La fin du leadership américain

L’Europe cherche à se protéger du chaos qui menace l’Amérique en créant sa propre zone financière, explique Franck Biancheri. Entretien.

Crise mondiale — crise financière


L’interview
L’Europe cherche à se protéger du chaos qui menace l’Amérique en créant sa propre zone financière, explique Franck Biancheri. Entretien.
- Depuis quand, vous-même et votre équipe, annoncez une catastrophe financière planétaire ?
- Cela fait neuf mois que nous avons identifié cette période du second semestre 2011 comme étant décisive pour la dette européenne et la dette américaine.
- Ce sont pourtant deux phénomènes distincts…
-Absolument. Nous avons expliqué qu’à notre avis la dette européenne allait être réglée. Même un défaut de paiement partiel ne concerne que les institutions financières et pas l’économie réelle. Il en va autrement pour la dette américaine.
- Obama n’évoque-t-il pas « la fin du monde » ?
- Ce n’est pas la fin du monde mais la fin de « leur » monde. C’est bien pourquoi il y a, depuis un an et demi, cette tentative qui sert les intérêts anglo-saxons de Wall Street et de la City, d’attirer les regards sur la dette européenne pour faire diversion sur le problème américain et britannique.
- C’est-à-dire ?
- Ce qui se passe sur la zone euro n’est que l’une des conséquences de ce phénomène. Et, en même temps, il l’accélère. La création du Fonds de stabilisation financière, les emprunts européens, notamment, montrent que la zone euro sort des marchés financiers qui sont traditionnellement anglo-saxons. Les Européens sont en train de prendre le contrôle de leurs propres finances. Cela rend fou les Américains. Ils perdent le leadership mondial. Les Chinois vendent leurs bons du trésor américain pour acheter de la dette européenne.
- Pourquoi vendent-ils ?
- Parce que la question est de savoir combien de temps encore, en termes de semaines ou de mois, le mythe de la sécurité des bons du trésor américain va tenir. Il est clair qu’il n’y aura aucun accord satisfaisant sur le plafond de la dette américaine.
- Que va-t-il se passer ?
- Il y aura un compromis à court terme. Mais la situation est devenue intenable. Les agences de notation menacent de baisser la note américaine. C’était impensable il y a un an et demi ! Elles exigent un énorme plan de réduction des dépenses. Du jamais vu !
- En quoi est-ce si gênant ?
- Les bons du trésor américain sont depuis 1945 le socle sur lequel repose tout le système financier mondial. Et encore plus depuis 1971 et la fin de l’étalon or. Dès lors qu’il y a une dégradation de la note américaine, le plancher de l’ensemble du système financier mondial s’effondre. Tous les actifs gagés autour des bons du trésor américain, c’est-à-dire 70 ou 80 % de la planète financière, est entraînée vers le bas : les bourses s’effondrent, les 15.000 milliards d’actifs fantômes partent en fumée…
- Et l’Europe dans tout ça ?
- L’Europe cherche à se protéger du chaos qui menace. Elle construit des digues face au tsunami qui arrive en isolant autant que possible la zone euro et ses financements publics des marchés mondiaux, essentiellement anglo-saxons. Car les décideurs de la Banque centrale européenne et des Etats savent qu’une espèce d’explosion atomique se prépare. Cela pousse tout le monde du côté de l’Euroland, Russes et Chinois en particulier. Tous les pays dont les réserves ou les supports financiers sont basés sur les bons du trésor américain vont être ravagés par le choc.
Propos recueillis
par Marcel GAY


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