards, ça ne peut pas passer comme un timbre à la poste. La Caisse de dépôt, avec ses résultats pitoyables, a fait le plein de sceptiques autant que de défenseurs. Le bas de laine des Québécois est peut-être percé, mais personne ne semble avoir trouvé le moyen de le remettre à neuf pour le moment. Il reste seulement à espérer que les sceptiques soient confondus.
Toutes ces révélations m'ont cependant rappelé un homme qui m'avait dit tout le mal qu'il pensait de cette fameuse institution il y a bien longtemps, une trentaine d'années au moins. Je vous parle de Robert de Coster, un grand serviteur de l'État, décédé depuis, et qui dès 1978 en avait gros sur le coeur par rapport à la Grosse Caisse, comme il l'appelait.
C'est la seule fois où j'ai entendu Robert de Coster élever la voix. C'était un homme calme et poli qui n'avait jamais besoin de crier pour faire entendre son point de vue. Il avait été appelé à mettre sur pied la Société de l'assurance automobile, dont nous nous apprêtions à faire adopter la loi constituante par l'Assemblée nationale, à cause de son expérience dans la mise sur pied de la Régie des rentes, dont il avait guidé les premiers pas avec un grand succès. Tout était prêt quand il m'a demandé un entretien privé.
Je n'ai jamais su si cet homme était libéral ou péquiste. Il était au-dessus de ce qui fait la politique quotidienne et nos relations avaient toujours été cordiales. Je l'ai reçu en ne sachant pas pourquoi il sentait le besoin de me parler, mais convaincue qu'il avait une bonne raison de le faire.
Après un peu de conversation au cours de laquelle il m'avait proposé une mise à jour de tout le dossier pour me dire où il en était et m'assurer que je pouvais aller de l'avant car les structures seraient prêtes le moment venu, il m'a dit presque à voix basse: «Vous allez faire une grave erreur. Je ne peux pas ne pas vous le dire.»
C'est alors qu'il m'a expliqué que nous ne devrions pas confier encore plus d'argent à la Grosse Caisse, qui en avait déjà bien assez à administrer. Qu'il eut mieux valu envisager de confier l'argent de la SAAQ à une caisse autonome, chargée de faire fructifier les sommes appartenant aux citoyens couverts par le régime d'assurance automobile, plutôt qu'à ces «cow-boys de la finance» de la Grosse Caisse, comme il les appelait, qui avaient tendance à agir comme si l'argent qu'ils administraient était le leur.
Comme cet homme avait été de bon conseil jusque-là, je l'ai écouté avec attention. J'avoue que je me suis demandé s'il avait des comptes à régler avec la Caisse de dépôt pour en parler en ces termes, puis je me suis dit que ce n'était vraiment pas son genre de régler des comptes de cette façon. Je lui ai dit que je retiendrais sa proposition et que j'en parlerais au premier ministre.
La réception n'a pas été favorable de la part de ce dernier, qui trouvait qu'au contraire il fallait profiter au maximum de toute l'expertise dont disposait la Caisse de dépôt, plutôt que d'éparpiller des sommes dans des «succursales» qu'il faudrait surveiller quand même. Robert de Coster a été très déçu quand je lui ai communiqué la réponse. Il s'est plié à la décision parce qu'il était d'abord et avant tout un grand serviteur de l'État, mais quand j'y repense aujourd'hui, je me dis qu'il n'avait peut-être pas tort.
Les membres du conseil qui se sont présentés devant les journalistes n'avaient pas l'air de «cow-boys de la finance». Ils sont entrés en rang d'oignon et se sont assis sans faire de bruit. Sauf les deux qui ont pris la parole, je n'avais aucune idée de l'identité des autres. On repassera pour la transparence.
Quant aux vrais cow-boys, j'imagine qu'ils occupent les étages du magnifique édifice qui loge la Caisse de dépôt et qu'ils attachent leurs chevaux à l'écurie située au sous-sol de l'immeuble. Peut-on espérer les connaître un jour? Quand on perd 40 milliards de dollars, il me semble que les photos des responsables devraient faire la première page des journaux. D'autres sont à la une de nos quotidiens pour bien moins que ça.


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