La France en marche

L'utilité de relativiser

Je profite d’un séjour en France pour lire un livre sur ma table depuis deux mois : Heureux comme un Français en France (Presses de la Cité).

L’idée de départ de l’auteur Yves Deloison est très simple : mettre toutes les affirmations sur le déclin de la France à l’épreuve des faits. Il en ressort que la France va bien. Ou à tout le moins beaucoup mieux qu’elle le croit, en cette période d’intense autodénigrement.

Ce livre est une lecture essentielle. Yves Deloison ne nie aucun des problèmes de la France : il remet simplement en question l’incapacité de les relativiser. Car la plupart de ces difficultés sont en réalité les effets d’améliorations qui ont cours en ce moment.

Je dois ici révéler mon parti pris : j’ai toujours pensé comme Yves Deloison. (À tel point d’ailleurs qu’il me cite à quelques endroits.) Mais j’ai beaucoup appris en lisant le fruit de ses recherches.

Il en ressort cinq atouts formidables qui permettent de croire que la France non seulement va bien, mais qu’elle ira bien.

La France est jeune. Depuis trois générations, les Françaises font plus d’enfants qu’ailleurs en Europe (sauf en Irlande), au point qu’il y aura autant de Français que d’Allemands vers 2060.

Une inversion historique extraordinaire : toute l’histoire de l’Europe entre 1750 et 1945 se résume au fait que ce qui avait été le royaume le plus peuplé du continent s’est fait doubler démographiquement par l’Angleterre, l’Italie et surtout l’Allemagne.

Depuis 1945, le balancier est reparti en sens inverse. Évidemment, cela suppose des défis nouveaux à gérer en matière d’emploi et d’immigration. Mais la France bouillonne d’énergie vitale comme jamais.

La France est entreprenante. La France est depuis longtemps championne européenne de création d’entreprises — 525 000 en 2015. Plus que l’Allemagne, plus que le Royaume-Uni.

Les Français ont toujours été entreprenants — ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la langue anglaise leur a emprunté toutes les variantes du terme. C’est aussi vrai pour tout le secteur associatif. On oublie trop souvent que de très grandes organisations françaises mondialement reconnues comme l’Alliance française et Médecins sans frontières sont le fruit de l’initiative individuelle.

La France est créatrice. Pour tout ce qui concerne la recherche intellectuelle (tant scientifique qu’artistique), les Français continuent d’entretenir une très forte culture de l’originalité et de la distinction. Le pays recèle plus que son lot de penseurs originaux dans tous les domaines de la connaissance. Le flot de nouvelles idées, de créations et d’inventions, dont certaines deviennent la référence mondiale, demeure ininterrompu.

Et le terreau est d’autant plus fertile que les Français sont eux-mêmes des consommateurs avides d’art, de culture et d’idées nouvelles, ce qui renforce l’écosystème.

La France est réformatrice. On n’arrête pas de dire que la France est immobile et que rien ne change. Et pourtant, je vois constamment la France opérer des changements administratifs parfois très profonds. On la dit centralisée alors que son administration s’est lourdement régionalisée depuis plus de trente ans.

Pendant mon séjour en 2013-2014, j’avais été surpris de constater à quel point les réformes presque constantes suscitent des récriminations paradoxales, de la résistance et des protestations. Mais voilà : ça change.

La France a du poids. Même si la France n’avait ni son siège permanent au Conseil de sécurité, ni l’une des principales forces militaires de la planète, ni l’une des diplomaties les plus actives, elle continuerait de peser sur les affaires du monde sans le vouloir, par simple inertie.
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